| Photos : Chloé Merckx pour La Vague Parallèle
Sorties tout droit de la Régence Anglaise (cf. Orgueil et Préjugés, Bridgerton et autres), elles agitent la toile depuis la sortie de leur premier album Prelude to Ecstasy, nous parlons bien sûr de The Last Dinner Party. Mais ne vous méprenez pas, ce qu’elles ont à nous offrir ne ressemble en rien à de la musique de chambre. Cela s’apparente plutôt à une boite de feux d’artifices prêts à exploser. Le groupe conviait ses admirateur·ices à un concert intime à l’Orangerie du Botanique, et on a eu la chance de goûter à ce festin des plus grandioses !
Imaginez Picnic At Hanging Rock mais avec des guitares. Si vous ne comprenez pas l’engouement, c’est probablement que vous n’êtes pas familier·ère avec l’envie irrépressible de sortir dans la rue accoutré·e d’un corset, de jupons et de noeuds papillons pour aller lire un essai féministe au coffee shop du coin. Et ce n’est pas grave, au fond chacun·e son truc. Ce qu’on veut dire par là, c’est que les métaphores libertines de The Last Dinner Party sont adressées à un public averti. Leur musique parle aux plus romantiques d’entre nous, et nous sert juste ce qu’il faut de baroque et de queer sur un plateau d’argent.
Cependant, ne mentionner que les tenues que portent les cinq musiciennes serait franchement réducteur. Les plus critiques diront que tout cela n’est qu’artifices. Un groupe “masculin” recevrait-il la même critique ? Nous, on se dit surtout que les Londoniennes ne font pas les choses à moitié, et poussent le concept à fond. Car le rococo des tenues renforce la poésie des textes, et donne un côté encore plus théâtral aux chansons.
Sans vouloir paraître dithyrambiques, la musique de The Last Dinner Party nous donne envie de vivre, de hurler, de pleurer et plus si affinités. On en est certain·es, si Emily Dickinson était encore de ce monde, elle aussi, aurait voulu être un “beautiful boy” et scander à pleins poumons le refrain de Nothing Matters.
En guise d’amuse-bouche, découverte de Lana Lubany
Les festivités ont débuté avec le set de la chanteuse américano-palestinienne Lana Lubany. Alors qu’elle n’est pas encore sur scène, sa voix aux intonations orientales résonne déjà depuis les coulisses. Avec son guitariste, elle monte sur scène et change de ton pour naviguer sur un répertoire plus pop. Nous avons directement été absorbé·es par le magnétisme de son timbre complimenté par des productions alliant l’est et l’ouest.
Mélangeant l’anglais et l’arabe dans ses paroles, la chanteuse a captivé l’attention du public. Avec des titres comme THE SNAKE et SOLD issus de son dernier EP, on oublie rapidement les pluies diluviennes qui foudroyaient Bruxelles ce soir-là. Exploitant chaque centimètre de la scène, Lana Lubany ne manque pas d’énergie et danse sur ses chansons plus rythmées, véhiculant sa fougue à une foule convaincue.
The Last Dinner Party : entrée, plat, dessert et fontaine de champagne !
Les premières notes de Prelude To Ecstasy, intro instrumentale de l’album digne d’un Rhapdosy in Blue, nous plongent directement dans l’univers si particulier de The Last Dinner Party. Comme un lever de rideau avant une pièce de théâtre, la musique fait rupture avec le reste du monde, et donne le temps aux membres du groupe de rentrer dans leurs personnages. Une par une, elles se placent sur scène, alignées devant leurs instruments respectifs, à savoir : un clavier, une flûte, un keytar (oui oui, on est dans du glam), une mandoline, une batterie, deux guitares et une basse.
Viennent ensuite les premières notes de Burn Alive, suivant la chronologie de l’album. Abigail Morris au centre de la scène commence à chanter au dessus de la basse et des tambours, et nous donne un aperçu de ses mouvements romanesques sur le synthé du refrain. Si le set commence plutôt doucement, on ne reste pas pour autant insensibles aux drames bibliques de la chanteuse qui évoque briser ses côtes pour créer un double de la personne qu’elle aime.
Avec le très rock-opéra Caesar on a TV Screen on questionne les dynamiques de pouvoir genrées en s’immisçant encore plus dans le théâtral. Mais c’est avec The Feminine Urge que nous découvrons le potentiel scénique de Morris, qui n’a pas grand chose à envier en termes de maniérisme aux grandes stars du rock.
Abigail nous confie avoir nommé la première partie du show “the weeping part”, soit le moment pour pleurer, ce qui nous a semblé être une assez bonne manière d’introduire Beautiful Boy. “Car après ce n’est plus que du sexe et de la danse”, ajoute-t-elle. Il nous est d’ailleurs demandé de ne pas faire trop de bruit, pour savourer aux mieux les notes de flûtes jouées par la guitariste Emily Roberts au début de la chanson. On ne vous cache pas que ce moment nous a particulièrement touché·es, pour son texte qui vient remuer quelque chose de profondément enfoui, mais aussi pour les harmonies vocales chantées par le groupe, octroyant au moment une saveur angélique.
On poursuit dans le mélodrame avec On Your Side, un slow débutant sur quelques notes de piano, sur lequel la vocaliste joue avec sa gamme dans ce qu’on pourrait qualifier de performance grandiose. Le groupe renforce l’atmosphère très intimiste du concert avec Gjuha qui met la claviériste Aurora Nishevci sous le feu des projecteurs. La chanson, interprétée en albanais, raconte les difficultés que rencontre la musicienne avec sa langue maternelle, et le chagrin de ne pas se sentir connectée avec ses origines.
Après cet interlude plus doux, le groupe enchaine directement sur Sinner, entamant ainsi la partie “dancing and fucking” comme expliqué plus tôt. Cette fois-ci, c’est la guitariste Lizzie Mayland qui prend le micro pour le début de la chanson. Elle est rejointe par Abigail pour les backing vocals qui ne rate pas une occasion de danser et de tournicoter dans tous les sens à en faire voler ses jupons. Grande surprise, alors que leur album vient tout juste de sortir, le groupe nous dévoile déjà un nouveau titre, Second Best. On attend avec impatience la sortie officielle de ce temps fort du concert, pour revivre dans l’intimité de nos écouteurs ce grand moment rock.
Le plus seventies Portrait of a Dead Girl commence assez calmement sur un piano et une voix lascive, avant de partir vers quelque chose de plus rock et lunatique. Le band invite la foule à chanter la phrase “give me the strenght“, vers la fin de la chanson, de quoi emporter le public dans un élan commun. Mirror vient ensuite contrebalancer le glam avec quelque chose de langoureux, un peu à la Lana Del Rey, nous offrant notamment un solo de guitare mémorable à la fin.
Le show touche doucement à sa fin, mais pas question de se relâcher pour autant, car les fans attendent leur grand final ! My Lady of Mercy commence gentiment, toutes frappent dans les mains au rythme de la batterie. Et puis tout le monde se lâche. La claviériste sort le keytar (qu’on attendait avec impatience), les musiciennes chantent en chœur et la chanteuse crie à pleins poumons, à genoux avec le public, pour finalement finir au sol dans un élan burlesque. Bien entendu, la foule rugit de plaisir. Pour reprendre leur expression, c’est une performance aux allures “d’orgie de fin du monde”. En guise d’au revoir, la chanson que tout le monde attendait, nous parlons bien sûr de Nothing Matters et de son refrain sulfureux. Moment d’euphorie pure, alliant joie et mélancolie sur des guitares saillantes.
On se souviendra longtemps du show de The Last Dinner Party, c’est le genre de concert pour lequel on pourra dire dans quelques années “ouais, j’y étais”. On aimerait même y retourner, afin d’absorber un peu plus de leur énergie dramatique. Inutile de préciser que Prelude To Ecstasy est un album qui nous a touché·es, pour sa justesse et sa façon de catalyser le spectre des émotions en un objet musical aussi honnête qu’il est grandiose.
Ma playlist est aussi bipolaire que moi. J’aime le metal, le sang et les boyaux, tant que ça reste vegan.