Bleu Toucan : “On est sur un truc purement poétique, naïf, à la recherche d’émotions”
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Auteur·ice : Charles Gallet
02/04/2019

Bleu Toucan : “On est sur un truc purement poétique, naïf, à la recherche d’émotions”

Focus aujourd’hui sur un duo attachant puisant son inspiration dans ses rêves d’enfant pour procurer au public les émotions les plus positives. À travers une pop sucrée et délicate à première vue, les deux Français peuvent nous entraîner en live vers des états seconds particulièrement plaisants. Bienvenue à Toucanopolis.

LVP : Pour commencer, pouvez-vous décrire de manière chronologique l’évolution du projet Bleu Toucan depuis le début jusqu’à aujourd’hui ?
Léo : Le projet a commencé en 2014, par mail, car on n’habitait pas au même endroit. Moi j’habitais à Pau dans le sud-ouest et Manu habitait à Barcelone. Je lui avais envoyé quelques intrus et il avait chanté dessus, c’est comme ça qu’est né le premier EP Salade de fruits.

LVP : Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Manu : On avait chacun un groupe différent de notre côté. Et on s’est retrouvés à partager un plateau un soir. Et comme on s’est bien aimés, comme on a bien aimé la musique l’un de l’autre, un jour Léo m’a appelé et il m’a dit : « vas-y on fait un truc ensemble ».

LVP : C’était quelle soirée, vous vous souvenez ?
Manu : En fait on était dans le même concours des Inrocks Lab, en 2013 je crois. On s’était découverts à distance car t’écoute les autres projets en ligne. Et il y a un mec que l’on connaît tous les deux qui a voulu nous faire partager un plateau, juste parce qu’il aimait bien les deux univers. Ensuite Léo m’a dit “tu te souviens on avait joué ensemble”, il m’a demandé si ça me disait de poser des voix sur ses sons, il m’envoie un mail, le soir je lui renvoie un mail en lui disant « regarde je t’ai fait ça », le lendemain on recommençait et au bout de 4 jours on avait un EP, sans s’être quasiment jamais vus.

LVP : Depuis ce temps-là j’ai l’impression d’une continuité. Quelles étapes vous identifiez ensuite ?
Manu : Il y a eu le premier concert, c’était la première fois que l’on se voyait vraiment. On a loué un petit studio de répét’ à Bordeaux…
Léo : Mais attends, d’abord on avait répété chez tes parents dans le salon, avec des écouteurs d’Iphone (rires), les synthés sur les genoux ! Et moi je dirai qu’on a fait un premier petit concert, je crois que c’était au Panic Room, un espèce de bar/boîte dans le 11e, et le deuxième concert on était partis à Londres, on avait fait un concert dans un hôtel, et un autre concert au Playboy Club, à Londres également. C’était improbable, car on ne se connaissait pas, et on a passé cinq jours ensemble, à faire des concerts à Londres. C’est là aussi qu’on a rencontré Antoine Hennault, qui après nous a suivis, qui a fait pas mal de photos pour nous, et qui a plus récemment fait la cover de Parcels. Ça je crois que c’était aussi une étape importante.

LVP : Et avec Profil de Face, ça s’est mis en place directement ou il y a eu un temps de latence entre vos débuts et ce label ?
Léo : D’abord on a enregistré nos morceaux, et on a démarché ensuite sur Internet, avec Soundcloud, car à l’époque ça marchait encore. On a donc démarché des petits labels, comme Profil de Face – à l’époque c’était une association, c’était Paul qui avait monté ça avec Simon, son frère. Et je pense les deux projets se sont construits un peu en parallèle.

LVP : Vous n’étiez pas leur premier projet…
Léo : Non sur le label il y avait Moi Je puis après il y a eu Février, Cri d’Amour, Vendredi Sur Mer, Lewis Ofman… Il y eu aussi notre EP Origami qui représente une étape importante…
Manu : Et là on va sortir le prochain EP avant l’été et l’album début 2020.

LVP : Ce sera votre premier album. On peut savoir un petit peu à quoi il ressemblera ?
Manu : Je pense que la direction que l’on prend, mais c’est personnel et je peux me tromper, c’est que c’est un album qui reste dans la musique pop-électronique, mais j’ai l’impression que dans ce qu’on est en train de travailler, on y met pas mal de groove, un truc qui bounce, qui donne envie de bouger l’épaule, juste une, comme ça, un peu. (rires).
Léo : Avec toujours une certaine nonchalance quand même, quelque chose de sensuel, d’aérien.
Manu : j’allais dire quelque chose de plus lourd, j’ai l’impression qu’on appuie plus sur les temps, avec un beat plus massif, sans être su tout putassier.
Léo : Et avec l’album, on peut se permettre des morceaux peut-être parfois un peu plus instrumentaux, ça laisse plus de liberté qu’un EP.
Manu : on s’interdit pas de faire un morceau de huit minutes au milieu, tout est permis dans un album.
Léo : Et un peu à l’ancienne, comme sur les vinyles à l’époque quand t’achetais un album où t’avais une intro, l’interlude, l’outro, nous on aimait bien ça.
Manu : Et la chanson cachée.
Léo : On aime que ça te raconte une histoire, qu’il y ait du relief. L’album, ça va être le moyen pour nous de nous faire plaisir.

LVP : On sent une certaine cohérence, un style bien défini, qui progresse d’années en années. De quelles influences partiez-vous à l’origine ?
Léo : On a écouté tellement de musiques différentes. Manu, lui, a beaucoup écouté de jazz, moi c’est pas trop une musique que j’ai écoutée, j’étais plus branché hip-hop quand j’étais jeune. On se complète assez en fait et on peut écouter des vieux trucs comme des choses plus modernes.

LVP : Vous avez des noms ?
Manu : On peut citer des noms oui. Moi les trucs qui m’inspirent c’est pas très original mais je reviens toujours à Mickaël Jackson, Prince, même un peu Jamiroquai à ses débuts. Plus proche d’aujourd’hui je peux citer Metronomy, Phoenix, et dans des trucs vraiment actuels : Benny Sings, qui pour moi a sorti l’album de l’année, en attendant le nôtre (rires).

LVP : Punchline !
Manu : Haha, merci. Et puis je sais pas des mecs comme DeMarco…
Léo : Moi j’adore Mac Demarco, Connan Mockasin

LVP : Donc toi Léo tu es un peu plus dans la musique actuelle, « avant-gardiste », et toi Manu plus dans les classiques, ou est-ce caricatural de présenter les choses comme ça ?
Léo : Non, moi j’écoutais énormément de hip-hop américain, j’étais méga fan par de Nate Dogg, de Snoop Dogg, de toute cette vague West Coast, après j’adore Paolo Conte aussi.

LVP : Oui donc vous êtes assez hétéroclites tous les deux.
Léo : Après, Sebastien Tellier c’est quand même l’artiste qui m’a donné envie de faire de la musique. Moi quand j’ai écouté ses morceaux je me suis dit « je veux faire ça en fait ».

LVP : Avec un morceau en particulier, un clip, un moment ?
Léo : Avec La Ritournelle. Ce morceau, c’est mon morceau préféré. À chaque fois il me procure la même émotion quand je l’écoute, il y a je sais pas une sorte de… nostalgie heureuse dedans. Ce morceau me ramène en enfance alors que je ne l’ai pas découvert quand j’étais enfant. Et après il y a eu son album Sexuality. En fait quand j’écoute ses morceaux, ce que je ressens… J’ai envie que les gens ressentent ça aussi quant ils écoutent ma musique. Cette espèce de bien-être et ce côté un peu enfantin dans sa musique, et naïf, dans le bons sens du terme. Je trouve ça beau.

LVP : Justement je vous questionnais sur vos influences à l’origine. À contrario, comment définiriez-vous votre musique aujourd’hui ? Peut-être d’une part pour la presse, parce que j’imagine qu’il y a des codes, un langage particulier, et d’autre part plus pour vos potes ou entre vous ?
Manu : Pour moi c’est une des plus difficiles questions en fait.

LVP : Est-ce qu’on a besoin de le faire déjà ?
Manu : On a besoin de le faire car comme tu dis il y a des codes, et on nous le demande souvent, donc ça veut bien dire qu’il y a un besoin. Les gens ont besoin que tu te classes toi-même dans une case.
Léo : Sans parler de style, pour moi, c’est essayer de créer un retour en enfance, de créer une musique un peu nostalgique mais heureuse, un peu naïve. Je trouve qu’être enfant c’est beau en fait, t’as pas de problèmes, ou tes problèmes c’est de savoir à quelle heure tu vas manger, ou à quelle heure tu vas aller jouer avec les copains. Alors c’est un peu cliché, mais c’est être hors du temps et hors de la réalité, comme dans une sorte de petite bulle, soyeuse, moelleuse, et bienveillante…

LVP : Ce qu’on ressent un peu en parlant avec vous, c’est marrant (sourires). On se sent bien. Vous instaurez ce climat-là naturellement.
Léo : Ah ben c’est gentil. En fait, on n’essaie même pas de faire un truc pour.
Manu : On fera jamais de la musique à texte, des musiques qui racontent des histoires vraies, qui parlent de politique, ou engagées. On est sur un truc purement poétique, naïf comme dit Léo, à la recherche de joie ou d’émotions, ou au pire de « nostalgie joyeuse », mais… on a tous suffisamment de galères dans la vie pour en plus en rajouter avec la musique. J’aime bien les gens qui font des musiques tristes, mais nous c’est pas le but. On en écoute en plus, mais nous quand on fait de la musique on veut que ça nous procure des émotions positives et avec Manu, on est vraiment des amis et ça doit rester ça pour nous, juste un cocon dans lequel on se sent bien.

LVP : Et ce cocon-là, dans lequel vous vous sentez bien, c’est la cas uniquement quand vous vous produisez en live, ou c’est également quand vous répétez, quand vous réfléchissez, quand vous avez des moments comme aujourd’hui un peu plus de « promotion » ? Est-ce que c’est le kif total ?
Léo : Oui moi je pense que c’est à chaque fois qu’on est ensemble. On a vraiment une relation un peu « fraternelle », et puis on essaie d’avoir ce truc-là avec les gens avec qui on bosse, je pense à notre ingé son qui est un gros déconneur aussi, enfin qui est très pro, mais voilà avec qui on se marre bien. Avec notre label aussi on se marre bien, enfin je veux dire on essaie de faire en sorte que ce soit un plaisir tout le temps, même si on le fait professionnellement. Après il y a toujours des moments relou hein, les lundi sont pas plus marrants chez les musiciens que chez les autres.

LVP : On pourrait le croire.
Manu : Ben non, c’est chiant les lundis (sourires).
Léo : Mais comme ce soir on va se faire un resto géorgien avec Manu, sa femme, ma copine et moi. On est vraiment des amis dans la vie, c’est toujours un plaisir de se voir, comme là avant que t’arrive on discutait de ce qu’on allait changer sur le live.

LVP : Vous disiez que vous vous entourez de gens cool dans le travail, et moi je voulais aborder l’univers visuel, qui à mon sens est très travaillé, très en phase avec ce que vous produisez musicalement. Quelle importance apportez-vous à cet aspect et pourquoi ? Avez-vous l’habitude de travailler avec des gens que vous connaissez ou cela donne lieu à de nouvelles rencontres (artistiques et/ou humaines) ?
Manu : Les shootings qu’on a fait par exemple avec Antoine Hennault, qu’on avait rencontré à Londres, et qui est vraiment un très bon photographe, très ingénieux, malin… c’est un futé quoi ! Avec un appareil jetable il te fait la photo de ton album. Donc ça c’était super. La meuf qui a fait la cover de notre dernier album était talentueuse et en plus très gentille, assez incroyable, on s’est marrés toute la journée.
Léo : Je ne sais pas si l’on a de la chance mais c’est vrai à chaque fois on rencontre des gens qui sont enjoués, qui sont heureux…

LVP : Comment vous vous y prenez pour vos collaborations ?
Léo : Ben Antoine c’est toi (Manu).
Manu : C’est Léo qui a entretenu la flamme, qui l’a relancé…
Léo : En fait il nous avait vus quand on avait fait ce live dans l’hôtel. Il était venu nous voir à la fin du live et nous avait dit tout simplement “les gars est-ce-que ça vous dit que je vous prenne en photo dans Hyde Park ?” On lui a dit « vas-y » du coup on y est allé, il est venu avec une copine à lui, des fringues qu’il avait acheté à Emmaüs… En fait, c’est toujours un peu bricolé, c’est pour ça que c’est bizarre que tu dises que c’est travaillé, car c’est souvent un peu « à l’arrache ».

Sarah Balhadère

LVP : Oui c’est l’impression que ça donne, enfin réfléchi, pensé, cohérent. Après je n’ai pas regardé tout ce que vous avez fait bien sûr.
Manu : Avant on était plus sur du « graphique dessin ».. Ma femme je l’ai rencontrée car elle avait fait la cover d’un de nos titres, qui est sur Soundcloud, qui s’appelle L.A. Mon couple est un produit Bleu Toucan. Mais il y a d’autres gens qui ont fait des cover : il y a Elise Malpel, qui a fait deux cover pour nous, Origami et Matin à Toucanopolis, avec un univers graphique bien cool.

LVP : Et en quoi c’est important pour vous cet aspect visuel ?
Manu : Parce que moi j’ai l’impression qu’on considère, sans aucune prétention, qu’on fait de la « musique poétique », on essaie de faire en sorte que l’image soit poétique aussi. Alors c’est pas toujours réussi, tout n’est pas canon tout le temps, mais ça cherche au moins à être hors du réel, on fait pas des photos de… voitures (rires), je dis n’importe quoi mais…. encore qu’on pourrait d’ailleurs (sourires).

LVP : Une Cadillac.
Léo : En fait on cherche la beauté dans le Monde, enfin ce que nous on trouve beau quoi. Des choses qu’on trouve belles. Les femmes les paysages…

LVP : Les hommes aussi, très sensuels dans certains de vos clips…
Manu : Euh… ouais c’est vrai.
Léo : Oui de montrer les choses belles qui nous entourent. Des fois des choses hyper simples, des fois des trucs plus recherchés.
Manu : Ça peut être un ravioli hein (rires), ou une poignée de spaghettis, si elle est belle.

LVP : Ça me fait penser au clip, qui a dépassé les deux millions de vue, Hanoï Café. Une belle réussite… Comment vous en parlez entre vous, avec du recul ?
Manu : Ben d’abord sa réussite niveau chiffre est cool ! C’est cool qu’il ait touché autant de gens, le commentaires sont cool, quand tu regardes Youtube, les commentaires tu déroules t’es content…

LVP : Et il n’y a pas que celui-là où il y a des commentaires de fans, internationaux, qui vous poussent, qui parlent de votre musique comme une musique française de qualité.
Léo : Ça fait plaisir, franchement c’est trop gentil.
Manu : Je l’aime beaucoup ce clip mais il y a un autre clip dont je suis encore plus fier, c’est celui de Matin à Toucanopolis, je sais pas si tu l’as vu, avec la meuf qui sort de l’eau. J’en parlais ce matin à Léo… Je trouve que c’est une réussite. Je les aime tous, j’adore Grama qui a fait les deux autres clips qu’on a fait, qui sont des clips plus ancrés dans le réel, mais là le clip de Matin à Toucanopolis, on dirait un peu un rêve. Il est chelou, il est très beau.
Léo : Après ce qui me plaît, c’est que nous on essaie d’être sincère, et j’ai l’impression que les clips ils ont peut-être un peu aussi retranscrit ça, parce qu’on l’a fait avec nos amis, les gens dedans c’est nos potes. Alors c’est pas forcément des top model ou des trucs comme ça, mais nous ça nous représente et que peut-être que les gens reconnaissent la sincérité aussi là-dedans.

LVP : Vous imaginiez une telle diffusion ?
Léo : Non.
Manu : …Non.

LVP : Je t’ai vu hésiter (rires).
Manu : (rires) Non non pas du tout. Mais ce qui fait vachement plaisir et ça on n’y est pas encore trop confrontés, on commence un peu, c’est l’aspect international. Il y a beaucoup de gens qui mettent des commentaires comme tu dis, du Mexique, du Japon, de Corée. J’ai pas les stats mais je crois que sur Spotify on est pas mal écoutés dans quelques pays, et ça c’est sympa, très excitant, mais après est-ce qu’il y a une porte qui va s’ouvrir en matière de live. Là on est allés un peu en Italie, on va peut-être aller en Israël. Si il y des trucs qui s’ouvrent de ce côté-là, c’est encore plus gratifiant que d’avoir un succès très restreint géographiquement.

LVP : Est-ce que vous avez l’impression de vous inscrire dans un paysage musical particulier et si oui lequel ?
Léo : Ouais. Je sais pas peut-être dans cette vague un peu « pop française »…

LVP : Avec Paradis…
Léo : Ouais voilà, on fait de la musique avec des ordinateurs, pour plein de raisons : parce que c’est un outil qu’on maîtrise, et parce que surtout c’est pas cher en fait. Tout le monde a un ordinateur, un clavier midi ça coûte… Moi le mien, le premier que j’ai eu il coûtait cinq euros. Et donc on fait de la musique comme on joue un FIFA, c’est fun, c’est pas cher c’est hyper accessible, et donc il y cette démocratisation de la musique, on est dans ce courant-là.
Manu : avec effectivement plein de français, un peu en dessous ou un peu au dessus de nous, et qui sont tous hyper bons, donc il y a un gros pool de gens talentueux. Et moi je cherche pas ça forcément mais j’imagine qu’on est un peu identifiés comme appartenant à cette famille-là.

LVP : Et est-ce que cela se ressent au niveau des premières parties ?
Manu : Oui, par exemple on a eu une proposition de première partie par Yelle qui ne s’est pas faite finalement, mais ça donne un peu une idée.
Léo : Demain on fait un concert avec Bon Entendeur et Macadam Crocodile. Cet après-midi on a enregistré un morceau avec un pote à nous, Nicolas Lockhart. Et lui partait répéter avec Pépite. Donc on était là, dans le même appart, tous les cinq. Du coup on se côtoie, tout le monde se connaît, sans qu’on se soit forcément rencontrés.
Manu : Toi (en regardant Léo) tu chattes avec Voyou, vous vous êtes jamais rencontrés mais vous êtes potes sur Instagram.
Léo : Il est hyper cool. En fait, on a tous plus ou moins le même âge, du coup on a tous connu les mêmes trucs, on parle de foot, on est de la même génération, ça crée des liens.

LVP : Et est-ce qu’Internet y est pour quelques chose ? On a l’impression d’une énorme proximité entre les artistes actuellement, c’est Instagram c’est Facebook, c’est tous ces réseaux où on est à un clic les uns des autres.
Manu : Oui c’est ça et par exemple Voyou, j’ai l’impression que c’est un bon gars, sa musique est trop cool, lui au départ, vous avez dû échanger une connerie sur une photo…
Léo : Il avait fait un montage de lui en footballeur des années 90, moi ça m’a fait marrer direct, et tu interagis hyper rapidement, en un clic, et après tu entames une conversation. Donc ça crée une proximité directe, et vu qu’on se connaît sans se connaître, via la musique qu’on fait, et qu’on est dans la même veine, c’est hyper facile et rapide d’échanger.

LVP : Ces derniers temps avez-vous eu des énormes coups de cœur, et pas que musicaux ?
Manu : Moi je t’ai déjà dit, l’album de Benny Sings. Je suis complètement fan, un peu trop peut-être, mais je le trouve hyper intelligent.

LVP : Tu peux détailler un peu ?
Manu : Je trouve que c’est une musique délicatement sophistiquée, un excellent musicien, avec un bon groove, et de la musique pas prétentieuse, je sais pas comment dire, il faut l’écouter, j’adore quoi. Connan Mockasin, depuis 2-3 ans. Je l’ai vu en concert il y a 4-5 mois, exceptionnel. Au Café de la Danse. Infinite Bisous, dans le même style, super concert. Et en dehors de la musique, il y a une série que j’aime beaucoup en ce moment, c’est Master of None. Ça raconte la vie d’un trentenaire à New York, c’est un peu à la Woody Allen, il se passe rien mais c’est intelligent. Je suis assez admiratif de ce travail-là. Je regretterai sans doute d’avoir cité ça car j’aurai de meilleures idées dans une demi-heure mais voilà (sourires).
Léo : Musicalement, les claques que j’ai pris c’est comme Manu, Connan Mockasin. Moi ce que j’adore c’est son impertinence, c’est un mec j’ai l’impression qui a zéro limite, je trouve que c’est ça qui est intéressant dans les arts en général. Sa façon de chanter, j’adore. On dirait qu’il s’en fout. Je trouve ça super, même ses clips. Son groupe Soft Hair, qu’il a monté avec L.A Priest, le clip qu’il a sorti avec lui, où ils font n’importe quoi dans une douche pendant trois minutes trente c’est juste génial, t’es mort de rire, moi j’adore ça.
Manu : Et tout en étant pas que gag quoi.

LVP : C’est très poétique.
Léo : C’est hyper poétique, c’est bonne humeur, c’est tout ce que j’adore. Puis cette recherche de sonorités… En fait, ce que je trouve intéressant dans cette vague, avec Mac Demarco, Infinite Bisous et tout, c’est d’utiliser des instruments électroniques et électriques, et d’y insuffler de la vie, en « détunant », en rendant les notes un peu fausses, ça c’est génial en fait. D’amener la vie, dans un instrument, totalement… fake. C’est pas une guitare sèche où tu peux te louper. T’appuies sur une touche de piano ça rend toujours juste, eh bien d’aller chercher ça, cette innovation-là, je trouve ça génial.
Manu : Il y a un mec que je me permets de rajouter et qui matche bien avec ce que tu viens de dire c’est Jakob Ogawa, qui est assez connu en Californie mais pas du tout ici. Il a des compos exceptionnelles.
Léo : Après c’est pas parce que c’est un pote à nous mais Lewis Ofman. Déjà d’une c’est un mec super gentil, un mec en or, et en plus il a une super musique, une signature.
Manu : Très talentueux. Et il a ce côté impertinent dans sa façon de chanter aussi. Un petit côté légèrement déconnant mais juste ce qu’il faut.

LVP : Dernière question. Je ne savais pas si j’allais vous la poser mais j’y vais. Vous parlez souvent d’un nouveau monde Toucanpolis, ou Toucanopolis, où vous aimeriez déménager pour ne rien faire, pour ne pas travailler. Est-ce que vous voulez dire par là que le monde dans lequel vous vivez ne vous convient pas ?
Léo : Moi ça ne me convient pas de travailler en fait. Je trouve ça contre-nature. Je sais que c’est horrible de dire ça et que c’est hyper mal vu, mais j’ai fait plein de boulots dans ma vie, des petits boulots, des boulots où j’avais des responsabilités, des boulots qui étaient la suite logique de mes études, je me suis jamais senti à ma place, j’ai toujours eu l’impression d’être un imposteur, et de perdre mon temps, de perdre l’essentiel de ce qu’est la vie, et pour moi ça a toujours été une source de frustration de travailler.
Manu : oui je suis assez d’accord. Moi je dirai que c’est un monde qui ne me convient pas mais…
Léo : Moi je dis pas que c’est un monde qui me convient pas mais je trouve que le temps que l’on passe au travail, c’est indécent.
Manu : Et juste le stress de devoir gagner de l’argent. Mais moi je suis comme tout le monde, j’adore avoir du pognon, et si j’en ai je le dépense, mais ce stress, ce besoin, le “à quel moment ça s’arrête”, et “pourquoi on va m’en donner le mois prochain”, c’est un truc un peu flippant. Parfois je rêve – alors c’est pas forcément Toucanopolis – mais je rêve d’une petite maison de campagne avec un potager, je le ferai surement jamais mais…
Léo : Après ce n’est pas une critique de la société, il y a plein de gens qui se sentent heureux car ils sont épanouis dans ce qu’ils font, mais moi je me suis jamais senti épanoui ni à ma place dans un boulot, j’ai toujours eu l’impression de perdre mon temps…

LVP : Et tu envisages la musique possiblement comme un travail ?
Léo : C’est un besoin.

LVP : Comme respirer.
Léo : Voilà. C’est un peu ça.

Bleu Toucan sera en concert ce mercredi 3 avril à la Maroquinerie, (avec Ramo en première partie), le 16 du même mois au Printemps de Bourge et le 11 juin aux Arènes de Lunel avec Synapson et Joris Delacroix.

Interview : Yinn Grab pour La Vague Parallèle