Glauque, Réécriture #1 : Réveille-toi, regarde devant toi, et maintenant écoute
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Auteur·ice : Flavio Sillitti
26/06/2020

Glauque, Réécriture #1 : Réveille-toi, regarde devant toi, et maintenant écoute

Souvenez-vous, c’était en mars dernier : un quintette namurois redessinait les traits de la chanson française et de la culture rap en les mâtinant d’une électronique généreuse, sur un premier EP éponyme sensationnel. Une musique hybride dont on ne s’est toujours pas vraiment remis·es, et qui s’offre aujourd’hui une réédition magistrale de réécritures bluffantes. Assez logiquement intitulé Réécriture, l’EP joue sur la dualité si propre à Glauque, pour présenter les morceaux de leur premier disque sous des jours nouveaux, que ce soit relevés par une fougue électro ou temporisés par l’ataraxie de versions acoustiques frissonnantes. Pour cette première réécriture, c’est Plane qui se voit revisité, dans deux atmosphères distinctes et efficaces.  

Derrière cette réédition se cache une véritable vocation de faire (re)vivre des morceaux qui, malgré leurs sorties ces derniers mois, traînent dans les valises des Namurois depuis près de deux ans. Une longévité qui viendra insuffler à ces compositions déjà brillantes des influences, des envies et des couleurs multiples, élevant chaque titre à un niveau différent. L’envie aussi de proposer au public une écoute nouvelle, de cristalliser au sein d’un même projet les expérimentations variées que leur année de tournée colossale leur a apporté. Finalement, ce Réécriture signe la fin d’un premier pan important pour le groupe, débuté en 2018, et qui a présenté au monde de la musique ses nouvelles figures de la poésie électronique.

Réécrire Plane, c’est forcément remodeler l’histoire qui se cache derrière. Le morceau relate l’addiction, non seulement aux substances illicites, mais également aux petites choses de la vie qui occupent notre quotidien. “La dépendance, c’est un truc qui existe à plein de niveaux. Dans Plane, cela s’exprime au niveau de la drogue, qui est peut-être la forme de dépendance la plus parlante. Mais en soi, tout le monde est dépendant à quelque chose, tout le monde a des addictions, qu’elles soient sentimentales ou autres. Tu peux éventuellement ne pas pouvoir te passer de ton café le matin, c’est une forme de dépendance comme une autre. Du coup, c’est un sujet ultra universel et c’est la force du morceau : la dépendance on la vit tous, et donc chacun peut interpréter Plane à sa façon”, nous confiaient-ils en octobre dernier. Pour redessiner les contours de ce sujet complexe, c’est non seulement au niveau sonore mais aussi visuel que la réécriture est opérée. Sous la caméra de Zoubeir Ben Hmouda, des visages et des membres se voient scrutés par des plans hyper-rapprochés, qui ne laissent filer aucun rictus ou dyskinésie, aucune goutte de sueur perlant le long de la chair. Une précision chirurgicale qui, dans la première réécriture, vient traduire la fièvre électronique plus intense encore que sur la version originale, qui s’abat ici sans répit dans un maelström frénétique. Une première énergie qui traduit assez bien la fameuse montée occasionnée par la prise de substances illicites, celle qui alerte nos sens et avive une excitation folle, tantôt euphorique, tantôt inconfortable. Un dérèglement que l’on retrouve avec brio sur une production plus froide et frontale, sur le qui-vive permanent.

Sur la deuxième réécriture, on va plutôt aborder l’autre facette de ce voyage stupéfiant : la descente. Sur fond acoustique de piano, relevé par de subtiles touches électro plus fracassantes, cette seconde version reflète la mélancolie et le vertige de l’après. Le “réveille-toi” du début du morceau résonne alors avec un sens tout particulier, introduisant un ballet pianoté envoûtant sur lequel se posent les vers si justes et frissonnants de Louis qui, dans ce contexte délicat et éthéré, gagnent d’autant plus en puissance. Les images s’accordent avec celles de la première version mais dévoilent des gestes plus harmonieux, des regards plus apaisés, des membres endoloris et lessivés d’un pic passé, déjà oublié.

L’alliage du sonore et du visuel se voit donc une nouvelle fois brillamment exploité par les esprits pointus d’un collectif à la créativité débordante, qui parvient à associer les médiums de notre époque à une poésie intemporelle, à la fois personnelle et universelle. En résultent des trésors de musicalité qui marquent indéniablement cette année 2020 particulière, qui se retrouve facilement au cœur des questionnements sociétaux, existentiels et relationnels de Glauque.


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