Plus qu’un festival, la Fête de l’Humanité est avant tout une fête populaire, qui appartient à celles et ceux qui la font vivre. Alors, à l’occasion de la 84e édition de l’événement, les 13, 14 et 15 septembre dernier, on est parti à la rencontre des quelques centaines de milliers de personnes, curieux, militants, passionnés de musique ou fêtards, jeunes et moins jeunes, pour cueillir et partager avec eux les souvenirs de leur Fête de l’Humanité.
En cette fin de journée du dimanche 15 septembre, le soleil tombe doucement sur le parc départemental Georges-Valbon. Il fait encore chaud sur le camping, et les quelques tentes qui ont survécu à ces trois jours de fête témoignent çà et là de l’heureux tumulte qui agitait la Courneuve quelques heures auparavant. Pourtant, le temps n’est pas encore à la nostalgie, loin de là. À bien y regarder, les derniers éclats de rire, les tendres accolades et les sourires qui illuminent les visages ressemblent d’ailleurs à des promesses de retrouvailles plutôt qu’à de tristes au revoir. La musique se fait toujours entendre au loin, entre les claquements du matériel qu’on range et le bruit des stands qui plient boutique. Peu importe la formule, sur toutes les lèvres, l’idée est la même : on se reverra l’année prochaine.
Tout en essuyant son comptoir, Thomas nous le dit, et il en est certain : “Je suis venu plus d’une dizaine de fois, ça c’est sûr. Mais ce n’est pas tellement ça qui importe. L’essentiel, c’est qu’on sait déjà qu’on sera là l’année prochaine, quoi qu’il arrive. Et on n’a pas besoin de le dire aux copains et aux copines, ils seront là aussi”.
On doit bien l’admettre : on ressent nous aussi cet attachement profond, presqu’inexplicable pour la Fête de l’Humanité. Et ce qui est intéressant, c’est qu’il naît en chacune et chacun d’entre nous pour des raisons tout à fait différentes. À vrai dire, la Fête de l’Humanité est l’un des rares festivals qui propose une expérience aussi complète, et dont tout l’attrait ne repose pas sur la seule programmation musicale. Peut-être parce qu’elle n’est pas vraiment un festival. Peut-être également parce que les quelques centaines de milliers viennent y trouver un refuge singulier, une parenthèse pleine d’amour et de chaleur. C’est l’avis de Théo, dont les yeux bleus pétillent lorsqu’on lui demande pourquoi il est venu cette année : “la Fête de l’Huma, c’est une petite bulle en dehors du monde réel, dans laquelle tout le monde est trop cool. On voudrait que le monde entier soit comme ça !”.
Rencontrée sur le camping, Hélène confirme : “la première fois que je suis venue, je n’ai pas vu un seul concert. J’ai passé le week-end à naviguer entre les stands, à boire, à manger et à discuter avec des gens originaires de toute la France”. La Fête de l’Humanité, c’est avant tout cette extraordinaire diversité, réunie en région parisienne une fois dans l’année. Ce sont ces stands de toutes les régions de France et même d’autres pays, sur lesquels on est reçu comme à la maison, autour d’un plat local, d’une boisson originale et d’un sourire grand comme ça. Ce sont aussi ces débats, qui réunissent intellectuels, artistes, personnalités politiques, élus et grand public autour des problématiques de demain, et dont les discordes (même plus tenaces) trouvent toutes leur résolution autour d’un verre. Danièle, 71 ans, vibre pour ces moments uniques : “si je viens ici, c’est surtout pour vous rencontrer vous, les plus jeunes. D’abord parce qu’on n’a pas forcément l’occasion de le faire ailleurs, et puis aussi parce qu’on compte beaucoup sur vous pour l’avenir !”.
C’est cette infinité de possibilités qu’apprécie particulièrement Laure, qui a déjà participé plusieurs fois à l’événement : “ce qui est intéressant, c’est que tu peux vivre ces trois jours de plusieurs manières : tu peux passer ton week-end à débattre sur les différents stands, à assister à des conférences ou à discuter, et tu peux aussi passer ton week-end sans parler une seule fois de politique, en profitant juste de la musique”.
Bien sûr, on aurait pu parler de l’hommage vibrant rendu à Victor Jara par Michelle Blades, de la prestation dantesque livrée par Shaka Ponk ou des fous rires provoqués par l’inévitable Didier Super, mais ce serait passer à côté de ce qui fait l’essence de l’une des plus grandes manifestations populaires d’Europe.
Dans un contexte de crispation politique et sociale qui pousse bien souvent à adopter la méfiance pour habitude, la Fête de l’Humanité représente un espace d’une liberté et d’une bienveillance absolue, au sein duquel les barrières entre les personnes tombent et font de chaque visage inconnu une belle rencontre potentielle. Elle est aussi le lieu de tous les possibles et des plus beaux futurs, ceux que l’on construit à plusieurs, main dans la main, en regardant dans la même direction.
Le seul bémol de cette édition 2019, c’est Jeanne qui en parle le mieux, se faisant l’écho des nombreuses voix qui s’élevaient à droite et à gauche : “cette année, on a énormément parlé du climat sur la Fête de l’Huma, et je trouve ça dommage de voir autant de plastique sur le site. Je sais qu’il est difficile pour une telle organisation de se mettre au diapason, mais il faudrait vraiment restreindre au maximum l’usage du plastique pendant tout le week-end”.
Alors, pour que la Fête soit plus belle encore, on vous donne rendez-vous l’année prochaine, avec autant d’amour, d’ouverture, d’espoir, et moins de… Plastique !
Crédits photos :
Photo de couverture : © Guillaume Collanges
Photo 1 : © Mathieu Cugnot / Divergence
Photo 2 : © Marylene Eytier
Pratiquant assidu du headbang nonchalant en milieu festif. Je dégaine mon stylo entre deux mouvements de tête.