L’explosion Maggie Rogers à l’Ancienne Belgique
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
26/02/2019

L’explosion Maggie Rogers à l’Ancienne Belgique

S’il vous est arrivé de tomber sur une performance de cette jeune pépite lors d’une de ses passages sur les plus grands plateaux américains, on ne vous apprend rien si l’on vous dit que l’ambiance à l’Ancienne Belgique ce dimanche soir était des plus brûlantes. Il y a cette rage et cette énergie frissonnante qui se dégage de ces danses presque chamanesques et qui nous faisaient brûler d’envie de découvrir tout cela sur scène. Aucun regret, l’Américaine est à la hauteur de nos attentes et a su livrer un live galvanisant et captivant sans artifices. En même temps, pas vraiment besoin de ça avec une telle prestance scénique et une puissance de voix comme celle de Maggie Roggers. On vous raconte. 

Tout commence en début de soirée, ce moment d’avant-gardisme où les premières parties d’aujourd’hui préparent le terreau fertile de la musique de demain. Les premiers mètres du parterre de l’Ancienne Belgique sont déjà peuplés par les fans les plus adoratifs de la star du soir et les styles se bouleversent. Jeans vintages, t-shirts rentrés et cheveux longs lâchés : les sosies sont de la partie et se mêlent à une foule intergénérationnelle colorée et motivée. L’avant étant majoritairement empli de cette jeunesse fougueuse qui chante et hurle à chaque fois que l’artiste tente de reprendre son souffle et l’arrière se constitue de ce public plus mature qui aime se surprendre à écouter le spectacle les yeux fermés et l’esprit ailleurs. Une audience qui prouve l’amplitude de l’impact musical de Maggie Rogers, une artiste en vogue mais qui sait garder cet esprit indie et alternatif qui plaîra aux détracteurs de la musique mainstream. Vient alors l’heure de la première partie : l’Australienne Mallrat. “The World’s Greatest Rap Star” peut-on lire sur une banderole à l’arrière de la scène. Une appellation qui contraste assez fortement avec les premières notes de cette voix douce et enfantine qui vient caresser nos oreilles et nous faire bouger du pied sur les rythmes de son acolyte DJ aux productions très plaisantes. On s’étonne quelque peu de cette façon très surprenante qu’à la jeune artiste de mâcher ses paroles qui défilent de façon incompréhensible à nos oreilles sur des beats néanmoins très dansants. A l’intro d’un de ses morceaux, on peut entendre : “Dans cette musique, je vous parle d’abus sexuel par des aliens.” Une positivité solaire mêlée à une tendre innocence qui viendront excuser les quelques imperfections de la performance et on finira nous-même avec un sourire aux lèvres face à cette musique décalée aux thèmes plus qu’incongrus. Un live timide dans l’ensemble donc mais plutôt efficace qui vient échauffer une foule réceptive et impatiente pour la venue de Maggie.

Chauffer la salle, c’est l’affaire de l’Ancienne Belgique. Quelques minutes avant l’arrivée sur scène de l’artiste, c’est Dancing Queen du mythique groupe Abba qui retentit dans les hauts-parleurs et l’effervescence est immédiate. Le public scande les paroles de cette hymne symbolique et les premières mains commencent à voler dans les airs : l’ambiance est déjà là et il ne reste plus qu’une seule chose pour que la fête soit complète : la dancing queen du soir. Boum, les percussions du pétulant Give A Little retentissent et la folie prend possession de ce parterre rempli et mouvementé qui s’agite à la vue de la chanteuse. Jeans taille haute oblige, c’est flamboyante qu’elle bondit sur scène vêtue d’un haut pailleté en cohésion parfaite avec le titre disco précédant son arrivée. Un style irréprochable donc mais un détail qui nous bouleverse : un chignon. Nos attentes sont bouleversées et l’angoisse de ne pas pouvoir profiter des lancés sauvages et libérateurs de sa dense chevelure rousse nous envahi. Free the damn hair, Maggie. Ni une ni deux, c’est d’un geste gracieux qu’elle dévoile aussitôt cet atout capillaire qui, pour une raison qui nous échappe encore, donne à ces prestations l’esprit endiablé et ardent qui nous séduit. Un morceau fort dont le bridge permet un moment de communion vocale dans une salle qui reprend en choeur les “And no one knows me. And no one knows you”. L’entrée est fracassante, l’énergie est transcendante et ce premier titre ouvre avec brio cette salve de morceaux plus beaux les uns que les autres. On garde la même vivacité pour se lancer dans Burning qui, comme son nom l’indique, fait preuve d’une incandescence réjouissante. “Let me help you wake you up” crie le refrain. Une occasion de plus pour la showgirl de s’en donner à coeur joie dans des danses effrénées qui imposent le mimétisme de la foule en délire. On reprend son souffle et ses esprits lors de la transition pendant laquelle la jeune Américaine exprime son étonnement face à une foule si dense deux ans seulement après un show plus intimiste à l’AB Club.

Séquence émotion. On fait redescendre la pression avec le doux Say It qui permet aux deux musiciennes qui accompagnent l’artiste de mêler leurs voix à celle de Maggie. Le rendu est alchimique et vient sublimer les refrains de cette petite douceur relatant les premiers émois et les coups de foudre sentimentaux. Dog Years arrive ensuite pour être chanté à l’unisson par la chanteuse et son public pour un véritable partage. Overnight, paru le mois dernier sur son premier album Heard It In A Past Life, ramène les percussions du début du concert pour faire vibrer la salle à nouveau et bondir la boule d’énergie qui brille d’un côté de la scène à l’autre. Arrive alors le titre qui nous avait tant fait effet avec cette session acoustique pour La Blogothèque : Light On. Pour l’introduire, c’est sur un riff de guitare envoûtant que le petit bout de femme décide de dédier quelques jolis mots sur l’importance de la musique dans sa vie et la chance qui lui est donnée de pouvoir jouer ce genre de concert. Touchés et inspirés, c’est d’aplomb qu’on prépare nos cordes vocales pour accompagner l’artiste pour un condensé d’émotions. Quelques trois minutes de finesse et d’énergie pour livrer une version plus intense encore d’un titre qui résonnait déjà si profondément à travers nos écouteurs et qui prend, entre les quatre murs de cette Ancienne Belgique bouillante, un sens tout particulier.

Crédit Photo : © Francis Vanhee pour De Morgen

La suite est on ne peut plus explosive avec la triade On + OffAlaska et The Knife qui couvrent chacun à leur manière une des facettes de la pop dansante exercée par la petite prodige. Les pas de danse se succèdent, les refrains entêtants aussi et le temps file à une vitesse folle dans une atmosphère où justement ce temps semble s’arrêter. Juste le temps d’un instant. Un instant pour laisser les voix s’arracher, les épaules se secouer et les oreilles se laisser combler par un concert qui jusqu’ici offre sans relâche de précieux moments de prestations justes et abouties qui font honneur au talent de cette surprenante Maggie Rogers. Et en parlant de surprises, c’est avec une cover de  Taylor Swift que vient débuter la fin du show. Sur Tim McGraw, la jeune rouquine exprime son admiration pour la musique country qui l’inspire et qui influence chacune de ses compositions. Retrograde et le voluptueux Back In My Body suivent alors et viennent mettre l’accent sur la puissance vocale de l’artiste. Deux reflets de sensibilité qui vont en effet laisser libre cours à ses différentes textures de voix et laisser celles-ci faire vibrer la salle pour deux moments frissonnants et mémorables. Le moment déjà pour Maggie de remercier l’ardeur de son rendez-vous du soir et d’annoncer le très attendu FallingwaterUn morceau qui n’a plus rien à prouver tant sa beauté est connue de tous et qui rassemble l’assemblée une dernière fois pour un instant lumineux avant de voir les artistes quitter la scène. C’était sans compter sur l’ébullition du public qui, à coup d’applaudissements et de cris d’amour, voient avec joie leur petit plaisir du jour remonter sur scène pour un rappel des plus somptueux. Adressant quelques mots doux à ce public si bienveillant, la jeune performeuse s’étonne soudain, lorsqu’elle annonce vouloir interpréter un dernier morceau, d’entendre “Whitney Houston!” retentir de le public. Une request qu’on ne peut refuser. C’est donc avec une spontanéité captivante que Maggie invite une dernière fois sa fidèle guitariste Elle Puckett pour une reprise envoûtante de I Wanna Dance With Somebody. Un dernier pic d’intensité qui vient clôturer ce festival explosif d’émotions et d’énergie pour une audience comblée qui quitte l’Ancienne Belgique tout sourire sur les mélodies discos (de la version originale cette fois) de ce tube de la grande Whitney laissant derrière elles les braises encore chaudes du grand feu qu’aura été Maggie Rogers ce dimanche soir à Bruxelles.

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