INTERVIEW Josef Salvat : “Je suis un perfectionniste pragmatique”
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Auteur·ice : Fanny Ruwet
15/03/2015

INTERVIEW Josef Salvat : “Je suis un perfectionniste pragmatique”

A l’occasion de son concert au Botanique (retrouvez notre live report ICI), nous avons rencontré  Josef Salvat. Ce jeune artiste australien a sorti son premier EP In Your Prime en automne 2014 et a très vite fait parler de lui grâce (entre autres) à sa reprise de Diamonds (Rihanna), utilisée dans une publicité de Sony.

Assez intriguée par ce petit nouveau de la scène pop, La Vague Parallèle lui a fixé rendez-vous au Bloom Hotêl pour lui poser quelques questions.

LVP : Tu joues demain au Botanique. C’est la première fois que tu viens en Belgique il me semble ?
Josef Salvat : Oui, et je suis assez excité à cette idée. C’est la première fois que je viens à Bruxelles et le Botanique est une salle assez célèbre.

LVP : Tu commences à être pas mal connu pour ta reprise de Diamonds de Rihanna, pourquoi avoir choisi cette chanson ?
Josef Salvat : Pour les paroles. J’aimais déjà beaucoup la chanson, la façon dont Rihanna la chantait,… Mais quelqu’un m’a mis les paroles devant les yeux, je les ai lues et elles ont commencé à signifier quelque chose de différent que ce que j’avais entendu. C’était plus vulnérable, plus.. triste en fait. Assez doux-amer. Alors je me suis dit “Je peux chanter ça. Ça veut réellement dire quelque chose pour moi”.

LVP : Ça te fait quoi quand les gens disent (et c’est mon avis) que ta reprise est mieux que la version originale ?
Josef Salvat : (Rires) Je ne sais pas si je suis d’accord avec ça. La raison pour laquelle j’ai repris cette chanson, c’est parce je suis fan de l’originale. J’aime beaucoup Rihanna, c’est une de mes pop stars préférées. Elle a du talent, elle n’est pas boring, elle a une très bonne voix,.. Je l’adore vraiment.

LVP : Tu écoutes beaucoup de pop music du genre ?
Josef Salvat : Quand c’est de la bonne pop music, oui (Rires). Ça ne l’est pas toujours, mais quand c’est bien fait, ça donne beaucoup de chansons brillantes. Par exemple Britney Spears est Britney Spears parce qu’elle a fait de très bonnes chansons. Give Me Baby One More Time est foutrement brillante (Rires), j’aime vraiment bien écouter ça. J’adore Bjork et Jacques Brel aussi. Donc j’aime la pop quand elle est bien faite.

LVP : Tu as l’intention de reprendre d’autres chansons célèbres comme tu l’as fait pour Diamonds ?
Josef Salvat : Non, ce n’est pas dans mes projets. Mais Diamonds ne l’était pas non plus. C’était un “Happy accident”.

LVP : Un très bel accident
Josef Salvat : (Rires) Merci.

LVP : Avant de commencer une carrière dans la musique tu as fait des études de droit ? Pourquoi tu n’es pas devenu avocat ?
Josef Salvat : Oui, j’ai terminé une licence en droit. Mais je n’ai jamais eu l’intention de devenir avocat, j’ai fait ces études uniquement à cause de mes parents, c’était une espèce de rébellion. Ils étaient assez bohèmes, ils pensaient que je ferais de la musique, du théâtre ou un truc du genre et moi j’ai dit “Fuck you, je serai avocat” (Rires). Après 6 mois, j’ai réalisé qu’en fait, je ne le serais jamais, mais puisque j’avais commencé, je voulais terminer.

LVP : Et tu écrivais déjà des chansons à ce moment-là, bien avant donc de commencer ta carrière ?
Josef Salvat : Oui j’ai commencé à écrire des chansons quand je devais avoir dans les 12 ans et depuis, j’ai toujours continué.

LVP : Tu viens d’Australie et tu as quitté le pays pour aller à Londres et y faire de la musique. Pourquoi ?
Josef Salvat : Exactement pour cette raison. C’est malheureusement la réponse à cette question.

LVP : Parce que tu penses qu’en Australie, faire de la musique n’aurait pas marché ?
Josef Salvat : Non non, c’est à cause de la musique qui venait du Royaume-Uni . Je ne me suis jamais dit “Ça ne va jamais marcher ici”, mais j’écoutais de la musique comme le premier disque d’Amy Winehouse ou Florence and The Machine et je pensais “Bordel, ces trucs sont géniaux. Je veux aller là et faire ça”. Il y a de la musique fantastique en Australie, même si elle n’a pas toujours été internationalement reconnue, mais le son que je voulais, il venait de Londres.

LVP : Tu as sorti ton premier EP In Your Prime l’année passée, tu peux nous en dire plus ?
Josef Salvat : Une fois de plus, c’était aussi un peu un accident (Rires). Je devais sortir un EP et je voulais quelque chose qui soit bipolaire, à la fois sombre et lumineux. Donc il y a par exemple Shoot and Run  et de l’autre côté Open Seasons. Parmi toutes les chansons que j’avais faites, elles étaient mes préférées, je les ai juste mises ensemble et j’ai ajouté Diamonds.

LVP : Et là tu t’apprêtes à sortir ton premier album. Il est terminé et sur le point d’être publié ou bien tu comptes encore attendre un peu ?
Josef Salvat : Il devrait sortir en septembre. Ça fait un petit temps déjà qu’il est terminé, presque un an. Mais pour plein de raisons, je n’étais pas prêt à le sortir. C’était vraiment important d’avoir cette année pour le peaufiner parce que je n’ai jamais écrit dans le but de faire un album, c’était juste de l’écriture, de l’écriture, de l’écriture. L’album est donc simplement un rassemblement de chansons que j’ai choisies parmi celles que j’ai écrites durant les 12 dernières années. Donc ce délai d’un an était vraiment bien parce que j’étais là, avec mon album terminé et je pouvais dire “Ok, je veux faire ça différemment” et j’ai vraiment eu le temps de faire plusieurs changements.

LVP : Pour qu’il soit parfait ?
Josef Salvat : Eh bien.. Parfait.. Non. Je suis perfectionniste, mais je suis un perfectionniste pragmatique. Je sais que rien ne peut être parfait, il y aurait toujours quelqu’un qui ne l’aimera pas, quelqu’un pour le détester. Mais si moi, je me retrouve dans ce que je fais et que je peux le défendre, il n’y a pas de problème, parce qu’il sera parfait pour moi. Mais ça ne le sera jamais vraiment non plus, parce qu’après le moment où on fait quelque chose, on change, on évolue, on veut d’autres trucs, on veut faire les choses différemment. Mais l’important, c’est que j’en sois fier, à ce moment là. Alors, là je serai heureux.

LVP : Tu as déjà choisi le nom de l’album ?
Josef Salvat : Non, je ne l’ai pas encore choisi. D’ailleurs les gens commencent un peu à s’en alarmer (Rires).

LVP : Ça fait des années que tu écris des chansons et là tu es sur le point d’en publier certaines d’entre elles.. C’est la fin de quelque chose ? Une page que tu tournes ?
Josef Salvat : Oui, totalement. Ça va terminer un chapitre, je ne serai plus jamais dans cette position où je suis avec un “catalogue” de 12 ans de composition, parce que je ne pense pas que je vais par la suite sortir des chansons que j’ai écrites avant que cet album ne sorte. Donc c’est ce que j’écris maintenant qui sera le contenu de la suite. Et c’est assez excitant. Je suis un peu triste, mais c’est bon de se débarrasser de tout, de pouvoir fermer tout ça et recommencer.

LVP : C’est pas un peu effrayant de repartir depuis le début ?
Josef Salvat : Non, j’adore ça. En fait j’ai déjà commencé à écrire pour mon prochain album. C’est très différent de ce à quoi le premier va ressembler.

LVP : Il y a un objectif particulier que tu te fixes pour ta carrière ? Ou un festival où tu rêves de jouer ?
Josef Salvat : D’avoir une carrière. C’est ça l’objectif. Enfin, je sais que ça sonne un peu stupide mais tu vois, il y a beaucoup d’artistes qu’on entend pendant quelques années et puis qui disparaissent. Donc mon but, c’est d’avoir une carrière, sur le long terme. Et de faire tout ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

Et un des meilleurs moments que j’ai vécus, c’était en Hollande, à un festival dont je n’avais jamais entendu parler et qui s’appelle Into The Great Wide Open. Je ne connaissais pas du tout, je me disais juste “Ok, on va jouer sur une île” et j’ai finalement vécu le meilleur show de ma vie. Le public était incroyable, c’était magique. Ça ne sera plus jamais aussi fort je pense.

LVP : Ok ça va..
Josef Salvat : (Rires) Non mais en Hollande je veux dire, enfin tu vois.. C’était vraiment un moment spécial. Et ce que j’ai appris, c’est que ça ne se passe jamais comme tu avais pensé que ça se passerait. Par exemple mon premier album, je pensais que ça serait un truc génial avec tous mes amis, du champagne et tout ça. Mais non, j’étais 100 % seul, je n’avais personne à appeler,.. C’est à ce moment que j’ai écrit Open Seasons. La réalité est vraiment toujours très différente de ce à quoi s’attend.

LVP : On te pose sûrement la question à chaque interview, mais qu’est ce que ça te fait d’être souvent comparé à Lana Del Rey ?
Josef Salvat : Je l’aime beaucoup. Je n’ai aucun problème avec la comparaison. Mais souvent, on me demande aussi à qui moi, je me compare. Et ça, c’est pas mon boulot de le faire (Rires). Je n’y pense pas, j’écris juste des chansons, je ne me dis pas “Je veux être comme Lana Del Rey”.

LVP : Elle ne fait pas partie de tes influences ?
Josef Salvat : (Hésistation) Je pense que ce qu’elle fait est très impressionnant. Musicalement, elle ne m’influence pas beaucoup, mais autrement, je trouve tout ce qu’elle a fait intéressant. Je veux dire.. Elle est entièrement un personnage. Et ça, c’est la plus grosse différence entre elle et moi. Je ne joue pas un rôle, c’est juste moi. Je n’écris pas des chansons à travers un monde, un univers créé, c’est à travers ma vie réelle. Peut-être que le deuxième album sera différent mais là, mes chansons sont simplement des moments plus vulnérables de ma vie. Hustler par exemple, je l’ai écrite en 2007 et je ne pourrais pas être un personnage et chanter cette chanson. Parce que, tu vois, ça ne serait pas des parts du même monde. Ce que je fais est vraiment réel. Même si c’est un peu stylisé par moment, un peu théâtralisé.. Je suis un peu théâtral moi-même. Mais ce que fait Lana Del Rey, c’est une vision complète qui vient de la fiction. Et je pense que c’est brillant, que beaucoup d’artistes devraient faire ça. Et je crois aussi que le fait qu’elle ait beaucoup de reproches, qu’on l’accuse d’être fausse, c’est n’importe quoi parce que.. Enfin tu vois, qu’est ce qu’on attend des pop stars ? Tu vois, en ce moment, je trouve la musique un peu nulle. La plupart des grosses stars, je les trouve ennuyeuses. Tout se ressemble, on tourne en rond, et puis quand tu as quelqu’un d’intéressant comme Lana Del Rey  les gens la disent “fabriquée”. Alors que bon.. Même si j’aime beaucoup son dernier album, regarde Taylor Swift. Elle est hyper fabriquée, très “business”, et pourtant, elle ne reçoit pas ce genre de critiques. Alors que Taylor Swift n’est pas Taylor Swift. Taylor Swift est une marque. Ce n’est pas une artiste. C’est une songwriter brillante et elle chante très bien, mais c’est aussi une incroyable business woman.. Pas une artiste. Et moi justement, c’est plutôt les artistes qui m’attirent, comme Lana Del Rey. Donc dans ce sens, oui, elle m’influence parce que c’en est une. Mais je préfère des gens comme Nina Simone, Billie Holliday, Bruce Springsteen, Elvis Presley, Jacques Brel,.. qui sont juste eux-mêmes. Je trouve ça plus intéressant.

Josef Salvat Interview

LVP : Et dans les groupes actuels, t’écoutes quoi ?
Josef Salvat : Je pense que la personne avec laquelle je me sens le plus connecté, c’est FKA Twigs. Je pense qu’elle est brillante, et je pense que .. Dans la vie, tu dois dire ou faire de nouvelles choses, ne pas avoir peur et Twigs, je crois qu’elle n’a aucune peur. Ça doit être dur de sortir et de faire ce qu’elle fait, par exemple ce qu’elle a fait pour Google (ndlr : une pub pour les Google Glasses). Et surtout à cette époque, avec internet et tout ça, les gens sont super brutaux parce qu’il n’y a aucune conséquence à ce qu’ils disent,.. Donc je pense que Twigs est, en plus d’être incroyablement talentueuse, super courageuse et je l’aime vraiment bien, en tant qu’artiste. Sinon.. J’aime aussi beaucoup la dernière chanson de Rihanna, celle avec Kanye West et Paul McCartney. C’est absolument pas un truc auquel je m’attendais, mais j’aime beaucoup. Years and Years également. C’est vraiment une sorte de “son de la jeunesse”. Sinon, Kwabs aussi, tu connais ? Il a une chanson qui s’appelle Walk (il chantonne le morceau) et il a pas mal travaillé avec Sohn, qui a lui-même produit plusieurs chansons de Banks. J’aime bien Seynabo Sey aussi, tu connais ? C’est une artiste pop suédoise qui est très douée.

LVP : Non, je ne connais pas du tout, mais j’aurai plein de choses à écouter ce soir. Une dernière question.. C’est quoi le meilleur album ever selon toi ?
Josef Salvat : C’est une question horrible. C’est vraiment diabolique. (Hésitation). (Hésitation encore). Well.. Pour moi, je dirais que c’est un Best of.. Ce qui n’est pas vraiment sexy je dois dire. Bjork’s Greatest Hits. Pour moi, il est parfait.

LVP : Pourquoi ?
Josef Salvat : Il est juste génial. Et je pense que je n’ai jamais écouté un disque aussi longtemps que celui-là. Je me le suis vraiment passé en boucle pendant 6 bons mois. Juste ça, rien d’autre, et ça ne m’a jamais ennuyé, il y avait toujours quelque chose de nouveau à découvrir dans les chansons. C’est brillant.

LVP : Parfait, merci beaucoup Josef et à demain au Botanique !

 Interview : Fanny Ruwet & Arnaud Laurent

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