On a discuté avec Irène Drésel de son troisième album explosif, Rose Fluo
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Auteur·ice : Paul Mougeot
12/02/2024

On a discuté avec Irène Drésel de son troisième album explosif, Rose Fluo

Il n’y a plus vraiment besoin de la présenter tant elle a changé de dimension depuis plusieurs mois et pourtant, on ne résistera pas à une occasion supplémentaire de faire l’éloge d’Irène Drésel. Alors, allons-y : intronisée grande prêtresse de la techno sensuelle dès son premier album, césarisée quelques mois après la sortie du deuxième, c’est peu dire que l’artiste joue un rôle prépondérant dans l’essor fulgurant de la musique électronique sur la scène hexagonale à l’heure de la sortie de son troisième album, Rose Fluo. Vous vous en doutez, on n’aura pas résisté à l’envie de discuter une nouvelle fois avec elle de son processus créatif, de ses projets et de son actualité. 

La Vague Parallèle : Hello Irène, comment vas-tu ?

Irène Drésel : Ça va bien. Il y a beaucoup de choses qui s’enchaînent en ce moment, j’ai un peu de mal à reprendre mon souffle, mais ça va. Heureusement que j’ai quand même le temps de faire un peu de sport, là je suis en pleine séance !

En ce moment, je suis à Clermont-Ferrand, je fais partie du jury du festival du court-métrage. Tout ce qui se passe en ce moment, c’est vraiment génial, mais le problème c’est que ma tournée précédente s’est achevée en décembre et que je viens d’entamer la nouvelle la semaine dernière. Tout est à flux tendu et je suis partie pour deux nouvelles années sans vraiment pouvoir souffler !

LVP : On se retrouve aujourd’hui à l’occasion de la sortie de ton troisième album, Rose Fluo. Avec l’expérience et le recul, est-ce que tu vis désormais les sorties de manière plus sereine ? Comment s’est passée celle-ci ?

ID : Je ne suis pas du tout stressée. J’ai terminé cet album en octobre et j’avais plutôt hâte qu’il sorte ! J’ai des ami·e·s qui m’ont demandé si je me sentais stressée le jour de la sortie mais ça ne m’a fait ni chaud ni froid. C’est vrai qu’il y a 6 ans, j’étais peut-être un peu stressée quand je sortais un nouveau morceau, mais ce n’est vraiment plus le cas aujourd’hui. Surtout qu’au bout d’un moment, en général, tu as plutôt hâte que les choses sortent quand tu les as terminées !

En revanche, je ne m’attendais pas à recevoir autant de messages. J’ai reçu énormément de messages de personnes qui adorent l’album et ça m’a beaucoup touchée. Ça, c’est vraiment cool !

LVP : J’ai l’impression que tout ce que tu as pu faire depuis la sortie de ton deuxième album (ton sacre aux César, ta tournée qui a connu un énorme succès…) a tout de même contribué à démocratiser ton travail auprès du public et à le diffuser plus largement. Est-ce que tu penses que ça a pu t’aider à toucher un public plus large, qui n’écoutait pas forcément ce genre de musique ?

ID : Oui, je pense que ça m’a aidée à toucher un public plus large et aussi à concentrer davantage de ferveur et d’engouement autour de ma musique. C’est un peu un effet boule de neige. Peut-être que si j’avais sorti exactement le même album il y a trois ans, il aurait été un peu moins apprécié… J’espère que la qualité de l’album contribue quand même un petit peu à cet engouement (rires) !

LVP : Oui, je pense que ça aide un peu quand même (rires) !

ID : Bon, tant mieux alors (rires) ! Mais c’est étonnant tout de même parce que je ne vois pas de grande différence avec le deuxième album, pour moi c’est simplement la suite du précédent. Je ne sais pas si je pourrais dire que je préfère tel ou tel album.

LVP : Justement, depuis Kinky Dogma, tu as eu une actualité très abondante faite de collaborations, d’une tournée assez longue, d’une médiatisation importante… Est-ce que tu penses que ça a pu influer sur la création de cet album ?

ID : Ce qui a été le plus dur pour cet album, ça a été de trouver le temps de le faire. Je devais le terminer en juin et le sortir en octobre, mais avec les César en avril, ça a tout chamboulé. J’étais en crise de panique totale, j’essayais d’expliquer aux équipes que c’était absolument impossible, que je ne pouvais pas avancer !

La période post-César a été très dure, très intense. On n’avait pas d’autre choix que de décaler la date de sortie, je n’aurais eu que la moitié des tracks de toute façon. Je ne sais même pas comment j’ai fini par trouver le temps de le pondre, mais j’ai réussi ! Après, la vérité aussi, c’est que ma vie toute entière tourne autour de ça. Je ne pars pas vraiment en vacances, j’ai peu de temps libre…

LVP : On peut imaginer que la médiatisation plus forte dont tu as été l’objet ces derniers mois a dû fissurer la bulle de tranquillité que tu t’étais construite à la campagne. Est-ce qu’on retrouve un peu de cette agitation sur ton nouvel album ?

ID : Non, pas du tout. Je ne pense pas parce que quand je commence à composer, je coupe tout. J’arrive à me retrouver moi-même très rapidement. Forcément, j’ai un peu la nostalgie d’il y a quelques années, quand je n’étais pas du tout dérangée pour travailler… J’étais bien tranquille (rires) !

LVP : C’est sûr que les conditions doivent être différentes de la création de tes albums précédents, où tu pouvais travailler tranquillement au milieu de tes poules et de ton chien…

ID : Ça, ça n’a pas changé ! Heureusement, j’arrive toujours à trouver du temps pour mes poules et mon chien. Hier matin, j’étais en train de réparer mon abreuvoir justement (rires) !

Bon, j’ai un peu moins de temps à passer au poulailler quand même… Mes poules sont devenues très autonomes (rires) !

LVP : C’est ce qui t’aide à trouver ton équilibre aussi, j’imagine ?

ID : Ah oui, complètement. Concrètement, ma vie n’a pas basculé. C’est plutôt qu’après les César, j’ai dû donner une trentaine d’interviews en l’espace de trois semaines. Forcément, j’ai fini par en rater une complètement… Ça ne m’était jamais arrivé, je n’y arrivais plus !

LVP : Ça soulève quand même la question de la santé mentale des artistes, dont on ne parle vraiment pas assez…

ID : Totalement. Cette année, il y a des gros changements : on a délégué le merchandising dont on s’occupait entièrement jusque-là, ça nous soulage un petit peu. Comme je n’ai pas de label, ça faisait énormément de travail. Je vais pouvoir me recentrer sur la création.

L’année dernière, j’ai eu quelques passages difficiles… Mais quand je pense à des artistes comme Juliette Armanet ou Clara Luciani, ça doit être cent fois pire ! Pour moi, ça reste gérable.

LVP : Rose Fluo, c’est donc ton troisième album. Est-ce que tu peux nous parler un peu de sa conception, de son histoire ?

ID : Le titre, je l’avais déjà en tête depuis un petit moment. Depuis plus de deux ans, en fait. Il contient des morceaux qui ont été créés pour le live de novembre dernier au Petit Palais, c’était un live inédit et j’en ai extrait quelques morceaux pour cet album. Et après, j’y ai ajouté d’autres titres en essayant de rester dans une veine assez dynamique parce qu’il s’appelle quand même Rose Fluo donc il ne faut pas qu’on s’endorme (rires) !

Ça s’est fait comme ça, de manière un peu décousue. Et la pochette de l’album a été dessinée par le même illustrateur que celui qui avait fait la pochette du premier album.

LVP : Donc tu dirais que c’est vraiment l’idée du titre qui a insufflé la couleur musicale de l’album ?

ID : Oui, à fond ! Avec un titre pareil, j’étais obligée de faire quelque chose de cohérent. Au début, je composais des morceaux hyper lents et je me disais que ça n’allait pas coller du tout !

LVP : C’est vrai que dès l’annonce de l’album, on a pu constater une évolution chromatique dans l’univers qu’il véhicule, avec des teintes plus tranchées, plus fortes. Quand on sait l’importance que tu attaches à l’identité visuelle de ton projet, on se doute que ce n’est pas dû au hasard. 

ID : Non, en effet. Alors je suis un peu déconcertée du phénomène du film Barbie qui est arrivé au même moment… Je ne sais pas comment je dois le prendre (rires) !

C’est vrai qu’à l’origine, j’étais vraiment sur le blanc et puis je tends progressivement vers le rose. Je ne serai pas habillée en rose fluo sur scène non plus, on va rester sur quelque chose de rose poudré. Ça ne devient pas le monde de Barbie pour autant, mais c’est vrai que toute l’identité visuelle de l’album tourne autour de cette couleur. Mais c’est aussi parce que c’est ma couleur favorite !

LVP : Justement, c’est une couleur qui est très présente dans ton travail depuis tes débuts, avec toutes sortes de variations et de déclinaisons. On connaît ton goût pour les symboles, qu’est-ce que représente le rose ou la rose pour toi ?

ID : Non… Je ne crois pas. Ou alors c’est inconscient. Je pense que c’est simplement par goût, ce sont des teintes qu’on retrouve aussi dans ma décoration personnelle. Qu’est-ce que tu aurais imaginé comme signification, toi ?

LVP : Je ne sais pas mais c’est vrai que quand je vois toute la symbolique qui parsème ton travail, je me disais qu’il y avait sans doute un sens caché… Peut-être quelque chose autour de la naissance, de l’éclosion ? La rose, c’est aussi la fleur qui fleurit simplement pour offrir sa beauté au monde. Angelus Silesius, un poète allemand, a écrit quelque chose comme : “la rose est sans pourquoi, elle fleurit parce qu’elle fleurit”, je trouve ça très beau. 

ID : Ah oui… Tu as complètement raison, c’est clair. Tu pourras écrire que tu m’as fait découvrir cette citation, elle est magnifique ! J’avais déjà recherché des écrits et des citations autour de la rose mais je ne la connaissais pas.

Dans mon cas, c’est simplement une fleur qui compte beaucoup pour moi, j’en ai toujours eu dans ma vie. Même dans ma chambre d’enfant chez mes parents, j’avais un petit rosier. D’ailleurs, je ne sais pas si tu es au courant, mais il y aura bientôt un rosier Irène Drésel ! Il donne une très grande rose, de la taille d’une main. C’est une rose blanche, avec des nervures roses, elle possède les deux teintes. C’est un pépiniériste d’Orléans qui lui a donné mon nom.

C’est drôle parce que lorsqu’on crée une nouvelle variété de rose, on la baptise à l’arrosoir avec du champagne, un peu comme ce qu’on fait sur scène avec Sizo (Del Givry, son acolyte sur scène, NDLR). Ça fait vraiment sens, c’est une symbolique de plus. On aimerait bien faire le baptême de ce rosier à l’Olympia justement.

LVP : Je trouve que cette radicalité chromatique se retrouve aussi dans la construction de l’album : alors qu’on était invité à rentrer petit à petit dans Kinky Dogma avec Bienvenue, on se heurte de plein fouet au morceau le plus fort de l’album ici. Est-ce que c’est une volonté de ta part ?

ID : Là, on annonce la couleur directement, c’est fluo quand même ! Le fluo, c’est tape à l’œil, donc on s’attend forcément à quelque chose de plus vénère. Ce morceau, Fluo, il y a beaucoup de gens qui l’auraient mis à la fin, mais c’est un de mes préférés donc j’ai voulu le mettre au début. C’est un vrai parti pris, pour le coup. Je n’avais pas envie de repartir sur une intro en bonne et due forme, pas sur cet album.

LVP : Pour autant, on retrouve tout de même un fil conducteur très net qui transcende tes trois albums. Comment est-ce que tu travailles sur ce fil conducteur ? Est-ce que tu réfléchis à l’avance au lien qu’il peut y avoir entre tes différentes œuvres ? 

ID : Non, c’est quelque chose de très instinctif. Tout mon processus créatif est très instinctif, je crée et je trouve des liens ensuite. Et justement, je trouve que c’est encore plus beau quand je fais les choses sans m’en rendre compte et que je m’aperçois ensuite que j’ai fait des ponts entre tel ou tel morceau…

J’ai aussi une équipe de copains, qui est la même depuis trois albums, qui écoute le disque quand il est en phase d’être terminé. Ils l’écoutent trois fois : en journée, en soirée, en lendemain de fête, et ils me font tout un descriptif de ce qu’ils ont aimé, moins aimé et pourquoi. Sur cet album, ils ont à peu près tout aimé, mais je me souviens que sur un album précédent, ils m’avaient fait comprendre gentiment qu’il y avait un morceau qui n’avait rien à faire là (rires).

LVP : Depuis ton sacre lors des César, tu as été jurée lors de nombreux festivals de cinéma et j’imagine que tu as dû voir un certain nombre de films. Est-ce que cela t’a influencée dans ton travail ?

ID : C’est bien simple, je n’ai jamais vu autant de films de ma vie ! Maintenant, je ne peux pas dire que ça m’ait beaucoup influencée… Je n’ai pas vraiment fait de grandes découvertes, je pense que les films que j’ai vraiment appréciés se comptent sur les doigts de la main. Je crois que c’est parce que j’ai un œil très critique, je suis très dure… Il faut vraiment que ce soit très beau pour me marquer.

Ce qui est dommage, c’est qu’avant les César, j’étais vraiment pure, je regardais les films de manière totalement détachée. Maintenant, je suis un peu plus formatée parce qu’en étant jurée, j’ai pris l’habitude de prêter attention à tous les petits détails qui comptent.

LVP : Le live occupe une place importante dans ton projet, avec une attention toute particulière portée à la scénographie, à l’identité visuelle, à l’immersion dans une expérience haute en couleurs. Comment est-ce que tu t’imagines porter ce nouveau projet sur scène ?

ID : Là, on a une nouvelle scénographie, qu’on va tester très prochainement. Ça ne change pas du tout au tout, je ne voulais pas d’une évolution trop brusque parce que je veux garder de la marge pour le futur, mais je voulais tout de même marquer le coup. Il y aura toujours des fleurs, des colonnes… Je pense que ça va être chouette, je l’espère en tout cas !

LVP : Pour terminer, est-ce que tu peux partager avec nous une découverte musicale récente ?

ID : J’ai beaucoup aimé un court-métrage qui s’appelle Rapide, qui est nommé aux César. C’est un court-métrage réalisé par Paul Rigoux et je l’ai trouvé vraiment génial.

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