Les Forces Contraires, le cri du coeur de Terrenoire
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Auteur·ice : Paul Mougeot
05/09/2020

Les Forces Contraires, le cri du coeur de Terrenoire

Alors que le mois de septembre s’annonce des plus maussades, une éclaircie illumine la grisaille : après avoir réussi haut la main son entrée en scène, le chouette duo Terrenoire s’attelle cette fois au périlleux exercice du premier album. Un formidable cri du cœur, sincère et poétique, qui constitue l’un des plus jolis disques d’une rentrée qui s’annonce forcément particulière.

Deux frères nés dans une contrée au nom étrange, brandi comme une bannière à la face du monde. Deux êtres que la vie traverse brutalement, sans les épargner, et qui se décident à lui rendre tout ce qu’ils lui doivent, le bon comme le mauvais. Ce pourrait être la trame d’un roman initiatique, mais la réalité est tout autre – et elle est plus belle encore. Cette fratrie, vous la connaissez déjà : Raphaël et Théo sont les deux âmes qui forment Terrenoire, l’une des récentes révélations de la scène musicale francophone.

Cet été, Terrenoire s’est lancé dans une aventure excitante, presque vitale, celle du premier album. Une quête pleine de sens, que les frangins ont choisi d’aborder par le prisme de quatre points cardinaux : la mort, la mer, l’amour, la lumière. Les Forces Contraires. Quatre piliers d’un temple dont les murs sont ornés de fresques flamboyantes, criantes de vérité. Quatre navires que les deux frangins ont emplis, chargés de leurs expériences, de leurs joies, de leurs peines, avec une sensibilité et une justesse parfois désarmantes. Quatre portes différentes vers un même univers dont on vous livre les clés.

Ce premier long format de Terrenoire marque instantanément par sa richesse. Par la manière dont le moindre de ses sons est travaillé, poli, façonné pour laisser passer la lumière à travers la pénombre. Un goût du détail qui induit la comparaison flatteuse avec d’illustres aînés : Radiohead pour ses productions orageuses qui se découpent en clair-obscur, la grande lignée des Ferré ou des Vian pour ses mots simples qui n’ont pas froid aux yeux. Car sous couvert de “chansons populaires aux drôles de contours“, qui accrochent facilement l’oreille pour mieux retenir son attention, le disque révèle un entrelacs de subtilités, dissimulées au détour de ses paroles au phrasé unique et dans ses arrangements qui se laissent apprivoiser au fil des écoutes. Surtout, il renferme un formidable camaïeu d’humeurs, de sentiments contraires qui craquent, qui grondent et qui trouvent leur écho en chacun·e d’entre nous.

Les Forces Contraires est un album véritablement exalté, qui ne feint aucune des émotions qu’il exprime : chacune d’entre elles a été vécue, éprouvée au plus profond d’une âme – ou plutôt de deux. Sa sincérité, naïve ou au contraire très terre à terre, s’y fait tour à tour crue, douloureuse ou jubilatoire selon qu’elle se loge dans la tête, dans le cœur ou dans le bas-ventre. Les deux garçons y parlent de la mort avec le langage de ceux qui l’ont côtoyée de près (Derrière le soleil), en appellent à s’abandonner aux plaisirs charnels sans la moindre retenue (Baise-Moi, Margot dansait sur moi), s’en retournent à leur terre natale avec un dénuement poignant (Jusqu’à mon dernier souffle), attisent les braises d’un amour lumineux (Mon âme sera vraiment belle pour toi, Là où elle est)…

Derrière ce chaos d’émotions qui se heurtent et s’entrechoquent subsiste toutefois une lueur d’espoir. Un léger halo, d’abord discret, qui finit par se changer en une lame de fond d’une puissance inouïe. Le souffle de la vie. Une onde qui transcende l’intégralité de l’œuvre, donnant lieu à quelques moments de grâce où l’optimisme prend le pas sur le reste, pour des morceaux résolument tournés vers la lumière (La fin du monde, Ça va aller).

On retrouve cette intensité à la fois inquiétante et fascinante dans le spectacle que Terrenoire a concocté pour l’occasion. Pour accompagner la sortie de leur premier album, Théo et Raphaël ont justement dévoilé une magnifique session live de Derrière le soleil, qui présage du meilleur pour leur retour sur scène. Alliant le feu et la glace, la douceur et la colère, la performance du duo laisse entrevoir un spectacle d’un genre nouveau, dans lequel les arts et les disciplines s’entremêlent, animés par la seule volonté de restituer sans faillir le sublime bouillonnement de l’album.

Maintenant qu’ils ont livré cette immense partie d’eux-mêmes à la face du monde, les deux frères de Terrenoire se lanceront (on l’espère de tout cœur) dès la semaine prochaine dans une tournée française, qui les conduira notamment à la Boule Noire les 23 novembre et 11 décembre. Une jolie manière de célébrer la vie, lorsqu’elle aura enfin repris son cours.


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