Sleep Well Beast : la belle bête de The National
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Auteur·ice : Charles Gallet
10/09/2017

Sleep Well Beast : la belle bête de The National

Septembre est le mois de la rentrée. Pour les enfants, les étudiants, pour toi, pour moi… Mais aussi pour les musiciens. Après des vacances portées par des semi-déceptions, entre le nouvel album d’Arcade Fire gorgé de fulgurances mais aussi de trous d’air, et celui de Queens of The Stone Age, un peu trop tendre pour nos oreilles habituées à un son plus fort, on était resté un peu sur notre faim. Et puis septembre est venu frapper à notre porte, entrant dans le vif du sujet avec l’exceptionnel album de LCD Soundsystem. Cette semaine, et en attendant le retour des canadiens de Death From Above 1979 prévu pour le 15 septembre, c’est donc au tour des New Yorkais de The National de montrer le bout de leur guitare avec leur nouvel album Sleep Well Beast.

Quatre ans, c’est ce qu’il aura fallu au quintette pour donner un successeur à l’apaisé Trouble Will Find Me. Un laps de temps plus long que d’habitude, qui aura permis à chacun des membres de The National de vaquer à ses propres projets, de se définir en dehors d’un groupe qui occupe désormais la scène du rock alternatif depuis plus de 15 ans.
Un moment nécessaire donc, pour se ressourcer et se relancer, éviter la redite et proposer la continuité d’un parcours d’une exceptionnelle cohérence tout en ouvrant les portes de sonorités et d’univers différents. Et c’est exactement ce qu’il se passe avec ce Sleep Well Beast.

Au niveau des paroles, pas de changement, Matt Berninger trempe ainsi toujours sa plume dans l’encre la plus noire pour déverser ses obsessions, ses pensées, sa poésie qui finit par toucher tout un chacun, transformant ainsi des chansons hautement personnelles en monstres d’universalité. Chacun finit par se retrouver dans ses paroles pour y verser à son tour ses souvenirs et ses pensées et se les approprier d’une manière ou d’une autre.

Mais si au fond l’âme du groupe, cette mélancolie sourde, cette poésie qui finit toujours par humidifier nos joues de larmes salées, est bien présente, elle se transforme aussi grâce à des sonorités jusqu’ici inédite.

Sur tout l’album on sent un sentiment de cohérence, mais aussi de liberté, comme si Aaron Dessner, principal compositeur du groupe, s’était enfin détaché d’un poids qui ne semblait plus lui convenir.

On note ainsi des chansons dans la pure lignée des autres albums comme Nobody Else Will Be There, tandis que d’autres modifient cette trame propre au groupe à l’aide de sonorités electroniques ou d’inserts vocaux comme sur Day I  Die ou encore Born To Beg. Le véritable basculement a lieu au milieu de l’album avec Turtelneck. Jamais l’urgence et la colère n’auront été aussi palpables chez The National et cette chanson est assurément l’un des grands moments et l’une des belles surprises du disque. On passe ensuite par une Empire Line plus apaisée et dont certaines sonorités nous font furieusement penser à la bande son du Akira de Katsuhiro Otomo.

I’ll Still Destroy continue l’exploration de sonorités électroniques des plus étranges tandis que Carin At  The Liquor Store et son piano nous font monter les larmes avec une facilité assez déconcertante, nous offrant un véritable moment de grâce, une beauté fulgurante qui frappe le cœur en son centre. Sleep Well Beast conclut l’album avec brio, une sorte d’ode à la jeunesse, à son futur de manière assez abstraite et poétique.

La bête est donc belle, tout comme la fête et la musique. The National a pris son temps, mais nous offre avec Sleep Well Beast un album à la fois dans la continuité des autres, mais tout en restant aventureux et libre. Un album cohérent et intense, qui nous tire les larmes tout autant qu’il nous coupe le souffle et nous fait vibrer, tout simplement.