Venna : suivez son premier concert (sold out) à Paris
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Auteur·ice : Marthe Rousseau
15/04/2024

Venna : suivez son premier concert (sold out) à Paris

| Photos : Camille Aguilar

Ambiance jazz et vaporeuse au Café de la danse le 21 mars dernier. Sur scène, pour la première fois à Paris, le saxophoniste et producteur londonien Venna nous offre un moment suspendu.

Avant de vous décrire ce concert hors du temps, quelques mots sur ce prodige qui a décroché un Grammy à seulement 21 ans. Il commence à apprendre la musique dès 6 ans, encouragé par sa mère, qui l’incite à suivre des cours de piano. Mais c’est à 12 ans qu’il éprouve véritablement un choc esthétique : il découvre le saxophone, qu’il ne lâchera plus ensuite. Sur ses EP VENOLOGY (2021), et EQUINOX (2023), Venna mêle habilement mélodies jazz, électro, inspirations hip-hop ou sonorités orientales. Certains l’ont peut-être déjà vu aux côtés du batteur londonien Yussef Dayes : le saxo de Venna accompagne son premier album solo Black Classical Music (2023). La même année, Malik Venner de son vrai nom produit des titres pour les rappeurs MIKE, Mick Jenkins, et Skiifall ou pour le trio hip-hop Planet Giza.

Rien d’étonnant, donc, que le public parisien se soit déplacé en nombre ce soir-là. Tellement que le Café de la danse affiche complet. Dans la fosse, on sent les bonnes ondes des spectateur·ices. Sur scène, les quatre musiciens de Venna jouent la partition d’Aroma, illuminés par des projos jaune-orangés. Le saxophoniste arrive ensuite sur scène, salué par la foule. Lunettes de soleil, bonnet sur la tête, pull en laine vintage, et baggy swaggy, Venna impose son style décontracté.

Concert de Venna, Café de la danse, Paris © Camille Aguilar

Après ce premier morceau, il s’adresse au public et interpelle les spectateurs d’un « Wesh » auquel ils lui répondent avec humour. Venna partage sa joie de jouer pour la première fois à Paris. On sent l’émotion dans la salle. Le claviériste enchaîne avec le titre Casa Lopez sur lequel les rappeurs Masego et Mick Jenkins, absents ce soir, prêtent habituellement leurs voix. Mais qu’importe, le public jubile lorsqu’il en reconnaît les accords. Et finalement, on oublie la version studio et on se délecte de la virtuosité de chaque musicien, complètement investi dans son jeu.

On la ressent d’autant plus sur le morceau suivant, The Last Poets. Le batterie ouvre le bal, d’un rythme rapide, suivi d’une basse langoureuse. Les lumières jaunes virent au violet. On se laisse doucement bercer. Puis Venna fait résonner son saxo, et nous réchauffe le corps. Volupté. Le quintet maîtrise parfaitement le set et nous offre des solos impressionnants, notamment au clavier, ou à la batterie, de plus en plus frénétique. C’est entêtant et grisant. Puis le morceau se termine. Le public reste bouche bée. L’air est moite. Seul le bruit d’un ventilateur rompt le silence qui s’est installé dans la salle. On attend la suite, suspendu·es aux lèvres et aux mains des musiciens.

Au fur et à mesure du concert, le rythme nous gagne et notre corps se balance d’une jambe à l’autre, d’avant en arrière, sans même que l’on s’en rende compte. Le tempo s’accélère. Sur les coups de 21h30, on se croirait en plein cœur d’une nuit torride dans les rues de Rio. Bossa nova. Puis les musiciens ralentissent la cadence. Venna souffle une dernière fois dans le bec de son instrument, tel un chant qui vous transperce l’âme, accompagné des envolées robotiques du claviériste à la Jean-Michel Jarre.

© Camille Aguilar

© Camille Aguilar

Le concert, jusqu’ici 100 % instrumental accueille une première et unique voix. Venna invite la chanteuse JADA à le rejoindre sur scène. Le public s’enthousiasme de cette invitée surprise. On chantonne le refrain du sensuel titre R’n’B Tam Tam. Une ode au self-estime. JADA affirme son indépendance : elle ne veut pas aimer si l’autre n’est pas sincère et investi. Un dialogue s’installe entre la chanteuse et Venna qui lui répond en soufflant dans son instrument.

« My love don’t depend on
If you ain’t hands on
I would prefer you were straight up
Turning friends into strangers »

Plus tard, on s’imagine dans un bar jazz dans lequel les musiciens improvisent sur scène. Chacun montre l’étendue de ses talents. Batterie, guitare, basse, clavier, saxo… Le visage concentré, les mains d’une agilité folle, et le corps chaloupant. Et du chaos apparent s’échappe une certaine magie. On saisit l’unicité de ce moment. Applaudissements. « Incroyable ! », lance une femme dans le public.

© Camille Aguilar

Les musiciens finissent par le titre à succès Sicily’ box aux 4 millions d’écoutes sur Spotify. En témoigne la réaction immédiate des spectateurs qui brandissent leurs téléphones pour alimenter leurs « stories » Insta. La scène est éclairée de teintes orangées, qui nous transportent dans un pays chaud. On imagine le sable volant nous fouetter le visage. Les éléments se transforment : la basse en contrebasse. La guitare prend des airs d’Orient. Le clavier se mue en synthétiseur fou. La batterie est rapide, répétitive, mouvante. Elle nous offre des roulements enivrants. De son côté, Venna impressionne par son jeu complexe et sa nonchalance. Le public l’encourage lorsqu’il fait résonner son saxo en reverb. Les notes cuivrées restent un moment en l’air. Venna nous guide totalement dans son univers.

Le concert se termine, trop tôt à notre goût.

Venna réussit à nous tenir en haleine du début à la fin. On s’abandonne à l’harmonie qui règne entre les musiciens. Ça s’infuse doucement dans nos corps. Une vague chaude, à la fois mélancolique et lumineuse. La sensation de voir jaillir la beauté.

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