Nikola : “J’aime la chaleur humaine, et je trouve qu’il en manque beaucoup dans ce monde”
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Auteur·ice : Joséphine Petit
06/08/2021

Nikola : “J’aime la chaleur humaine, et je trouve qu’il en manque beaucoup dans ce monde”

Alors que nous vous en parlons depuis plusieurs mois, le nom de Nikola devrait aujourd’hui réveiller vos tympans. Après Avec un rouge, un premier titre à la puissance inouïe, puis l’étourdissant C’est magnifique, nous avons découvert Toute la vie le mois dernier, un morceau à la croisée des précédents, entre sensibilité douce, énergie brute et profondeur avisée. À travers ces premiers morceaux, le jeune homme se présente avant tout comme un artiste faisant preuve d’une humanité si précieuse de nos jours. Une rencontre aura suffi à nous convaincre : Nikola inspire le respect, et sa musique, toute notre estime.

La Vague Parallèle : Salut Nikola, on se rencontre peu après la sortie de ton titre Toute la vie, comment tu te sens aujourd’hui ?

Nikola : Je me sens extrêmement bien. Je suis très content et fier de ce titre. Il est important pour moi dans ma démarche et la proposition artistique que j’ai envie de transmettre. Il regroupe mes influences passées ainsi que mon héritage des grands de la chanson française.

LVP : Tu peux nous raconter comment tu as commencé la musique ?

Nikola : Quand j’étais petit, mon père faisait de la basse et moi je tapais sur plein de choses, alors j’ai commencé à faire de la batterie pour me défouler. Je pense que j’en avais besoin. L’envie d’écrire des chansons m’est d’abord venue en écrivant des poèmes. Puis, je me suis rendu compte que ça avait plus d’impact quand il y avait de la musique derrière. C’est très vite devenu mon moyen d’expression privilégié. J’ai rapidement eu besoin de m’exprimer et de comprendre des choses sur moi à travers l’écriture et la composition.

LVP : Ton écriture a quelque chose de profondément sincère. C’est parce que tu t’inspires de tes expériences personnelles ?

Nikola : Oui, uniquement. En réalité, j’écris surtout pour apprendre des choses sur moi. C’est souvent sans trop réfléchir. Parfois, je n’écris même pas, je parle seulement derrière un micro pour voir ensuite ce que cela donne avant de l’écrire. Cela m’aide à prendre conscience de certaines choses que je n’ose pas m’avouer, dont que je peux ne pas me rendre compte, ou qui sont parfois cachées un peu loin dans mon inconscient. C’est pourquoi j’écris uniquement sur mes expériences personnelles. Cela m’arrive de raconter des histoires, mais ce sont toujours des histoires que j’ai vécues ou connues, et pour lesquelles je puise énormément dans mon enfance et mon passé.

LVP : Quelles sont tes influences quand tu écris ? On sent que ça peut aller d’artistes très contemporains à parfois des grands de la chanson comme Ferré, qu’on retrouve aussi dans ton interprétation.

Nikola : Je ne suis pas sûr d’avoir des influences quand j’écris, dans le sens où je ne me réfère pas à quelqu’un en particulier.

Les choses viennent simplement à moi. Mais dans la vie, j’ai des manières de voir les choses qui m’ont été dictées par des artistes que j’ai beaucoup écoutés. Dans la musique, il est vrai que Ferré m’a retourné le cerveau quand j’étais ado. Pour moi, il est le boss de la chanson. Je pense que je tire beaucoup de son interprétation aussi, effectivement, ainsi que de celle de Brel. Ce sont deux personnes que j’admire énormément. Ils m’ont beaucoup touché, et je me dis que si j’arrive à toucher des gens comme eux m’ont touché, j’ai tout gagné.

LVP : Il y a aussi un certain équilibre entre acoustique et électronique dans tes morceaux. Ce sont les productions qui viennent habiller le piano généralement, ou plutôt le contraire ?

Nikola : J’essaie toujours d’abord de faire marcher mes morceaux en piano-voix. Sans aucune prétention, je me dis que je tente de faire de grandes chansons, non pas “grandioses”, mais dans le sens où tout le monde peut se les réapproprier, les chanter, ou simplement s’y retrouver dans l’interprétation. Pour moi, c’est important que mes morceaux fonctionnent en piano-voix, car cela veut dire qu’ils deviennent intemporels. Ils pourront être repris dans cinquante ans, peut-être différemment, ils marcheront aussi de cette manière. Après, mes prods sont celles de Nikola en 2021, qui reste un gamin de vingt ans qui vit dans son époque. C’est ma manière d’écrire, à moi qui suis né en 2000.

 

LVP : Tes premiers morceaux, Avec un rouge, C’est magnifique et Toute la vie, ce sont des titres que tu as composés dernièrement ou qui existent depuis longtemps ?

Nikola : Le morceau Avec un rouge a été réalisé entièrement, y compris avec le mixage et le mastering, en seulement deux heures. J’avais besoin de sortir un premier titre mais je n’avais rien de prêt. J’écris tout le temps, et un soir, après avoir écrit ce morceau, je me suis dit que c’était celui que je devais sortir. J’avais envie que ce titre construise le socle du début de ma carrière et de ma discographie, qu’il représente la proposition artistique que j’allais montrer plus tard. C’est magnifique, quant à lui, a été écrit récemment, en décembre dernier. Mais Toute la vie a déjà quelques années, peut-être deux ou trois ans.

LVP : Et à tes yeux, il représente encore exactement ta pensée ?

Nikola : Oui, complètement ! C’est pour cela que je suis fier de l’avoir sorti, parce que je m’y retrouve toujours. C’est un titre qui a beaucoup évolué, que ce soit dans l’instrumentation ou le texte. J’ai décidé de le fixer de cette manière parce que cela correspondait au mood dans lequel j’étais en l’enregistrant. Le jour-même, avant d’arriver au studio, je ne savais pas du tout ce que j’allais faire. Au début, il devait y avoir une prod avec le piano. C’était le dernier morceau qu’il nous restait à enregistrer au studio Motorbass. On le répétait sans la prod avec Julien Noël, le pianiste, le temps qu’Antoine Poyeton, l’ingé son, fasse ses réglages. C’est là qu’on s’est rendus compte que ça marchait très bien de cette manière. On l’a donc enregistré en une prise, sans prise de tête, sans vraiment réfléchir et sans artifice. Ça l’a cristallisé dans un moment précis, et dans ce que je ressentais ce jour en particulier. Je suis heureux d’avoir pris cette liberté. J’essaie de toujours m’en laisser, quand je fixe une version d’un morceau. Je garde en tête qu’au moment où je vais l’enregistrer, il peut devenir totalement différent, et ainsi de suite, lorsqu’il sera mixé. Aujourd’hui, Toute la vie a une forme simple et efficace, sans édulcorant, seulement en piano-voix. C’est aussi pour cette raison que j’aime écrire des piano-voix. On peut en faire ce que l’on veut après. À mes yeux, les morceaux portés par la prod sont des morceaux qui vieillissent mal. Cela ne m’empêche pas de trouver important de faire des choses actuelles, mais je ne voudrais pas sortir un morceau porté par la prod, de peur de le voir trop vieilli dans quelques années.

 

LVP : Tu rentres tout juste de Bourges, où tu as fait partie de la sélection des iNOUïS du Printemps de Bourges 2021. Ça a eu quel sens pour toi ?

Nikola : C’était vraiment une chance incroyable. Je suis arrivé à Bourges en ne connaissant personne, et en passant une semaine là-bas, j’ai fait des rencontres humaines et musicales géniales. Je suis très heureux d’avoir pu participer à cette expérience. J’ai aussi adoré le concert que j’ai fait. Il y avait beaucoup de stress, mais lorsque j’étais sur scène, j’avais vraiment l’impression d’être exactement à l’endroit où je devais être à ce moment précis. J’ai vécu le moment présent comme cela m’arrive rarement.

LVP : Justement, quand on te voit en live, tes morceaux prennent une autre dimension. Jouer sur scène, ça a une importance particulière à tes yeux ?

Nikola : Oui. Comme je disais tout à l’heure, j’aime qu’un morceau prenne des formes différentes. J’apprends des choses sur moi-même au moment où je l’écris. Quand je le retravaille en studio, j’essaie de l’emmener vers quelque chose que j’aime, un peu comme si la première version correspondait à ce que je suis quand je l’écris, puis la seconde à ce que j’ai envie d’être. C’est un travail humain et personnel avant d’être un travail simplement artistique et musical. Ainsi, quand je vais le jouer en live ensuite, il va m’apprendre encore quelque chose de différent. Chaque fois que je joue mes titres sur scène, ils ne veulent pas dire la même chose pour moi. Tout dépend du moment et de mon ressenti. Parfois, je suis de bonne humeur et je fais des vannes sur scène, alors que c’est un morceau triste. Il prend alors une envergure différente. Tandis qu’au concert suivant, je peux me sentir triste et l’interpréter totalement différemment. Cela me permet d’apprendre à me connecter avec qui je suis, et comment je me sens au moment précis où je l’interprète. Je pense également que c’est intéressant d’arriver à créer une connexion avec le public. Lui aussi peut faire ce travail, car le titre a beau avoir représenté quelque chose pour moi quand je l’ai écrit, il peut vouloir dire quelque chose de différent pour eux quand je le chante sur scène. Il peut faire écho à d’autres choses dans leur vie et leur histoire.

LVP : On sent d’ailleurs que le contact avec le public, c’est quelque chose qui t’anime.

Nikola : Oui, absolument ! J’aime la chaleur humaine, et je trouve qu’il en manque beaucoup dans ce monde. Les concerts ont la particularité incroyable d’être des moments divins et absurdes à la fois. Je n’ai pas une vie forcément plus intéressante que la vôtre, mais pourtant c’est moi qui suis là sur scène en train de chanter mes chansons et c’est vous qui m’applaudissez, alors que ça pourrait être l’inverse. Cela donne des moments très privilégiés et hors du temps, dans des salles plongées dans le noir, où tout le monde peut s’autoriser à être vraiment qui il est l’espace d’un concert, autant moi sur scène que le public. Je n’imagine pas faire un concert devant un public qui soit une entité précise, je fais un concert devant plein d’individus différents. Mais c’est une seule énergie qui traverse la pièce et réunit tout le monde. C’est la raison pour laquelle je commence à beaucoup aimer descendre chanter dans le public. Je m’y sens en connexion avec les gens. Je m’autorise à aller vers eux, à les regarder dans les yeux. Je trouve très important de rester dans cette notion de partage et de dialogue. Même si le public ne s’exprime pas dans les morceaux, il y a un réel dialogue dans les réactions des gens. J’y fais toujours attention, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. J’irais parfois même chercher quelqu’un qui n’aime pas, car peu importe le sentiment, le plus important reste de faire ressentir quelque chose. Si cela dérange, c’est bien, j’en suis tout aussi satisfait.

 

LVP : Le texte de ton titre C’est Magnifique a pu parler à beaucoup de jeunes gens. À l’écriture, tu l’as composé pour toi, ou bien tu avais conscience d’écrire quelque chose de générationnel ?

Nikola : Je l’ai écrit pour moi, comme toutes les chansons que je fais. Mais c’est vrai que je m’en suis un peu rendu compte ensuite. C’est aussi parfois mon rôle d’être une éponge, dans le sens où je me nourris de toutes les interactions que j’ai avec le monde et la société, que ce soit avec les gens de ma génération ou les autres. Je me nourris de toutes ces choses qui forgent ma vision du monde et j’essaie de retranscrire ce regard dans mes chansons, qui peut ensuite faire écho chez d’autres personnes. Dans ce cas, je pense que lorsqu’un artiste exprime ce que l’on ressent dans un morceau, ça aide à grandir, à comprendre ses sentiments et à passer à autre chose. Je ne l’ai donc pas vraiment écrit pour parler d’une génération, mais je pense que quand je l’ai écrit, j’ai plutôt pris la parole de la génération dont je fais partie.

LVP : Tu as réalisé aussi toi-même tes deux premiers clips. C’est un moyen pour toi de garder la main sur ton image ?

Nikola : C’est plutôt que je préfère faire quelque chose de sincère et qui me correspond, sans que ce ne soit forcément parfait, plutôt que de faire quelque chose à moitié, par manque de moyens et de rencontres avec les bonnes personnes qui comprendraient mon univers et ma proposition artistique. C’était important pour moi de réaliser les premiers clips pour que les personnes avec qui je vais être amené à travailler plus tard aient cette référence et comprennent directement où il faut aller. L’important n’est pas de faire des choses parfaites, tant que cela reste sincère et personnel.

LVP : C’est quoi le futur de Nikola dans les mois à venir ?

Nikola : Je vais continuer à sortir de la musique, notamment un premier EP qui déjà prêt. Je dois encore réfléchir à la manière dont j’ai envie de le présenter au monde. Je vais évidemment faire toujours plus de concerts pour que mes morceaux vivent sur la longueur et prennent des tournures différentes. Je veux toujours me renouveler pour ne jamais m’ennuyer dans ce que je fais, et puis surtout m’amuser parce que sinon, autant faire n’importe quel autre métier.

LVP : Pour finir, tu peux nous confier un récent coup de cœur artistique ?

Nikola : Ce serait plutôt de l’architecture. Ça fait quelque temps que je suis plongé dans un univers de brutalisme de béton brut. Je pense à Le Corbusier, et ces mouvements d’architecture socialistes. Faire de belles choses utiles pour les gens avec des matériaux moches. Je trouve cette philosophie d’architecture incroyable. En Yougoslavie, il y a beaucoup de modernisme socialiste et de brutalisme soviétique. Ça rend des choses qui paraissent laides au premier regard magnifiques. Il y a beaucoup de beauté là-dedans.

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