Pluralone nous livre les secrets de son dernier album, This is the Show
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Auteur·ice : Paul Mougeot
26/05/2022

Pluralone nous livre les secrets de son dernier album, This is the Show

English version

Josh Klinghoffer se sent vraiment comme chez lui dans les colonnes de La Vague Parallèle. Alors que son troisième album solo, This is the Show, est sorti il y a quelques semaines, Pluralone s’est confié à nous sur la genèse de ce disque qui occupe une place particulière dans sa discographie et sur l’évolution de ce projet dans lequel il s’épanouit depuis son départ des Red Hot Chili Peppers en 2019. Un entretien à son image : humble, simple et rempli de créativité.

La Vague Parallèle : Hello Josh ! Merci de nous accorder à nouveau une interview. Il s’est passé à peu près un an et demi depuis qu’on a discuté la dernière fois à l’occasion de la sortie de ton album précédent, I Don’t Feel Well. Qu’est-ce qui s’est passé pour toi depuis ?

Pluralone : En janvier, j’ai commencé à répéter pour la tournée solo d’Eddie Vedder, que j’accompagne sur scène, et qui a commencé en février. Ça a pris un peu plus de temps que prévu parce que j’ai eu le Covid au milieu de tout ça.

Avant ça, on esquissait les touches finales de mon nouvel album avec Clint dans le studio que je me suis enfin construit. Tout s’est enchaîné sans interruption depuis qu’on s’est parlé la dernière fois : j’ai beaucoup enregistré avec Andrew Watts l’année dernière, puis j’ai fait quelques concerts avec Pearl Jam, puis j’ai travaillé sur l’album d’Eddie

Ce qui est intéressant avec mon nouvel album, c’est que j’ai travaillé dessus en fil rouge pendant tout le début de l’année. Depuis que je t’ai vu, j’ai eu le temps d’écrire les chansons, de les envoyer à Clint, puis il a travaillé dessus de son côté avant que je ne les reprenne à nouveau pour les terminer.

LVP : C’est une chanson que tu avais écrite sur l’accident qu’a subi ton ami Juan Alderete (le bassiste de The Mars Volta) qui est à l’origine de ce nouvel album et de ta collaboration avec Clint Walsh. Est-ce que tu peux nous en dire plus sur cette chanson ? Est-ce qu’elle figure sur l’album ?

P : Non, elle n’est pas sur l’album, on est justement en train de réfléchir à la meilleure manière de la sortir. Au début, on se disait qu’elle serait uniquement destinée à ce petit groupe de personnes qui sont proches de Juan, pour les aider pendant sa convalescence. On se disait que ça la galvauderait un peu si on la faisait écouter à d’autres gens. Mais maintenant, Juan va mieux, donc il n’y a pas de problème. La seule chose qu’on attend avant de publier le morceau, c’est qu’il joue de la basse dessus. Ça nous tenait à coeur qu’il puisse le faire. Je pense qu’il est prêt d’ailleurs, il rejoue de la basse depuis un moment. Dès qu’il aura posé sur le morceau, on le publiera.

Finalement, c’est une aventure plutôt joyeuse.

 

LVP : C’est donc ce premier morceau qui t’a amené à travailler avec Clint sur ce nouvel album, et c’est la première fois que tu collabores de manière aussi étroite avec une autre personne sur un projet solo. Est-ce que c’est quelque chose qui était facile pour toi ?

P : Non, ça ne l’était pas, mais ce qui est beau justement. Ça s’est fait parce que ce projet devait être un nouvel album de Dot Hacker à l’origine et que Clint joue dans le groupe avec moi. C’était en 2020, au moment où tout le monde enregistrait des trucs chez lui. On a fait un premier morceau qui s’appelait Divination, de la même manière qu’on a fait le morceau pour Juan : je l’ai écrit et je l’ai envoyé à Clint pour qu’il travaille dessus. Dans le cas de Divination, je l’ai juste écrit, je l’ai envoyé à Clint et ensuite je n’y ai plus retouché. On se disait que c’était la meilleure manière de travailler sur un projet de groupe en 2020. Genre s’envoyer des trucs, faire des allers-retours, faire ta partie du projet et passer le bébé au suivant.

On a eu de longues conversations sur Zoom où on se disait qu’on aller faire un nouvel album et puis… Ça ne s’est pas fait. Pourtant, avec Divination, ça avait bien fonctionné, on en était plutôt content donc on s’est dit qu’on allait faire un album entier de cette manière. C’est comme ça qu’on fonctionnait : l’un d’entre nous écrivait puis enregistrait une première ébauche de la chanson et la passait ensuite aux autres. On s’est rendu compte au bout d’un certain temps que ça nous plaisait beaucoup à Clint et à moi, mais que les autres n’étaient pas vraiment dans même état d’esprit. On a donc décidé de faire ça à deux et de le publier sous mon pseudo, puisque les gens commencent à le connaître désormais et que j’étais sur le point de partir en tournée avec Pearl Jam sous ce nom. Ça nous a semblé logique, donc Clint a continué à travailler.

Ça m’a fait du bien de lâcher prise sur mes chansons. Je n’avais jamais eu l’occasion de le faire auparavant parce que je ne pensais pas que quiconque pourrait traiter mes chansons avec autant de soin que moi et ça a été un plaisir immense de constater que c’était le cas. Parfois, Clint me jouait quelque chose de très différent de ce que j’avais imaginé, mais j’essayais de m’ouvrir un peu et d’écouter ce qu’il avait à me proposer. À chaque fois, je finissais par me dire : “j’adore !”. J’ai vraiment pris cet album comme un cadeau parce que ce n’est pas tous les jours que tu as la chance de faire un disque tout en apprenant et en grandissant en tant qu’être humain. Je suis vraiment reconnaissant envers les personnes qui écoutent mes disques et qui me donnent la chance d’en faire. Celui-ci a vraiment été une expérience incroyable pour cette raison.

J’ai fait un album l’année dernière, j’en ai publié un autre cette année, et je vois vraiment la différence entre mon état d’esprit de l’époque et celui dans lequel je me trouve aujourd’hui. Même dans l’écriture, les différentes manières dont j’ai procédé pour l’enregistrement, le fait que j’arrive à accepter la manière de procéder de Clint… Je suis parvenu à me détacher de tout ça parce que je lui fais confiance et j’ai vraiment remis en question mon propre état d’esprit, la manière dont je m’impose toujours des tas de règles au lieu de simplement être ouvert et de prendre les choses comme elles viennent. Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de faire ce qu’on aime et de se rendre compte qu’on le fait de manière saine. Avec cet album, à un moment donné, la musique importait presque moins que le reste. Tu vois, j’avais écrit les morceaux, je les appréciais, donc c’était plutôt notre amitié et la communication entre nous qui comptait. C’était presque ça, la vraie créativité.

 

 

 

 

J’ai vraiment pris cet album comme un cadeau parce que ce n’est pas tous les jours que tu as la chance de faire un disque tout en apprenant et en grandissant en tant qu’être humain.

LVP : J’ai l’impression que c’était d’autant plus important pour toi d’essayer de nouvelles manières de créer parce que tu t’es imposé ce rythme d’un album par an. Est-ce que c’est aussi une manière pour toi de ne pas te lasser ? Est-ce que tu souhaites toujours tenir ce rythme, d’ailleurs ?

P: Oui, j’aimerais beaucoup ! Je me suis toujours dit que c’était comme ça qu’on faisait auparavant, dans les années 60 par exemple. Si j’y arrive, c’est clair que je voudrais m’en tenir à ce type d’échéance, d’autant que je suis déjà plus ou moins en train de travailler sur un nouvel album. Dès lors que tu prends le temps nécessaire pour t’assurer que ce soit quelque chose de neuf et d’excitant pour le public, je pense que ça n’a pas d’importance que ça sorte un an ou cinq ans plus tard. Il ne faut pas sortir quelque chose pour sortir quelque chose. En fait, je pense que cette volonté de sortir un album chaque année vient du fait que j’ai passé dix ans avec les Red Hot Chili Peppers et qu’on aurait pu sortir dix albums dans ce laps de temps. C’est de là que m’est venue cette idée, c’était une manière pour moi de me dire que je veux simplement apprendre, grandir et travailler, et ne pas laisser l’industrie de la musique me brider.

En termes d’écriture, cette année a vraiment été une drôle d’année : j’ai composé quelques trucs à la guitare en mars ou en avril en pensant que mon prochain album serait un album acoustique, mais je n’ai pas eu l’occasion de travailler dessus jusqu’à présent. À vrai dire, ça fait longtemps que je n’ai pas eu l’occasion d’écrire. À la seconde où 2020 s’est terminée, c’est comme si le monde s’était remis à tourner à la même vitesse à nouveau.

LVP : C’est déjà le troisième album que tu sors sous le nom de Pluralone. On sent bien que tu affines et que tu affirmes ton style au fil des disques. Avec le recul, comment est-ce que tu définirais l’identité musicale de Pluralone ? 

P : C’est difficile à dire… Parce que cet album est très différent des deux précédents. Je pense que le fil rouge entre les trois albums serait le songwriting, les paroles et le chant, mais je ne sais pas vraiment comme l’expliquer ou le décrire. Je dirais que c’est de la musique moderne, avec une dimension émotionnelle et psychologique. Enfin, ça aurait été de la musique moderne il y a 20 ans (rires). C’est une musique qui est très influencée par la musique qui va des années 50 aux années 90… Je ne sais pas trop. On m’a déjà qualifié d’alternatif mais je n’ai jamais trouvé que ce terme était approprié.

LVP : On retrouve beaucoup plus de sonorités électroniques sur ce nouvel album. Est-ce que ça vient des expériences musicales dont tu nous parlais lors de notre précédente discussion ou bien est-ce que c’est lié à l’influence de Clint ?

P : Cet album a vraiment été influencé par Clint car il en était le producteur. Quand je lui ai envoyé la première chanson de l’album, The Fight For The Soul, c’était un morceau écrit au piano, et il me l’a renvoyée en l’ayant transformée en cette espèce d’hymne synthétique. C’est ce qui est génial avec cette manière de procéder : je ne savais jamais quel serait le résultat. D’habitude, quand je commence à faire un album, je me dis toujours que je vais essayer de développer le morceau de la manière dont je l’ai écrit et ensuite, j’ajoute des choses à partir de cette base. C’est ce qui est intéressant dans le fait de travailler avec quelqu’un d’autre, c’est juste que j’ai du mal à faire confiance.

Je crois aussi que la palette de sons de Clint est plus pop que la mienne. J’ai toujours tendance à vouloir sonner un peu cassé, un peu bizarre, donc je n’aurais sans doute pas choisi des sons de synthé comme ceux-là. Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais fait sonner tout ça comme si ça sortait d’une enceinte cassée. Et ensuite, je me serais demandé : “mais pourquoi je veux toujours que ça sonne cassé ? Qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?”. Après, Clint adore les synthés, j’adore les synthés… On aime différents différents types de son électroniques.

Donc je dirais que sur cet album, l’influence électronique provient davantage de Clint. La plupart des sonorités électroniques qu’on peut entendre sur l’album comme dans The Fight For The Soul, comme les cordes dans A War Within, la luxuriance de Wait For Me… Tout cela vient de Clint. Je les aime tous, j’adore ces sons (sourire).

 

 

Avec cet album, à un moment donné, la musique importait presque moins que le reste. Tu vois, j’avais écrit les morceaux, je les appréciais, donc c’était plutôt notre amitié et la communication entre Clint et moi qui comptait. C’était presque ça, la vraie créativité.

 

 

LVP : À la fin de notre dernier échange, tu as évoqué ton intérêt poussé pour l’histoire, et plus précisément pour la Guerre Froide. Qu’est-ce que tu retiens de cette étude que tu fais de l’histoire ?

P : C’est ce qui est drôle avec cet album. Lorsque l’on en a parlé à l’époque, j’étais sans doute en train de lire ce livre et je me suis dit “oh, ce serait un chouette fil rouge pour le prochain album de Pluralone“. Je ne pensais pas vraiment à un concept-album, mais plutôt à une série de chansons qui parleraient de la bombe atomique, de la Guerre Froide, de l’effondrement de la communication entre les civilisations ou même les individus. Un mariage peut être tout aussi compliqué à entretenir que les relations entre le bloc de Ouest et celui de l’Est. Je suppose que l’histoire, et plus précisément l’histoire de ces cent dernières années, quand nous sommes finalement arrivés à un point de l’expérience humaine où il est possible de s’annihiler en un instant… C’est un tout nouveau modèle, un tout nouveau problème qui n’avait jamais existé auparavant. Il y a quelque chose qui me fascine toujours là-dedans, depuis que je suis tout petit. Mes grands-parents avaient de nombreux amis qui ont combattu durant la Seconde guerre mondiale et c’est quelque chose a toujours suscité mon intérêt. Quand même… C’était il n’y a pas si longtemps que cela !

En grandissant, je me suis rendu compte que nous vivons tous avec cette information dans un coin de notre tête, que nous avons la possibilité de détruire des pays tout entiers en un claquement de doigt. Ce problème n’existait pas avant, et nous vivons à présent dans une époque où la communication devient de plus en plus étrange, alors qu’elle devrait se simplifier. Je trouve ça incroyable que tu sois en ce moment-même à Paris, moi à Pasadena, et que l’on puisse se voir et échanger. Ces ordinateurs, ces téléphones… Ça devrait être quelque chose de génial mais ça a aussi des conséquences terribles sur l’humanité. Donc il faut composer avec ça, mais aussi avec l’idée que l’on peut tuer beaucoup de personnes en un rien de temps, donc que faisons-nous ? Il nous faut admettre que la communication est en réalité l’unique outil que nous avons pour nous épargner une mort certaine. J’y réfléchis sans doute trop, mais je me souviens parfaitement me promener à Seattle dans la John Street, regarder autour de moi vers le Space Needle, être subjugué par sa beauté et me dire que tout ce que je voyais pouvait être rasé en un instant.

J’ai donc commencé à écrire plusieurs chansons à ce propos pour moi-même, et quand l’idée de faire un nouvel album avec Dot Hacker est venue, j’en ai écrit quelques autres. Du coup, on retrouve certaines d’entres elles sur ce nouvel l’album de Pluralone : A War Within, Can’t Put The Bullet Back In The Gun, The Fight For The Soul… Beaucoup de ces morceaux traitent de ces références historiques et de ce que je lis constamment, mais aussi de la communication, et comment deux personnes, deux pays, peuvent communiquer. La pochette, c’est une photo des visages des gens au moment où Kennedy leur a annoncé “hey tout le monde, on est dans une situation compliquée là, il y a quelque chose qui se passe à Cuba, je préfère vous prévenir, on est un peu en état d’alerte là”. C’est ce qu’il est en train de dire aux personnes qui sont présentes sur cette photo. Mon album est sorti le 17 mars, et une semaine plus tard, ce taré en Russie décide de bombarder son voisin. C’est dingue que l’on soit toujours en train de gérer les mêmes problèmes !

Tu aurais sans doute une opinion bien différente et bien plus riche que la mienne sur ce que cela représente d’être un citoyen européen durant ces cent dernières années. C’est quelque chose qui me fascine réellement. Il me reste encore plusieurs chansons à finir sur ce sujet, d’ailleurs. La première fois que je suis allé en Russie, j’ai rencontré quelques personnes qui avaient mon âge, et je leur ai dit “waouh, vous avez connu trois régimes différents, trois différents systèmes politiques avec lesquels vous avez dû vous adapter”. Je me demande bien ce que ça peut provoquer dans la tête de quelqu’un. Tu sais, j’ai plutôt une vie d’enfant gâté qui vit dans un pays stable, mais certaines personnes dans le monde souffrent de ces changements politiques terribles et je pense que cela découle de cette inaptitude à communiquer !

La façon dont les êtres humains communiquent, c’est plus ou moins ce qui m’a toujours fasciné. D’autant plus en prenant en compte les cent dernières années et les changements que nous avons opérés en tant que société. Les avancées technologiques, la possibilité de tuer des gens et d’infliger tant de souffrances. Le fait que nous sommes en 2022 et que nous ne nous sommes toujours pas mis d’accord, en tant que société, sur le fait qu’il est sans doute préférable de ne pas faire souffrir les autres. Ça me dépasse. C’est fou. Ça m’obsède.

LVP : Il y a un ensemble d’images assez violentes derrière les titres et les paroles de ces nouvelles chansons. Est-ce que c’est quelque chose que tu avais besoin d’extérioriser pour te sentir mieux ?

P : Pour la chanson A War Within, je me souviens avoir pensé à moi-même et à ma façon de communiquer avec moi-même, à ma façon de me parler. C’est comme si j’étais mon propre fasciste ou mon propre staliniste. Mon esprit est un dictateur, et ma vie est la population qui le subit (rire).

LVP : On dirait que tu deviens de plus en plus à l’aise dans ta relation avec tes fans. Tu as récemment organisé ton tout premier live sur Instagram. Qu’est-ce que cela t’a fait de jouer et discuter directement avec le public ?

P : C’était un moment compliqué parce que je suis arrivé avec quelques chansons à jouer, je les ai jouées, et puis je me suis dit que ce serait chouette d’interagir, mais j’ai trouvé ça difficile. Ça a été, mais c’était un peu bizarre parce que j’avais l’impression que les gens me fixaient et j’ai commencé à me sentir gêné lorsqu’ils m’ont demandé de jouer des chansons que je ne savais pas jouer. Je me suis senti mal à l’aise uniquement sur le moment-même. À la seconde où ça s’est terminé, j’ai eu l’impression que ça avait plu aux gens donc je me suis senti mieux.

Je manque toujours beaucoup de confiance donc je me suis dit “je suis vraiment un idiot, je ne sais rien jouer. Il y a des gens adorables qui me demandent des chansons et je ne sais pas comment les jouer”. Au bout du compte, c’était une expérience étrange. Et j’y repense beaucoup en ce moment à l’idée de jouer en live car je ne l’ai jamais fait tout seul. Je suis supposé passer ces semaines à répéter mais je ne sais tout simplement pas comment répéter ! J’imagine qu’il faut simplement que je joue mes chansons encore et encore ? Donc lorsque j’ai posté cette chanson qui s’appelle Elongate, c’était une façon pour moi de m’entraîner.

Je suis tellement honoré et scotché que des gens aiment ce que je fais. Tout ce j’ai toujours voulu dans la vie, c’est d’écrire des chansons, les aimer moi-même, les sortir, et voir si elles trouvent un écho chez les gens. Si ma musique fait ressentir à des personnes la même chose que ce que la musique que j’aime me fait ressentir, ça me donne le sentiment que je ne fais pas ça pour rien. C’est la seule chose que je sache faire, je crois. C’est marrant parce que je ne suis pas quelqu’un qui veut naturellement être le centre de l’attention et je ne sais pas vraiment comment livrer une performance. Je ne sais qu’être moi-même.

Il y a quelque chose de très agréable à communiquer avec les gens : lorsque j’ai fait ce live-stream il y a quelques semaines, il y a eu un problème technique, tout le monde était réuni dans le chat et d’après un des viewers, ils ont juste papoté tous ensemble. Ces personnes réunies ensemble, c’est tellement beau. Je ne vis pas souvent ce genre de chose. Même lorsque je jouais avec les Red Hot Chili Peppers, il y avait énormément de personnes qui étaient toutes très heureuses, mais j’avais l’impression que c’était davantage pour quelque chose que quelqu’un d’autre avait fait. Le fait que ces personnes-là ressentent de la joie dans leur vie et que je sois en quelque sorte lié à ça… C’est fou ! J’aime vraiment l’idée de communiquer, nous vivons à une époque où c’est facile.

 

 

 

 

Tout ce j’ai toujours voulu dans la vie, c’est d’écrire des chansons, les aimer moi-même, les sortir, et voir si elles trouvent un écho chez les gens.

LVP : Tu as aussi lancé ton propre podcast dans lequel tu partages de la musique et où tu parles de ton procédé créatif, des choses qui t’influencent… Qu’est-ce que tu peux nous dire à propos de ce projet ? Et est-ce que tu peux nous en dire plus à propos de cette carte mystérieuse et des autres images que l’on a pu voir pendant l’enregistrement ?

P : Je comptais en poster un par semaine, mais je pense que ce genre de chose doit sortir au plus près du moment où c’est enregistré donc c’est compliqué. Peut-être que je peux en sortir quelques uns avant de partir en tournée, puis je prendrai une petite pause.

Je crois que la carte est une carte de la fin des années 1970 qui représente ce à quoi le monde ressemblerait si l’Union Soviétique avait envahi l’Europe. Je cherchais des idées de pochettes pour cet album parce que mon amie qui a pris les photos pour les deux précédents avait du mal à trouver quelque chose pour celui-ci. J’ai donc commencé à chercher des images, j’étais obnubilé par les trucs de la Guerre Froide et c’est là que j’ai trouvé ces cartes. Visuellement, cette carte était parfaite pour ma palette de couleurs. J’ai trouvé ça trop étrange de l’utiliser pour la pochette de l’album parce qu’au début je ne savais pas réellement ce qu’elle représentait.

Je ne voulais même pas appeler cela un podcast, je voyais plutôt ça comme quelque chose que je poste sur mon petit site Internet, plus comme une émission de radio. Une chose à laquelle je pense souvent, c’est à quel point tout est désormais à portée de main. Là, tout de suite, je peux écouter une radio parisienne ou n’importe quelle autre radio à travers le monde. Quand j’étais plus jeune et qu’Internet en était à ses débuts, je pensais que je passerais mon temps à écouter des émission de radio et à apprendre plein de choses sur la musique. C’est ce que je faisais hier soir. Je le fais rarement mais je le faisais hier. J’aime simplement le fait que l’on puisse écouter ces émissions, on y trouve tellement de trucs intéressants. Tu m’interviewes dans une de mes bonnes matinées… Ou bien c’est toi qui me rends positif ! Merci beaucoup.

C’était marrant d’enregistrer ce premier épisode et de simplement passer de la musique que j’apprécie vraiment. C’est juste posté, là, les gens peuvent l’écouter, et si une personne entend une chanson que j’aime et accroche avec un artiste, ça me rend vraiment heureux.

LVP : Je sais d’ailleurs que tu es un vrai digger et justement, dans son livre, Acid for the Children, Flea parle de ce voyage en Ethiopie que vous avez fait ensemble pour découvrir la musique et la culture du pays. Comment c’était, ce voyage ?

P : Oh mon Dieu, c’était un voyage extraordinaire. C’était exactement comme ça que j’aime faire les choses, de façon spontanée et en dernière minute. Flea était déjà allé au Nigeria avant, et il avait été invité en Ethiopie. Il est donc arrivé un jour en répétition en disant “Eh les gars, allons en Ethiopie”. Anthony et Chad ne pouvaient pas parce qu’ils avaient leur famille et leurs enfants, mais moi, j’ai tout de suite répondu : “ok, je suis là”. Sans parler du fait que je suis un fan absolu de Damon Albarn qui était là-bas avec nous, donc je me disais “Waouh, j’ai l’opportunité d’aller dans un pays africain pour lequel je porte déjà beaucoup d’intérêt depuis les années 80. J’ai toujours été fasciné par l’Ethiopie, sa culture, sa musique, sa nourriture… Ça m’a toujours intéressé d’y aller. C’était un voyage avec Africa Express et j’étais vraiment excité par l’idée d’y aller avec Damon et d’autres artistes que je trouve cool.

Tu connais Africa Express ? C’est un groupe que Damon a lancé avec d’autres personnes du milieu qui partagent un intérêt et une volonté de s’engager pour l’Afrique et ils se disaient que le meilleur moyen d’agir en faveur de l’Afrique, c’était de s’y rendre et d’apprendre leur culture. Sur place, c’était un peu comme un camp musical, on allait voir des concerts, des musiciens, des villages dans lesquels ils fabriquaient des percussions… C’était un voyage extraordinaire.

LVP : En parlant de concert, tu as enfin pu faire ton retour sur scène. Comment est-ce que ça s’est passé ?

P : J’ai joué 7 concerts différents au Ohana Festival et j’ai apprécié chacun d’entre eux de différentes façons. C’est incroyable de jouer avec Eddie Vedder. On forme un drôle de groupe entre Chad et moi qui adorons jouer ensemble, Chad et Andrew Watt qui ont cette belle amitié et puis Chris Chaney qui joue dans Jane’s Addiction qui est un groupe important pour nous tous… C’est une vraie famille. Eddie a eu un rôle très important dans mon éducation musicale. Et comme nous savions tous que cette aventure serait courte, c’était presque des espèces de vacances par rapport à nos vraies vies. Tout le monde a d’autres occupations : Andrew produit des albums, Chad a les Red Hot Chili Peppers, Eddie s’apprêtait à retourner en tournée avec Pearl Jam

C’était un voyage vraiment émouvant. Être sur scène et jouer de la musique avec des personnes que tu aimes… Et puis il y avait quelque avec Taylor Hawkins. Trois des personnes de ce groupe étaient ses meilleurs amis : Chris Chaney, Andrew Watt et Chad Smith étaient trois de ses amis les plus proches et puis Eddie et moi sommes dans le cercle suivant. Nous portons tous les deux beaucoup d’amour pour Taylor, il était comme un membre honorifique du groupe tant il était constamment dans nos conversations. La dernière fois que j’ai vu Taylor, c’était sur FaceTime en backstage du concert d’Eddie. On lui disait combien il nous manquait et à quel point on l’aimait et puis moins d’un mois après, il est parti… On ne sait jamais ce qui peut arriver.

 

 

J’ai envie de voir quelqu’un qui est vrai, je m’en fiche de la perfection. Je ne sais pas vraiment comment livrer une performance. Je ne sais qu’être moi-même.

 

 

LVP : Tu as aussi fait tes grands débuts sur scène en tant que Pluralone. Comment ça s’est passé pour toi ?

P : C’était bizarre ! J’ai bien aimé quand ça se passait bien, et puis quand ça se passait moins bien, j’étais un peu gêné et je me disais que j’aurais dû travailler davantage et mieux me préparer pour ça. C’est difficile pour moi parce que je ne suis pas très assidu quand il s’agit de s’entraîner, je joue uniquement quand je prends du plaisir.  Si je dois juste m’asseoir et répéter mes chansons encore et encore, ça me saoule. J’ai juste envie de jouer ou d’écrire de nouvelles choses. C’est de cette manière que j’ai été conditionné puisque quand j’écris des chansons, je n’ai pas de groupe avec lequel je dois partir en tournée et répéter.

Quand je faisais partie des Red Hot Chili Peppers et qu’on sortait un nouvel album, on jouait les nouvelles chansons quelques fois au début et deux mois plus tard, on pouvait les jouer les yeux fermés. Donc je sais ce que c’est que de se sentir plus à l’aise avec les chansons. Mais quand il s’agit des miennes, tout se joue dans mon cerveau, je dois me rappeler des paroles, des accords… Répéter, c’est compliqué pour moi, j’apprends plutôt les chansons quand je les joue sur scène. J’imagine que je dois me faire à l’idée que je dois trouver un équilibre entre cette expérience de la scène et un peu plus d’exercice.

Pour répondre à ta question, dans le passé, après ce premier concert, j’aurais probablement déménagé au Pôle Nord et on n’aurait plus entendu parler de moi pendant cinq ans (rires). Mais j’ai beaucoup réfléchi à tout ça ces derniers temps… Je n’ai pas envie de monter sur scène et d’oublier les paroles et les accords, bien sûr. Je fais aussi des choses stupides comme jouer une de mes chansons, Mother Nature, dans une autre tonalité à la guitare. Je me complique la vie, je me plante et après je suis énervé contre moi-même parce que je me dis que je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Mais en fin de compte, j’essaye de me rappeler qu’en fait, ces concerts-là, j’aime beaucoup les voir. J’ai envie de voir quelqu’un qui est vrai, je m’en fiche de la perfection. Tu vois, il y a quelque chose qui me contrarie beaucoup, c’est ma voix. Ces derniers temps, j’ai eu beaucoup de problèmes avec ma voix. Je ne sais pas si c’est parce que je vieillis mais j’ai tendance à chanter très aigu et la plupart du temps, ça pose problème au niveau de ma voix. En même temps, je refuse de tirer un trait sur le café et je suppose que ça n’aide pas. Au Ohana Festival, j’étais avec Nate Walcott sur scène et quand j’ai voulu chanter la première note, ma voix a déraillé et ça n’a juste pas fonctionné. J’ai dégluti, j’ai pu chanter le reste du morceau et je me suis bien amusé tout de même. C’était la première que je ne faisais que chanter une chanson. La seule autre fois où j’avais chanter sur scène, c’était avec Jack Irons pendant trois minutes quand on a repris du Pink Floyd ensemble pendant la tournée. C’était marrant, mais j’ai quand même vraiment envie de m’améliorer !

LVP : Il y a quelques semaines, Kaly et Outer Space, deux B-sides de The Getaway ont fait leur apparition sur Internet. Est-ce que tu étais au courant qu’elles allaient être publiées ? Comment est-ce que tu l’as vécu ? 

P : Oui, elles ont fuité la veille de la sortie de mon album ! Je n’étais pas du tout au courant qu’elles allaient être publiées. Il y a tout de même eu une drôle de coïncidence : un gars que j’ai rencontré sur une tournée m’avait envoyé un mail quelques semaines auparavant en me demandant : “hey, est-ce que tu peux me confirmer qu’il s’agit bien du titre d’une vraie chanson ?”. Je lui ai répondu que c’était bien le titre d’une chanson qu’on avait faite et qui n’avait finalement pas été retenue pour l’album. Il m’a demandé s’il pouvait l’écouter et je lui ai répondu que je ne pouvais lui envoyer mais que j’allais l’écouter moi-même. À vrai dire, je ne l’avais pas écoutée depuis une éternité ! Ce morceau avait deux noms, le premier était Kaly, et à un moment, on l’appelait aussi On The Bright Side, mais je l’ai toujours appelée Kaly. Donc j’ai écouté ce morceau et c’était marrant, je l’aime bien.

J’ai le sentiment que ce morceau n’a jamais été vraiment terminé, je me souviens que je devais poser un solo de guitare dessus et que ça ne s’est pas fait. C’était vraiment pénible pour cet album, on était tout le temps en retard parce que Flea s’était cassé le coude. Je me souviens avoir enregistré le solo de Sick Love à trois heures du matin la veille du jour où l’album devait partir en mixage. On devait toujours se dépêcher.

J’ai vraiment le sentiment que ces morceaux n’étaient pas terminés. Les gens doivent penser qu’ils le sont parce qu’ils ont été mixés, on a décidé à la dernière minute de ne pas les mettre sur l’album. D’ailleurs, je crois que c’était une bonne décision. Mais je ne savais pas du tout qu’ils fuiteraient, d’ailleurs je ne sais pas du tout comment les gens les ont eues.

 

LVP : Pour finir, parlons un peu des prochains mois. Est-ce que tu prévois de partir en tournée avec le projet Pluralone ?

P : Je vais faire les premières parties sur la tournée de Pearl Jam mais je pense que ce sera à peu près tout pour cette année. Je n’ai pas prévu de jouer en solo en Europe. Ça ne m’enthousiasme pas particulièrement de jouer tout seul parce que ça demande beaucoup d’énergie, un vrai feu intérieur, et je n’ai pas encore invoqué ce feu intérieur.

J’espère qu’un jour, je pourrai monter un trio et jouer comme ça. Ce serait génial.


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