Cette leçon de gentille démolition de l’Ancienne Belgique vous est donnée par Yaeji
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Auteur·ice : Caroline Bertolini
22/11/2023

Cette leçon de gentille démolition de l’Ancienne Belgique vous est donnée par Yaeji

| Photos : Daria Miasoedova pour l’Ancienne Belgique

“Make it rain gurl make it rain” ou des mots qu’il nous est impossible de prononcer sans fredonner une mélodie et nous penser, à tort, champion·ne de beatbox. Néanmoins, l’eau a coulé sous les ponts, Yaeji a depuis fait son chemin et vient de sortir son premier album, With A Hammer. C’est donc avec une attitude mi-bulldozer mi-meilleure-personne-du-monde que l’artiste s’est produite à l’Ancienne Belgique ce lundi 13 novembre. Inutile de vous dire que son passage a marqué les esprits, tant sur le fond que sur la forme, et nous laisse encore plus convaincu·es que la suite sera grande. 

Il serait peu productif de notre part de vous conter ce concert chanson par chanson. Tout d’abord, parce qu’on s’attendait à vous faire le récit d’un super DJ set au moyen de phrases qui signifient la même chose : “c’était chouette quoi”. Ensuite, car le mot “chouette” n’existait plus dès les premières notes arrivées à nos oreilles et que la soirée du 13 novembre appartient à ces concerts qui nous gâcheraient presque la version studio par sa simple présence. On vous donne donc le concert de Yaeji en 3 catégories :

À l’electro ce que le plot twist serait au cinéma

Il est vrai, nous avions sous-estimé la puissance de ce live et, d’ailleurs, que les cieux nous pardonnent pour cet affront. Pour vous donner une image plutôt, vraiment, très précise, c’était un peu comme la scène d’un blockbuster qui a lieu dans l’espace. Ce moment, où quelques petits vaisseaux (nous) se baladent gentiment dans le continuum et qu’un vaisseau amiral gigantesque (Yaeji) marque son arrivée magistrale via un portail spatio-temporel et qu’on entend un son lourd et intense qui retentit, – un peu celui qu’on retrouve dans IN THE MIRROR 거울. La surprise des personnages se mesure alors à leur silence, un peu comme nous ce soir, finalement.

Si nous nous attendions à retrouver l’artiste devant une table de mix et deux trois jolis visuels, c’est un spectacle unique qui nous a été donné de voir. Sur tout le début du set, la scène est libérée de presque tout objet électronique et analogique, seuls un micro, un écran géant, un marteau et une chaise seront de mise. Chaque chanson est présentée avec son propre visuel passant du dessin, aux vidéos de villes, aux couleurs intenses et même à deux apparitions préenregistrées de Yaeji en gros plan, bref, pas le temps de s’ennuyer. Puisque que ça ne suffit pas, l’ambiance est augmentée de chorégraphies de l’artiste et des deux danseuses qui l’accompagnent, malheureusement réduites à un effectif de une danseuse pour cause de blessure au milieu du show.

| Photos : Daria Miasoedova pour l’Ancienne Belgique

Un concert pour les rassembler tous·tes

Observer le public a constitué notre activité préférée de la soirée (en dehors de nos lasagnes consommées juste avant). Cette audience n’avait absolument aucune idée de comment se comporter sur la plupart des sons passés ce soir. Danser, pas danser, balancer le torse sur des moments presque dubstep ou des hanches sur des moments house ? Le choix fut si difficile que nous avons décidé de ne pas choisir, pour la meilleure cacophonie visuelle de l’année.

Nous nous retrouvions face à un public au tiers Gen Z, tiers musicien·nes et autres mélomanes hardcores et tiers hommes de la cinquantaine (nous aussi, on n’a pas compris). Aux premiers rangs, pour observer le talent de plus près, nous trouvions les aficionados·as de la musique électronique, nerds bruxellois·es et autres sachant·es. Ces personnes-là, aussi, semblaient perplexes quant au spectacle qui se passait sous leurs yeux, non pas sur le fond mais sur la forme qui a très certainement déclenché un court-circuit au sein de leur palais mental. La seule chanson qui les rassemblera tous·tes vers un mouvement coordonné sera le succès raingurl, que l’artiste n’a pas peur d’amener en plein milieu de son set plutôt que de le réserver pour  la fin. La chanson n’ayant pour habitude d’avoir des réfractaires, notre étonnement était inexistant et notre engouement maximal.

Séance de cardio émotionnelle

Il y a une dernière chose dont nous devons parler pour vous transmettre ce premier concert de Yaeji à Bruxelles : la bonté et gentillesse incroyables dont elle fait preuve 1h10 durant, moment pendant lequel nous avons été gratifié·es de sa compagnie. Dès la deuxième chanson, Yaeji prendra un temps considérable pour nous expliquer qu’elle est plutôt introvertie, qu’elle passe beaucoup de temps dans son studio ou dans sa chambre à produire sa musique, mais qu’elle aime parler de la naissance de l’album à ses concerts, elle trouve ça plus “grounding” (ndlr. ancrant) pour tout le monde.

Le marteau animé d’un visage, c’est le symbole de son album, elle nous dit le voir comme une part d’elle. Elle imagine une histoire dans laquelle un blob sort de sa bouche et va dans le marteau, lui donnant ainsi vie. Elle en a d’ailleurs un exemplaire qu’elle utilisera pendant tout le show, tantôt pour mettre en scène la destruction de l’écran derrière, tantôt juste pour danser et jouer avec le public.

On apprendra également à la fin que ce moment a été particulier pour Yaeji. Tout d’abord par la blessure de sa danseuse que ses skills en improvisation ont rendu indétectable. Mais aussi parce qu’elle avait pour habitude d’avoir des appréhensions sur le live et qu’elle adore ça à présent. Elle nous donne de l’énergie, elle en reçoit de notre part et ça lui fait du bien. La moitié de ses chansons sont en coréen et pourtant, la salle est comble, avec beaucoup de personnes qui ne comprennent pas les paroles et qui viennent quand même l’écouter. Il parait que le cœur est un muscle et qu’il faut l’entraîner au possible pour le renforcer, surtout avec tout ce qui se passe en ce moment. Ce soir, notre cœur a fait l’équivalent d’une séance cardio, de pilates et d’escalade en même temps et on ne se plaindra pas d’être fatigué·e par excès d’amour.

| Photos : Daria Miasoedova pour l’Ancienne Belgique


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