Sincèrement : l’impérissable miel de Hamza
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Auteur·ice : Charly Galbin
20/02/2023

Sincèrement : l’impérissable miel de Hamza

Quatre ans après Paradise, c’est carrément le retour d’Hamza que l’on annonce avec la sortie de ce nouvel album. Comme si depuis 2019, le rappeur belge n’avait pas sorti 2 mixtapes, un EP et collaboré avec tout le rap français. Oui, mais là, c’est un album, pièce musicale la plus raffinée. Comme sa voix. Si Sincèrement nous laissait imaginer des chansons plus introspectives, il n’en est rien. Et tant mieux. C’est pour son flow qu’on aime Hamza, et là, nous sommes servi·es. Devenu maitre de cet art, il peut bien relever le menton sur la cover de l’album le représentant comme une Icône dans un tableau doré. Car le plus Américain des Belges fait partie des meubles du rap français – et plutôt une armoire d’époque indémodable qu’une table basse Ikea bancale.

Il y a de ces sorties musicales qui s’écoutent religieusement le jeudi soir, à minuit (13). Un nouvel album d’Hamza par exemple. Le Sennheiser dans une main, Spotify dans l’autre, je découvre en cette nuit du 17 février la cover ambrée qui anoblit le SauceGod, les feats annoncés avec Offset, Tiakola, Ckay et Damso, et la durée de mon bonheur à venir, 51 minutes 41. Le Sennheiser maintenant sur les oreilles, assis dans une fontaine vide, dans l’axe de la rosace de la Cathédrale de Sainte Catherine, je peux lancer l’Introduction de Sincèrement, fermer les yeux et me laisser guider par l’arpège de Ponko et les premiers mots réverbés d’Hamza. La messe est dite.

Bon, et passée cette intro digne du culte voué au big H par Mehdi Maïzi, il y a quoi dans ce 17 titres ? Ben du Hamza. On connaît l’efficacité de la recette du dieu de la sauce, qu’il décline selon les saisons. En hiver, de la grosse trap et des flows énergiques comme sur Free YSL ou sur Tsunami, où il se balade tranquille sur la prod en Lamborghini. C’est aussi en cette froide saison qu’on écoutera les sons un peu plus personnels comme Nasa, Plus jamais le même et Sincèrement, où Ponko excelle à la production d’instrumentales mélancoliques, qu’on imagine pleurer comme des saules. Ici, Hamza se retournera sur sa carrière pour conter son ascension, livrant le secret de plusieurs rappeurs dans Ma réalité lorsqu’il entonne :

« J’ai grandi dans la violence, avec un joint de beuh j’ai appris à la romancer. »

© Ben Dorado & Pablo Jomaron

On puisera aussi dans cet album en été, avec des sonorités plus dansantes comme sur Murder ou Atasanté Part.2, avec Tiakola, qu’on imagine parfaitement accompagner la descente d’un cocktail près d’une piscine. Juste après s’être trémoussé·es sur Cocoro, le feat avec le Nigérian Ckay, dont la voix rejoint celle du H pour couler sur la prod comme un fleuve tranquille. Coulis vocal qu’un Hamza amoureux assène tout seul ailleurs sur Only U et I love U, track planante portée par une douce prod électro. Peu de surprise jusqu’ici, mais du bon Hamza.

Pas de révolution non plus dans les thèmes abordés. Un imaginaire rap classique et assumé, entre l’ostentation orale de sa réussite matérialisée dans le champagne, les voitures, les sapes, les billets aux couleurs que ni vous ni moi ne connaissons et l’art d’assumer le plaisir des paradis artificiels. À ce sujet, ça donne Codéine 19Hamza rappe d’une traite son péché mignon rose dont il ne semble pas encore vacciné. On ne s’en plaint pas vu le banger qui en est le produit.

 

Il faut quand même parler de Ponko, le producteur qui accompagne Hamza depuis ses débuts jusqu’aux sommets et qui signe quasi l’intégralité des morceaux de Sincèrement, souvent en collab avec le H lui même, témoignant de leur alchimie. Ça donne des prods classiques et efficaces.

Mais certain·es regretteront cette fidélité mutuelle qui, comme en amour, a le mérite de la facilité, au détriment peut-être de la mise en danger. Et même quand ils tentent d’aller hors les sentiers battus comme sur Nocif, avec Damso, en proposant une interprétation du tube disco Lady de Mojo, il y a comme une odeur de cendriers et de verres vides de fin de soirée. À côté d’artistes de la nouvelle génération, la musique d’Hamza peut donc paraître fade.

À celles et ceux là, un Hamza excité propose WWE, inspiré de la Rage, avec Kuro à la prod en plus du duo habituel, et dont les cloches sonnant répétitivement font de cette track la meilleure de l’album selon moi, et mon réveil pour les 6 prochains mois.

Ainsi, même si le H assume ses inspirations américaines rap et RnB des années 2000, il reste attentif aux modes plus récentes. Finalement incontournable, il maîtrise son art comme peu d’autres et se rapproche de l’artiste non uniquement étiqueté rap qu’il désire être. Et on imagine mal son miel caractéristique périmer, même à la mode du zéro sucre. Car si on veut encore s’en autoriser quelques portions, de sucre, c’est bien de la voix d’Hamza dont on se délectera en premier, en hiver, comme en été.


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