“Un gros bordel d’émotions”, Silly Boy Blue nous a parlé de la sortie de son premier album
"
Auteur·ice : Léa Formentel
29/06/2021

“Un gros bordel d’émotions”, Silly Boy Blue nous a parlé de la sortie de son premier album

On a partagé un Perrier avec Ana Benabdelkarim aka Silly Boy Blue juste avant la sortie de son premier album Breakup SongsSi vous n’avez pas encore lu la chronique, c’est par ici. On a parlé de la conception du disque, de ses doutes, de ses peines de cœur —terreau de l’écriture de Breakup Songs— mais aussi de ses joies. 

La Vague Parallèle : Hello Ana, comment tu te sens après la sortie de l’album ?

Silly Boy Blue : Je me sens dans un rush ultime, je n’ai jamais autant couru de ma vie ! En fait ça a été très dur de le sortir, j’étais très triste le jour de la sortie. Et puis maintenant je suis contente qu’il existe. Je crois que je n’ai pas trop le temps d’y penser parce qu’il y a tous les autres trucs à faire et je suis contente. Là c’est un gros bordel d’émotions ! Et je pleure beaucoup, mais c’est cool, c’est souvent de joie !

LVP : Tu appréhendais la sortie ?

SBB : Oui, parce que c’est mon bébé. J’ai toujours pensé que c’était cliché de dire ça mais je le ressens vraiment. Je n’ai jamais autant travaillé sur quelque chose et attendu quelque chose. C’est vraiment tout ce que je suis qui sort dans douze titres. J’ai à la fois peur que les gens aiment et qu’ils n’aiment pas, qu’ils comprennent ce que je dis et qu’ils ne comprennent pas ! J’ai peur de tout en fait. En même temps il y a quelque chose sur le fait d’attirer l’attention, je n’aime pas trop ça. Par exemple à mon anniversaire je n’aime pas recevoir tous ces messages, enfin ça me fait plaisir mais ça me met mal à l’aise de recevoir toute l’attention sur moi. Je suis dans un mélange d’émotions un peu étrange.

LVP : Ce premier album c’est ton premier long format, qu’est-ce que ça change pour toi dans la manière d’appréhender cette sortie ?

SBB : C’est cool parce que j’ai l’impression d’être moins limitée, d’avoir plus d’espace. Il y a douze morceaux et c’est mes douze personnalités. Ça m’a laissé plus de place à la création et à l’expression. Je vais donner plein de facettes de moi et ça m’apaise beaucoup, en fait. Il y a eu des moments où j’ai sorti des singles mais là ça y est, ça c’est moi et on verra la suite. En tout cas il y a tout ce que je voulais dire et tout ce que je voulais faire dedans donc c’est un champ libre que j’apprécie beaucoup. J’ai l’impression que c’est comme quand tu sors avec quelqu’un de bien et que tu te dis : “wow là je peux être vraiment qui je suis !“. Voilà, là c’est un peu mon date cool.

LVP : Trois ans se sont écoulés entre ton premier EP But You Will et Breakup Songs. Qu’est-ce qui s’est passé pour toi pendant ces trois ans ? Est-ce que ce temps t’a permis de bien mûrir ton projet ?

SBB : Pendant ces trois ans j’ai fait des dates de concerts, beaucoup beaucoup. Ce qui m’a aidée à m’assumer, à accepter que j’étais en train de faire de la musique. J’ai arrêté de travailler, j’ai signé en label chez Columbia et en édition chez Warner Chappell. J’ai écrit et enregistré l’album, j’ai refait des concerts, il y a eu les confinements, Les Inouïs du Printemps de Bourges… Enfin il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées et qui ont fait que pour moi, quand j’ai sorti l’EP en 2018, j’étais un peu un bébé en solitaire qui s’excusait toutes les secondes d’être vivante. Et maintenant je suis un peu moins solitaire, un peu moins dans l’excuse permanente et un peu plus déterminée, affirmée !

Ces trois ans m’ont permis de mûrir mon projet, de vivre d’autres histoires qui m’ont donné envie d’écrire sur d’autres choses. Des questions que je me posais que j’ai pu mettre dans des chansons, des histoires qui se sont très mal terminées ou très bien terminées, qui m’ont fait prendre conscience de trucs. En fait, toutes les chansons retracent un peu mon journal intime 2018-2020, de ma vie et de mes questionnements. J’ai évolué et je sais plus ce que je veux. Je sais vachement mieux ce que je ne veux pas, déjà. Je sais où je veux aller maintenant, avant je me laissais un peu porter par les choses et je subissais beaucoup de choses mais maintenant ce n’est plus le cas !

LVP : On te retrouve aujourd’hui pour la sortie de Breakup Songs, est-ce que tu peux nous parler de sa création, son origine ?

SBB : Je l’ai écrit chanson par chanson, quand il s’est passé des choses dans ma vie que je n’arrivais pas à process, donc j’avais besoin de les mettre dans mes chansons. Ça a été des ruptures, amicales et amoureuses, ça a été des renouveaux, ça a été des remises en question et des recherches de ce que je suis et plein de choses qui ont fait tout cet album. Grand journal intime.

LVP : Ton disque s’intitule Breakup Songs, qu’est-ce que ça t’évoque ?

SBB : J’ai commencé à chercher un nom d’album l’été dernier, je faisais plein de listes et c’était le seul qui revenait tout le temps. Je me rappelle qu’on avait discuté avec mes équipes et ils m’ont demandé si je n’avais pas peur que ce soit connoté comme triste, et en fait j’ai réussi à me l’approprier en me disant qu’une rupture n’est pas que triste. Ce n’est pas que de la colère et de la tristesse, c’est aussi le moment où tu retombes amoureuse, c’est le moment où tu passes à autre chose, où tu te réveilles en disant : “tiens je n’ai pas pensé à cette personne depuis une semaine“. Et pour moi cet album s’appelle comme ça car tout est parti de ruptures mais c’est devenu d’autres choses, un peu comme une espèce de grande boucle, et pour moi c’était le terme qui regroupait le mieux tout ce qu’il se passe dans l’album. Il y a vraiment des trucs très joyeux, je sais que par exemple Goodbye c’est le moment où je me suis dit : “eh mais ça y est, on arrête de subir cette rupture“. Creepy girl c’est quand j’ai eu un crush sur quelqu’un de nouveau, etc. Enfin il y a eu plein d’étapes, et pour moi c’était le seul terme qui regroupait le mieux tout ça. C’est des chansons de ruptures sans en être, il y en a qui sont très premier degré rupture, et il y en a qui sont parties de ça pour découler sur plein d’autres choses.

 

LVP : On sent quand même une évolution dans tes compos, même s’il y a une continuité je trouve avec ton premier EP, peut-être plus de chansons qui donnent la pêche dans l’album ?

SBB : C’est en partie parce que j’ai fait deux ans de lives et je savais ce que je voulais jouer et ne plus jouer. Par exemple, ça me tenait à cœur de mettre encore des guitare/voix ou des piano/voix parce que c’est quelque chose que j’aime énormément mais en même temps j’avais envie d’autre chose. 200 Lovesongs, c’est une chanson que j’ai écrite pour du live en parlant du live. C’était après une date de concert où je me suis dit : “mais en fait c’est ça que j’ai, être dans une chambre d’hôtel vide et ne pas comprendre ce que les gens attendent de moi quand je suis sur scène ?“. J’avais envie qu’elle soit véner parce que j’avais envie de l’incarner sur scène et j’ai trop hâte de cet été. En fait les chansons je les écrivais plus pour moi-par moi-parce que moi, je les écrivais en pensant au live, à quand j’allais les re-chanter chez moi. Il faut savoir que j’ai commencé par écrire quatre morceaux qui sont sur l’EP (But You Will) et je les ai chantés pendant deux ans. Devant des proches parfois, dans des villes où je ne connaissais personne… Et je sais ce que c’est maintenant que de chanter une histoire d’amour super douloureuse pendant deux ans. Il y a des trucs que j’ai dit, que j’avais besoin de dire dans l’album, où je me suis dit que ça allait me faire du bien de le chanter beaucoup de fois parce que ça va me faire aller mieux. Je m’en sers un peu comme une thérapie.

LVP : J’ai pu lire aussi que tu étais, en plus d’être chanteuse, compositrice, multi-instrumentiste et productrice (chapeau), ça fait beaucoup de casquettes, comment tu gères tout ça ?

SBB : En réalité j’ai des équipes chanmé, même mes producteurs, c’est des gens qui sont complètement à l’écoute. Personne n’essaie de s’écraser donc ça produit des trucs très vertueux. On a des méthodes de travail où je ne me suis jamais sentie amoindrie ou négligée ou encore influencée ! Ce n’est que des conseils, des suggestions, et je n’ai pas du tout la science infuse et je pense que je ne l’aurai jamais. Je me sens écoutée donc ça c’est chouette, après il y a aussi le fait que j’étais toujours la plus jeune dans ce que j’ai fait, parce que j’ai sauté une classe et parce que j’avais des grands frères. Donc j’ai toujours dû faire mes preuves à fond, donc j’ai toujours eu ce truc de bosser le plus possible pour montrer le plus possible pour ne pas qu’on me reproche que je suis là où je ne devrais pas être. Donc toutes ces casquettes-là je les ai apprises sur le tas, avec plein de gens chouettes et je me suis mis dans la tête de devoir avoir toutes ces casquettes pour être légitime.

LVP : Et tu te sens plus légitime aujourd’hui ?

SBB : Un peu plus. Parce que je suis une meuf et qu’on te fait quand même ressentir à plein de niveaux et plein de moments que ce serait mieux si tu fermais ta gueule. Mais c’est à 90% grâce aux gens que je rencontre et qui me font me sentir légitime. Que ce soit par les Inouïs, par mes équipes et ça fait du bien d’avoir des gens autour de toi qui te disent : “eh, je sais que tu te l’es répété vingt mille fois aujourd’hui mais tu n’es pas une merde“.

LVP : La version orchestrale de The Fight, très réussie d’ailleurs, comment ça t’est venu à l’idée ? Tu as travaillé avec Uèle Lamore, comment ça s’est passé ?

SBB : Je savais que je voulais que The Fight soit sur l’album parce que pour moi c’est la chanson avec laquelle tout a un peu commencé avec Cecilia. J’avais envie qu’elle soit dessus d’une autre manière et je connaissais le travail d’Uèle que j’aime beaucoup. Il se trouve qu’on a la même attachée de presse donc j’ai demandé à Melissa de lui proposer une réécriture et elle a accepté. Coup de chance et de hasard on s’est vraiment bien entendu. Elle a composé un truc que je trouve absolument magistral. Je trouvais déjà que c’était une génie avant, mais alors là ça m’a complètement bouleversée ce qu’elle a réussi à faire. Ça s’est fait un peu comme ça.

LVP : Pour Cecilia, qui était déjà présente sur l’EP, tu as choisi de faire une deuxième partie, c’était une chanson qui te tenait particulièrement à coeur ?

SBB : C’est un peu une chanson qui me tenait à cœur. C’est la première que j’aie écrite pour mon projet solo et dans une douleur assez folle, juste après une rupture. C’est quasiment les premiers mots que j’ai dits parce que je ne sortais plus de chez moi et que je ne parlais plus à personne du tout. J’avais vraiment envie de clore ce truc-là même si je l’aime encore beaucoup cette chanson. Quand j’ai commencé à écrire l’album, j’ai refait les accords de Cecilia et je me suis dit que j’avais envie de revenir dessus car pour moi il y avait quelque chose d’inachevé. J’avais envie de boucler la boucle.

 

LVP : J’ai vu d’ailleurs que tu t’étais bien entourée pour la production, avec Apollo Noir et Sam Tiba et Ash Workman au mixage ! Qu’est-ce que tu cherchais en faisant cette collab ?

SBB : C’était très chouette de bosser avec eux ! C’était assez chanmé. Je me suis sentie dans un endroit très safe, où on ne m’expliquait pas la vie mais en même temps on ne me laissait pas faire n’importe quoi. On m’apprenait beaucoup de choses et en même temps on ne m’apprenait pas les trucs que je savais déjà faire, donc ça s’est super bien passé. On est parti une semaine en studio pour faire quelques morceaux et en fait on a fait tout l’album, parce que l’entente était dingue. C’est devenu des gens très proches et je les aime très fort.

LVP : Maintenant que la crise est passée, et qu’on pourra t’entendre à nouveau en concert, comment tu penses pouvoir porter ce projet en live ?

SBB : Bien sûr, il y a Le Printemps de Bourges, Les Vieilles Charrues, Les nuits de Fourvière, Terre du Son, Jardins Sonores… À la rentrée il y a aussi les Nuits Botaniques avec Mansfield TYA, je suis trop contente. Et le 6 octobre il y a La Gaîté Lyrique ! Plein de dates cet été un peu partout. Et on en ajoutera au fur et à mesure de l’été, ça va être bien !

LVP : Maintenant que la crise est passée, et qu’on pourra t’entendre à nouveau en concert, comment tu penses pouvoir porter ce projet en live ?

SBB : Ça me stresse un peu mais j’ai hâte. J’avais déjà hâte avant la pandémie mais là j’ai encore plus hâte parce qu’on s’est tous sentis privés de lives et je ne peux pas parler pour tout le monde mais je fais ma musique 50% pour la jouer devant les gens et 50% pour qu’ils l’aient chez eux. Moi ça m’a manqué très fort parce que j’en ai vraiment besoin. Très égoïstement, ces morceaux, plus je les interprète plus ça me fait du bien et plus j’arrive à les dédramatiser aussi et du coup j’ai vraiment hâte. Il y a des lives qu’on a bossé en groupe et d’autres en solo et on a tous trop hâte. C’est un peu bête mais ces morceaux ont été écrits dans une solitude énorme et parfois dans une douleur ou une incompréhension, en tout cas dans un sentiment très fort. Et de pouvoir les partager et d’avoir des retours, de voir si les gens apprécient tel moment ou tel moment, ça me sort du sentiment d’isolation et ça me fait du bien. Quand tu joues un truc et que tu vois qu’il y a une meuf qui est en train de le chanter ou que quelqu’un est en train de danser et tu te dis : “putain il y a quelques mois j’étais chez moi dans mon canap en train d’écrire et de pleurer en même temps !” c’est trop bien, tu sais que c’est pour ça que tu fais ça.

LVP : Je sais que tu étais journaliste avant. Est-ce que ton expérience de journaliste te permet d’avoir un autre regard sur ta musique ?

SBB : Je sais mieux quoi dire, objectivement, parce que j’ai interviewé pas mal de gens. Je sais à peu près ce qui peut être demandé et comment utiliser le temps qu’on me donne. En sachant ce qu’on peut me demander, je me sens beaucoup plus libre de raconter des choses. J’ai eu tellement d’interviews passionnantes avec des gens qui m’ont raconté des histoires soit personnelles, soit des détails, soit des anecdotes et j’ai eu aussi des interviews nulles où les gens me disaient un discours tout rôdé. Je sais là où je peux aller en fait. J’essaie de ne pas faire de réponses trop longues, même si je n’y arrive pas trop, parce que je sais la tannée que c’est à retranscrire…

LVP : Est-ce que tu as un coup de coeur musical/artistique en ce moment ?

SBB : J’écoute beaucoup l’album Cœur de Clara Luciani, qui est très bien. Il y a aussi l’album, que j’écoute énormément, d’Olivia RodrigoSour, mais la vraie révélation du moment c’est Room with a View de Rone. Je ne suis pas trop habituée aux musiques électroniques et pourtant quand j’ai un coup de cœur comme ça sur quelque chose qui n’est pas chanté, c’est vraiment un très gros coup de cœur. En plus, en ce moment j’ai mille choses dans la tête donc j’ai pas mal besoin d’être au calme et je peux l’écouter tout le temps, en lisant un livre ou juste en marchant et ça me fait du bien parce que ça me repose le cerveau.


@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@