Creature Comforts : quand Hydrogen Sea nous dépeint la fragilité du monde
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Auteur·ice : Hugo Payen
10/11/2023

Creature Comforts : quand Hydrogen Sea nous dépeint la fragilité du monde

| Photos : Hugo Payen pour La Vague Parallèle

Trois ans après la sortie de son deuxième album, Hydrogen Sea est de retour avec ses nouvelles histoires, ses nouvelles peurs, ses nouveaux doutes. Sur les compositions hypnotiques et les textes magnifiquement engagés à découvrir sur Creature Comforts, le duo belge nous rouvre avec fougue les portes de son univers éthéré.

Le soleil se couche (trop) tôt, les feuilles mortes jonchent les rues et les pluies automnales sont de retour, le froid avec. Pourtant, cet été, une nième sonnette d’alarme s’est vue résonner à travers le globe. Sans réponse, encore une fois. Alors que la planète voit son état se dégrader face aux gourmandises irrépressibles de l’Homme jour après jour, on se demande s’il reste encore un peu d’espoir ? C’est cette question que se pose une génération entière, laissée malgré elle dans cette croissante impuissance.

Aller puiser ce qu’il reste d’espoir en chaque petite chose du quotidien, telle est la quête que se sont donnés Birsen et Pieter Jan sur Creature Comforts. Car oui, rassurez-vous, de l’espoir, il y en a encore. Cette même génération en est remplie. Autant que ce nouvel album d’ailleurs, venu nous rappeler brillement comment protéger ce qui nous entoure.

Quand tu réalises à quel point l’être humain peut être connecté à toutes les choses qui l’entourent, c’est quelque chose qui te reste en tête et qui mûrit au fil du temps. On a commencé à prêter plus d’attention au monde autour de nous, à observer le ciel, les étoiles mais aussi à toutes les petites choses en dessous de nous. On finit par avoir plus de sensibilité sur le sujet, on réalise à quel point tout peut être si fragile. – Birsen

Cette fragilité, on la retrouve bel et bien à travers les dix titres qui composent ce nouvel opus. Aussi vibrant que luxuriant de sonorités, Creature Comforts explore tout ce qu’Hydrogen Sea fait de mieux depuis ses débuts. Comme à son habitude, le duo questionne ses actions, ses regards sur le monde. Entre la chaleur et la lumière émises par les multiples arrangements et l’obscurité des thèmes abordés, Creature Comforts revêt avec élégance sa part de clair-obscur.

Trouver la lumière dans l’obscurité

Né en 2012 de la fusion amoureuse et musicale entre Birsen et Pieter Jan, Hydrogen Sea ne cesse d’explorer ces thèmes forts de résonance. Entre une expérimentation plus électronique sur son premier album et des arrangements plus organiques et vivants sur Automata, Hydrogen Sea semble avoir trouvé son équilibre sur ce dernier opus. Chose qui semble faire plaisir à Pieter Jan qui s’empresse de nous parler de leur collaboration avec Luuk Cox sur la production de l’album.

Luuk est quelqu’un de tellement talentueux et minutieux. Il en sait tellement, c’est fou. Il m’a guidé pendant tout le processus d’enregistrement mais aussi sur la vision plus globale du projet, ce qui nous a fait beaucoup de bien. Il arrive à réinventer, à embellir les morceaux sans dénaturer, ce qui est rare. – PJ

Le silence de la nuit a toujours été le principal moteur d’écriture du duo. Alors que le monde s’endort, la quiétude qui les entoure envahit les murs de leur petit studio. Imaginez donc toute la créativité qui a pu émaner des confinements à répétitions. Pour la première fois depuis des centaines d’années, la terre tourne au ralenti et miraculeusement, semble guérir de ses plaies. Il n’en fallait pas plus à Hydrogen Sea pour lancer la machine. En peu de temps, Creature Comforts s’est vue prendre forme.

Une manière quasi thérapeutique de contrer cette lente apocalypse se déroulant sous nos yeux impuissants. Comment ? En allant chercher, on l’a dit, tous ces gestes nous procurant un peu de joie, de douceur, de confort. Un confort tant physique que mental, essence même de la dose d’espoir que l’on sera prêt à donner. D’un autre côté, la plume de Birsen vient explorer la place toxique de notre consumérisme constant, à son sens le plus général. Une dualité qui vient apporter son lot d’émotions à ces nouveaux titres que l’on dévore sans difficulté.

Je pense que toutes ces créatures au final sont les choses qui nous permettent d’avoir encore un peu d’espoir alors que le monde brûle. Après, certaines d’entre elles sont toxiques et addictives, c’est sûr. Pourtant, j’aime à penser que c’est ce qui arrive à nous maintenir à flot, peu importe ô combien elles peuvent être petites ou futiles ! Ne serait-ce que le fait de prendre une bouffée d’air frais nous réconforte parfois. C’est ce genre de chose qui nous réconforte le plus et je pense qu’on a perdu notre sensibilité face à toutes ces choses. On ne prête plus attention à ça finalement, c’est passé au second voire troisième plan. – Birsen

Après avoir ouvert ce nouvel album sur l’atmosphérique Ammonite, le duo nous offre notre première dose de soleil et de déhanchement avec son remuant Candy. Au travers de ses mélodies addictives et de son éventail de sonorités flamboyantes, on peut dire que le pari est réussi pour Hydrogen Sea. Une immersion aux contours cinématographiques qui nous ouvre instantanément l’imagination. L’image, seconde passion du groupe depuis des années, refait surface. De par ses études en littérature et cinéma, impossible pour Birsen de ne pas donner d’importance au voyage que sa musique nous procure.

Que ce soit dans mon écriture ou plus dans la composition en elle-même, on essaye de dépeindre une image, un message. On a vite tendance à se laisser transporter déjà nous-même. On essaye constamment de jouer avec les sens et de proposer une esthétique bien particulière, de stimuler les gens autant qu’on arrive à l’être. – Birsen

Plus l’album avance, plus les morceaux rentrent dans nos têtes autant que nos cœurs. Sur Wine, le duo montre sa première part d’ombre, de noirceur. On en parlait, à terme, certains conforts voient leur toxicité déborder. Comme sur le suivant Dragons, qui nous encourage à oser respirer, même quand les flammes et la fumée nous entourent. D’autres conforts méritent que l’on y prête plus attention, pouvant parfois n’être que superficiels.

Tandis que Wolves et Mycelium nous force à écouter avec nos corps, Appalachia nous parle d’amour. Eh oui, que serait l’espoir sans un peu d’amour. Sur l’avant-dernier morceau de l’album, Birsen nous rappelle l’importance de la personne avec qui toute ascension vertigineuse devient, par miracle, beaucoup plus surmontable.

Je pense que l’amour peut être ce vecteur d’espoir, clairement. Pas forcément l’amour d’une relation amoureuse mais à son sens le plus général. L’amour entre nous, l’amour de la nature, l’amour de tout ce qui nous entoure. Pourtant il est présent, mais je pense que notre attention est portée sur d’autres choses. – PJ

En guise de conclusion pleine de sens, Hydrogen Sea nous dévoile son hypnotique Earth. Entre quelques notes de piano survolées d’une production rêveuse, la puissance des mots nous rattrape. « Have you seen the news lately? We’re all restless babies » écrit Birsen. Comment garder espoir dans un monde qui brûle ? Au fond, personne n’a la réponse, pas même les deux amoureux. Une chose est sûre pourtant, tant que l’on prendra conscience de la fragilité des choses qui nous entourent, cet espoir ne sera jamais très loin.

J’aimerais croire que l’espoir est sans limite en réalité. On est en constante agitation et je pense qu’on a besoin d’un peu de repos. Tout va trop vite, tout le temps. On n’a pas le temps de digérer ce qui nous arrive. On a besoin de ralentir les choses. Pendant les confinements, on a pu voir pas mal de choses se ralentir mais en fin de compte, tout est reparti de plus belle. Tout va potentiellement encore plus vite qu’avant ! C’est dur de faire face à toutes ces accélérations sans pouvoir contrôler quoi que ce soit. – Birsen

Dans cette perte de contrôle constante, Hydrogen Sea a voulu stimuler nos sens, nous ramener à l’essentiel. Sur Creature Comforts, le duo belge implore la quiétude et l’écoute. Deux choses à la résonance particulière ces dernières semaines, ces dernières années, mais qui continueront de résonner tant que notre espoir reste sans limite.

Dix morceaux que l’on retrouvera en live ce 22 novembre prochain entre les murs de l’Ancienne Belgique ou en mars prochain du côté d’Anvers et de Leuven. S’ils sont connus pour leurs mises en scènes immersives et touchantes, aucun détail n’a encore fuité quant à l’imaginaire mis en place lors de leurs prochaines dates. Une chose est sûre, quand on leur pose la question, leurs sourires en disent long.

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