On a plongé dans Les Paradis Artificiels
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Auteur·ice : Charles Gallet
29/03/2018

On a plongé dans Les Paradis Artificiels

Une semaine, ça passe vite. Surtout quand elle est chargée de concerts. Cette année, on s’est plongé dans les Paradis Artificiels, festival itinérant de la métropole lilloise dont la programmation annonçait des soirées énormes. On n’a pas été déçu. Voilà ce qu’on en retient.

Une réussite. Deux jours après la fin des Paradis Artificiels, c’est bien le mot qui nous revient en tête. Une programmation ambitieuse qui est allée chercher pas seulement des noms mais surtout des artistes et des univers capables de réunir et de réjouir tout le monde dans toutes les sonorités qui représentent la musique de 2018. Un succès mérité donc, pour un festival qui aura attiré du monde aux quatre coins de la métropole lilloise, que ce soit pour ses concerts ou ses kick off. Comme quoi, une programmation de qualité attirera toujours la foule. On vous avait déjà parlé longuement de la première date du festival qui regroupait Frank Carter & The Rattlesnakes, Birth Of Joy et Demob Happy. On vous décrira plus longuement dans cet article la date complètement dingue qui a clôturé le festival le dimanche 18 mars, mais entre temps on voudrait vous parler de 3 artistes qui ont pour nous éclairé cette semaine de concerts. Il s’agit de Barbagallo, Eddy De Pretto et Lewis Ofman.

On dit que les absents ont toujours tort. Ce mercredi 14 mars, les absents ont définitivement dû se manger les doigts. On ne va pas mentir, Barbagallo est un artiste que l’on apprécie beaucoup, non seulement pour sa musique studio mais surtout grâce à son live.

Venu nous présenter son nouvel album, Danse Dans Les Ailleurs, Barbagallo nous aura offert un joli moment suspendu dans le temps, porté par des musiciens classieux au service d’une pop à la fois rêveuse et référencée, riche en jolis morceaux tels que L’échappée, Pas Grand Monde (qui donnera lieu à un moment entre humour et cynisme ce soir-là) ou la très rythmée La Soif, qui prennent vraiment corps en concert et révèlent toutes leurs émotions et leur couleurs.

Pour avoir vu l’artiste en live plusieurs fois, on sent d’ailleurs une véritable évolution, une  connivence entre le batteur et ses musiciens. D’un geste, d’un regard, ils se comprennent et donnent à la musique  une toute autre ampleur, notamment  sur la chanson finale, La Vérité, qui prend une tournure assez épique et révèle une puissance musicale presque palpable.

Le lendemain, l’ambiance était tout autre et la Condition Publique bien remplie pour accueillir le nouveau héros de la chanson française. Il s’appelle Eddy De Pretto et il est sur tous les réseaux sociaux, comme il se plait à nous le dire.

On ne le répétera jamais assez : voir Eddy De Pretto en live à quelque chose de presque religieux. Et quitte à parler de religion, autant pousser la métaphore plus loin, on pourrait comparer l’attente qui nous a mené au Kid de Clichy comme un véritable chemin de croix, tant on a vécu le concert de Thérapie Taxi comme une torture. Compositions fades, textes faussement provocateurs et inutilement vulgaires sensés représenter la jeunesse (pauvre jeunesse sérieusement), la musique des Parisiens sonne à nos oreilles de façon vraiment désagréable, et heureusement pour eux, nous étions apparemment les seuls à le ressentir ainsi ce soir-là (notez que même la rédaction de La Vague Parallèle est plus que divisée à leur sujet, comme en témoigne cette chronique élogieuse). Pour ma part, je pourrais résumer leur prestation par “Thérapie Taxi, ils devraient s’appeler Thérapie Tout Court car c’est l’envie qu’ils me donnent après avoir écouté leur musique” (merci papa pour ce fou rire).

Heureusement, Eddy De Pretto a sauvé notre soirée, et nos oreilles. Pour son sens de l’épure dans la mise en scène, en passant par sa façon d’occuper la scène comme un lion en cage ou pour son charisme aussi puissant qu’hypnotique, le bonhomme nous fascine pour mille et une raisons. La principale est sans doute cette diction exceptionnelle qui fait claquer chaque mot comme un fouet et qui pousse à l’écoute et à la réflexion. Car ce sont ses textes qui nous frappent et nous habitent, cette manière assez impudique de raconter sa vie pour la faire résonner dans la nôtre. De l’uppercut verbal Normal, gros poing dans la gueule à tous les homophobes, en passant par Rue De Moscou ou les déjà classiques Beaulieue, Kid ou Jungle De La Choppe, chaque mot est pensé, réfléchi, pesé pour toucher le coeur. La réussite est totale et méritée, tant la préstation du bonhomme est incandescente, puissante et maitrisée. On ne cessera jamais de dire du bien d’Eddy De Pretto tant qu’il continuera à nous assommer de son talent avec cette facilité déconcertante.

Il faut croire que l’on est attiré par les étrangetés dans les programmations. Car après un Barbagallo coincé entre l’austérité de Helm et la sauvagerie de The Soft Moon le mercredi 14 mars, c’est Lewis Ofman, qui nous a réjoui en ce vendredi 16 mars au Splendid. Placé en première partie de Wiki et de Rejjie Snow – dont il a produit une grande partie de l’excellent Dear Annie – le jeune homme n’a fait que confirmer tout le bien que l’on pensait déjà de lui. Seul sur scène, il aura réussi à emmener avec lui un public plutôt venu pour les têtes d’affiche hip hop que pour un Parisien pratiquant une pop aérienne.  Facile, en même temps, tant ses compositions respirent le groove et nous invitent assez rapidement à bouger nos postérieurs, notamment sur le hit Flash et la géniale Plein de Bisous. On appréciera d’ailleurs les paroles qui peuvent sembler parfois niaises mais qui sont surtout là pour apporter de la poésie et de la candeur aux morceaux. A certains moments, comme sur Le métro et le bus, le Parisien nous a furieusement rappelé Katerine dans ce qu’il a de meilleur : une simplicité, une douceur qui nous font vibrer. Avec des compositions et un talent comme le sien, l’avenir s’annonce rayonnant pour Lewis Ofman.

On en vient donc au gros morceau de cette semaine de concert. Sorte de mini-festival dans le festival, le concert du zénith avait tout du moment immanquable pour tout amateur de rap français actuel. Parfait dosage entre artistes belges et français (on ne sait pas si c’était fait exprès ou non, mais un artiste français succédait à un artiste belge à chaque fois) la soirée avait tout pour être parfaite et on en a vraiment eu pour nos oreilles.

 On passera rapidement sur les concerts du 77 et de l’or du commun que l’on connait peu et qui ne bénéficiait pas d’un son assez parfait pour qu’on puisse comprendre correctement leur paroles mais qui ont comblé cette lacune par une énergie assez hallucinante qui a fait trembler le zénith et son public venu en nombre dès le départ. On a adoré Biffty & DJ WEEDIM, venu présenter en avant première quelques titres de leur futur album La Potence et qui semble être dans la droite lignée des précédents titres des gaillards, proche d’un délire withe trash à la française mais qui semble apporter une véritable diversité au niveau des productions qui semblaient parfois un peu trop semblable auparavant. En bref, la souye a de beaux jours devant elle.

On passe alors au grand moment de la soirée, le trio dévastateur Lorenzo, Roméo Elvis et Vald. Autant le dire, c’est le premier qui remporte tous nos suffrages d’amour pour son concert. Certes Lorenzo n’a sans doute pas les meilleures chansons des trois, mais c’est celui qui nous a le plus marqué. Tout simplement car c’est celui qui nous a proposé ce soir-là un spectacle. Sans doute marqué par ses études cinématographiques, le Rennais a un sens inné de la mise en scène, ne laissant aucun temps mort entre les chansons, proposant une véritable histoire. Lors de son passage à la Maroquinerie en juin, il s’était mis en scène avec un kebab, ici c’est un vaisseau spatial qui lui servira de décor. Et puis quoi que les petits esprits puissent en dire, les tracks de Lorenzo, toujours accompagné de son pote Rico et de membres de Columbine, restent une véritable arme de distraction massive : Carton Rouge, Fais Pas Le Mec ou Fume à Fond sont des chansons taillées pour retourner les salles. Et que dire alors de Freestyle du Sale, jouée trois fois ce soir-là, notamment dans une version métal absolument dantesque. Bref, que ceux qui ne prennent pas Lorenzo au sérieux soient prévenus, le bonhomme est bien là pour rester.

Roméo Elvis ne nous avait jamais déçu, et ce n’est pas ce soir-là que la donne a changé. En un sens, on pourrait rapprocher la trajectoire du Belge de celle de son pote Lomepal. La réédition de Morale 2, devenu Morale 2luxe, a fait du bien au live. Les nouvelles chansons offrent des ambiances diverses au set et permettent d’apporter de la nouveauté sur scène. De même, la nouvelle mise en scène et le nouveau décor apportent une véritable plus-value au concert. Pour le reste, le Bruxellois reste un incroyable performer, capable de retourner n’importe quelle salle avec une facilité impressionnante. On tient aussi une nouvelle fois à soulever un point important, si Roméo Elvis est la star du projet – forcément, c’est lui qui rappe – on reste certains que le succès du rappeur ne serait pas aussi important sans Le Motel, certes toujours dans l’ombre, mais responsable de toutes les ambiances et de la variété des productions qui nous font vriller : que ce soit la dansante Dessert, la chill Respirer ou les excellentes Jaloux et Ma Tête. On voulait juste préciser que ce soir, on a vu Roméo Elvis & Le Motel.

Pour conclure la soirée et cette semaine folle aux Paradis Artificiels, était venu le temps d’accueillir VALD. La trajectoire du bonhomme est là aussi assez incroyable : on se rappelle qu’en 2016, il n’avait pas rempli Le Grand Mix, puis avait totalement retourné l’Aéronef en 2017 pour finir par remplir un Zénith en 2018. Certes, l’affiche incroyable de la soirée y est sans doute pour beaucoup, mais le succès du rappeur d’Aulnay-Sous-Bois n’est pas à négliger puisqu’il a annoncé un nouveau Zénith sur son seul nom.

Première date du Xeu Tour ce soir-là, c’est un peu stressé, et légèrement malade que VALD débarque sur scène accompagné de son comparse Suikon Blaz AD. Surpris lui-même de voir autant de monde, il nous livrera en un peu plus d’une heure une performance plus que solide, même si l’on regrettera l’utilisation un peu abondante de pistes vocales sur la plupart des parties chantées. Cependant,  il reste lui aussi ce monstre de charisme et d’humour, à mi-chemin entre le génie et le troll. Si on le sent aussi un peu fatigué de jouer Bonjour, dont il se débarasse rapidement dès le début du set, ses nouvelles chansons prennent une véritable place dans le live. Mais le moment de grâce viendra avec le retour sur scène de Lorenzo, pour leur duo destructeur Bizarre, joué juste après la toujours réjouissante Selfie. VALD quittera scène avec en fond sonore Ne Me Déteste Pas, ce qu’on ne fera pas. On reste un peu sur notre faim et on a définitivement envie de voir le show complet du bonhomme, surtout que lui aussi, a repensé toute sa mise en scène. Plus sobres que sur la tournée Agartha, les lumières et la mise en place scénique n’en restent pas moins impressionnantes.

Il est environ 22h30 quand les lumières se rallument. Les oreilles sifflent un peu et on est groggy, on s’est pris une pattée et une vraie leçon de rap durant plus de 7h. Et pour ça, on ne peut que dire une nouvelle fois merci aux Paradis Artificiels pour leur programmation impeccable. Merci et à l’année prochaine donc.

Crédit photos : Barbagallo et Eddy de Pretto – David Tabary pour Dans Ton Concert.
Photo de Roméo Elvis via son profil instagram.

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