Nos concerts préférés du Pitchfork Paris 2023
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Auteur·ice : Rédaction
20/12/2023

Nos concerts préférés du Pitchfork Paris 2023

| Photos : Alice Sevilla et Anne-Clémence Fouin pour La Vague Parallèle · Article co-écrit par Mathias Valverde et Anne-Sophie Rasolo

De la dream pop dans une église à une messe païenne à Pleyel en passant par du rap incendiaire au POP UP!, peu de festivals offrent une programmation aussi riche et éclectique que celle proposée par le Pitchfork du 6 au 12 novembre dernier. Produit par le tourneur Super!, la constellation de lieux où se déroule le festival ajoute à son charme. Le magazine musical américain, célèbre pour sa notation parfois critiquable des dernières sorties musicales, ne limite plus sa programmation au rock indépendant de ses débuts, ni ses salles de concert à des lieux classiques. Chaque année, le Pitchfork rassemble les groupes les plus divers pour proposer une vue d’ensemble des musiques actuelles. La Vague Parallèle était présente pour profiter du foisonnement de groupes plus ou moins connus pendant cette semaine parisienne.

Bar italia @Anne-Clémence Fouin

Le slogan The Most Trusted Voice in Music du magazine impose le respect face à tant d’humilité, mais il faut dire que les Américain·es de Pitchfork ont des arguments pour clamer cela.
Programmer Youth Lagoon, dont le son plein d’échos de ses premiers albums enregistrés dans sa chambre a toujours eu vocation à s’étendre dans un espace plus vaste, à l’Eglise Saint Eustache est un coup de maître. Accompagné de bougies, le chanteur s’est fait plaisir en passant en revue ses anciennes balades et ses sons plus récents.

À la suite de cette première rencontre avec le mystique, Weyes Blood a pris le relais quelques jours plus tard pour envoyer les milliers de spectateur·rices présente·s en orbite.
La soirée avait commencé autour du clavier de Vagabon, artiste new-yorkaise qui a produit déjà trois albums indie-pop ces dernières années. Le disque Sorry I haven’t Called, qu’elle a proposé en 2023, lui a permis de rendre hommage à son meilleur ami récemment décédé qui lui a appris à produire. Concentrée sur la musique qu’elle gère depuis une boîte à rythme sur scène, l’artiste paraissait encore trop préoccupée par ce qu’elle faisait pour créer un lien durable avec le public. Sur quelques envolées dance et grâce à une très belle voix, notamment sur le morceau Lexicon, Vagabon a tout de même su marquer le public de sa patte douce-amère.
Sans s’attendre à grand chose, nous avons repris notre place aux avant-postes pour ne rien louper de Weyes Blood. Il fallait encore passer par le concert d’Ichiko Aoba dont nous ne connaissions rien.
Arrivée en habits traditionnels japonais, elle n’a pas mis plus de quelques secondes pour s’approprier l’attention totale des 2500 personnes devant elle. Répondant au bruit que faisait le déplacement de ses instruments lors de sa mise en place par quelques harmonies, le public tout sourire a pu prendre connaissance d’une voix extraordinaire. Les premières mesures de la folk japonaise d’Ichiko Aoba ont hypnotisé la salle. Entre les sifflements divins servant de décor naturel à sa musique et une voix atteignant de magnifiques harmonies, ce concert était une pure merveille.

Kara Jackson @Alice Sevilla

Weyes Blood est ensuite arrivée pour délivrer un concert exceptionnel. Ce set, mis en place depuis près d’un an pour soutenir la tournée de son album And in The Darkness Hearts Aglow, a ce petit goût suranné qui se mêle parfaitement aux chansons de l’artiste. En arrière-plan de la voix enveloppante de Natalie Mering, les vidéos d’Adam Curtis, génial documentariste anglais, prolongent la méditation entamée durant les premiers concerts. D’autant plus que Weyes Blood, entourée de bougies gothiques commençant par It’s Not Just Me, a déjà emmené son public sur Andromeda. Le tube God Turn Me into a Flower accompagné des images du réalisateur anglais plonge toute la salle dans cette tristesse mélancolique profonde que vise chaque chanson de l’Américaine.
Quel bonheur de suivre Mering dans toutes les phases de sa déjà impressionnante carrière, d’applaudir au moment où son cœur en plastique sous sa robe blanche s’illumine, annonçant la chanson titre de l’album et de fermer les yeux en cherchant en nous quelques souvenirs qui nous feront couler une petite larme, décidément en accord avec le doux goût du kitsch qu’entretient Mering. “Take Me up on this Ferris Wheel” encore une fois, nous aurions envie de dire !

Pendant ce temps, à La Place, MAVI nous a offert un show d’une simplicité déconcertante et pourtant sa bonne humeur contagieuse a fait trembler le sol. Sur fond de vidéos du rappeur, entre Baking Soda et Selflove, il a parlé de cœur brisé et fait scander son nom par un public de fans ravi·es. Le rythme lent et le mood mélancolique de sa musique n’ont empêché en rien le dynamisme de MAVI, soucieux de faire rire son public et d’apporter une légèreté à son projet.

Soirées Avant-Garde

Les soirées Avant-Garde sont l’occasion de découvrir sur scène de jeunes groupes qui ont montré toutes les possibilités d’acquérir rapidement une grande audience, mais restent encore relativement confinées à celle d’un style ou d’une population de connaisseur·euses.
Nous y avons découvert le rock tapageur de Gurriers qui nous a remis les idées en place, confirmant une fois de plus Dublin comme la place forte d’une vague post-punk incroyable.
En parallèle, le duo de Brooklyn, Water from Your Eyes, nous a permis de sortir de la boucle post-punk par des morceaux noisy et art rock qu’il est assez rare d’entendre sur scène. Le groupe qui s’amuse à déjouer les styles, change d’approche sur presque chaque morceau pour proposer l’étendue de sa palette artistique. Parfois un peu énervant, il représente une scène pop rock neuve qu’il faut évidement suivre.

Les Nord-Irlandais de Kneecap sont ensuite venus mettre le feu à un POP UP! survolté. Leur rap aussi acéré que leur accent, avec des punchlines en anglais et en gaélique, a mis tout le monde d’accord. Le groupe qui vient de proposer un duo avec Grian Chatten des Fontaines DC rappelle que l’unité derrière le micro appelle l’unité politique d’une Irlande encore divisée.

KNEECAP @ Alice Sevilla

Bar italia avait tout d’une tête d’affiche de la deuxième soirée de ce Pitchfork Avant Garde. Déjà dans la queue pour retirer son pass, malheureusement situé aux Ateliers Basfroi, la plupart des spectateur·rices n’avaient que ce nom aux lèvres. Après avoir accéléré la cadence, nous sommes arrivé·es au Café de la Danse plein comme un œuf. Les phénomènes anglais tiennent la promesse du son. Bien équilibré et avec des notes de guitares ciselées, le concert a confirmé la nonchalance feinte du groupe, mais aussi leur excellent niveau musical. Fidèle à leur image de ne pas trop parler sur scène, le trio n’a ouvert la bouche qu’à intervalles réguliers pour chanter, jamais pour s’adresser au public. Les morceaux des deux derniers albums, tel que punkt, rappellent tous ces groupes des années 90 en ajoutant la puissance d’un zeitgeist décadent, violent, brûlant, entretenu par cette tension du jeu et de leur musique.

Avec sa voix grave et sa guitare électrique, Skinny Pelembe a fait des Disquaires un lieu intimiste. Il s’est discrètement installé pour commencer et terminer pile à l’heure, en prenant soin de poser son univers. Le choix de l’acoustique nous a rappelé Lianne La Havas, car comme elle, sa voix seule habille le son et suffit à faire vibrer l’ensemble. Don’t Be Another a résonné comme un vieux et tendre blues et l’avantage du réarrangement a permis de redécouvrir son album d’une façon plus douce. Des couplets murmurés à des chants plus aigus, Skinny Pelembe possède, aussi subtile soit-elle, une palette de styles large et c’est cette hybridation qu’on a aimé ressentir en live.

Anjimile @Alice Sevilla

À l’Atelier Basfroi s’est répandu avec douceur le miel d’Ethel. Sa voix angélique était sublime en live et son bounce léger a porté le public dans son élan. On y a entendu notamment son tout dernier morceau, Pixie Dust, dans lequel elle évoque l’importance de ne pas se comparer aux autres et Andromeda, que vous avez peut-être déjà entendu si vous avez vu la série The Idol, starring Lily Rose Depp. C’était aussi l’occasion de nous annoncer la sortie de son prochain EP, début 2024. Morceau par morceau, elle développe un monde de guitares folks et de néo-soul éthérée qu’il nous tarde de découvrir plus encore.

Ethel @Anne Clémence Fouin

La Vague Parallèle aurait encore voulu voir Girl and Girl, Militarie Gun et d’autres groupes pendant la semaine qui ont fait parler d’eux comme Dream Wife, Been Stellar, ou encore Hyd ou Crumb. Il faut toujours faire des choix lors de ce type de festivals et on a hâte de retrouver ces artistes lors de leur prochaines tournées ; le Pitchfork marquant bien souvent le début d’une carrière internationale bien remplie.

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