| Photos : Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle
Pete the Monkey, c’est voyager aux confins de la Méditerranée pour y découvrir des artistes surprenant·es, mais aussi et surtout profiter de cet écrin normand pour y voir grandir nos projets favoris, comme des retrouvailles entre vieilles connaissances. Parmi celles-ci, nous ne pouvions manquer de saluer Gaétan Nonchalant, tout droit sorti de scène – et nous tout juste sorti·es du sauna.
La Vague Parallèle : Bonjour Gaétan ! On te retrouve sous les arbres de Pete the Monkey, alors que ton concert d’après-midi vient de se terminer. À chaud, quelles sont tes réactions ?
Gaétan Nonchalant : Très content. Jouer à Pete, c’était quelque chose que je voulais faire depuis longtemps. Être là, de l’autre côté de la barrière… Et très content du gig, je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde si tôt.
LVP : En effet, un concert à 15h30, c’est tôt. Il y rodait une ambiance singulière, avec un groupe de potes par-ci, un autre par-là, allongé·es dans des semi-siestes, dorloté·es au son de ta musique. Comment ressens-tu cette ambiance-là ?
Gaétan Nonchalant : J’aime bien la configuration assise, calme. Sur Plages du Nord, on a bien monté, plus que d’habitude. Je n’avais pas envie de réveiller les gens (rires). Tu sens qu’il y en a qui sont là depuis hier et qui avaient déjà profité. Super vibes tout du long, un concert facile pour nous.
LVP : Encore plus que sur les concerts précédents, on sent que le live prend sa propre vie en parallèle de l’album. Comment vous y prenez-vous pour retravailler ces chansons avec le groupe ?
GN : C’est vrai que l’EP, je l’ai un peu fait tout seul dans mon coin, avec l’aide parfois de Robin Leduc. On voulait, pour le live, ajouter quelques trucs en plus, comme par exemple sur Aquarium. L’album, en revanche, a été enregistré à moitié en live avec le groupe. Il y a des subtilités différentes pour le live, mais ce sont des nouveaux morceaux qui ont été travaillés ensemble depuis le début.
LVP : Cet album, justement, on le sent doté d’une production plus précise, plus poussée que l’esthétique lo-fi de ton précédent EP. Et surtout, on y retrouve une chanson que tu trimballes sur scène, sous différentes formes, depuis des lustres : Champs de Blés, désormais en duo avec Philippe Katerine. C’était une évidence de l’amener sur cette chanson ?
GN : C’était une évidence ! C’est un morceau qui est vieux, qui date de cette époque de La Bérézina. J’avais eu l’occasion de rencontrer Philippe à ce moment-là et je m’étais permis de lui envoyer quelques morceaux. Champs de Blés était sa préférée. Depuis, c’est le morceau que j’ai le plus retravaillé de ma vie, et également un des premiers morceaux qui parlait d’amour, de rupture en l’occurrence. D’habitude, je sais assez vite l’aliment que j’imagine, qui me convient, mais là j’ai bricolé, bricolé jusqu’à trouver une forme définitive. Je l’ai enregistré de mon côté, avec Thomas qui a ajouté une ligne de synthé basse qui est super. Une fois fini, je l’ai renvoyé à Philippe… Surtout, quand je l’ai écrit, j’ai eu tendance à singer Philippe Katerine, spontanément, comme je peux parfois me faire une blague à moi-même en prenant des accents de Véronique Sanson. Là, c’était Philippe. J’étais content que ça lui plaise, et en même temps, ça faisait sens ! Je me suis dit qu’il devait la chanter, et quatre ans après, je le lui ai donc proposé. Il était chaud ! Il est venu à l’appart, au sixième étage, il a fait les voix en une heure et demi. On a bien rigolé, et puis voilà ! Évidemment, j’ai retravaillé le morceau après pour être sûr qu’il soit tout bien.
LVP : Jouer à Pete, faire un feat avec Philippe Katerine, sortir son premier album… Elle est plutôt chouette, cette année 2023 !
GN : Belle année, oui ! Et mine de rien, tous les ans, c’est intense. Les choses ont pris leur temps et je suis très content de l’album, de ces morceaux, qu’ils soient récents ou de 2020.
LVP : Par le passé, pour parler de toi, tu parlais “des gens” ou d’un poisson rouge. Sur cet album, tu emploies davantage le “je“, de manière plus frontale. Tu as conscience de cette évolution ?
GN : Peut-être que c’est de plus en plus facile pour moi d’utiliser le “je“. Peut-être aussi que, sur l’EP, je voulais avoir un projet très pop, et peut-être que je me disais qu’utiliser le “je” m’éloignait des gens. Cela s’est fait naturellement, ce n’était pas un changement d’écriture conscient.
LVP : À ton concert, on a vu plein de gens qui t’entourent depuis souvent, comme la bande de Polycool. Malgré le fait que tu défendes un projet en ton nom, cela te semble important de créer une bande de créateur·rices qui se soutiennent dans le public comme sur la scène ?
GN : C’est hyper agréable de ne pas être tout seul. Dans la démarche, envoyer des morceaux à l’état d’ébauche, c’est essentiel, même s’il faut garder le truc en sous-marin. C’est aussi pour ça que je suis arrivé à Paris. J’ai vite rencontré des gens avec lesquels on s’admire et se soutient mutuellement. Même ici, en tout début d’après-midi, avoir un noyau dur de gens qui chantent tes refrains, ça n’a pas de prix. On est jeune, on s’aide, c’est important. En l’occurrence, aujourd’hui, je n’étais pas trop stressé, mais ça peut m’arriver. Et ce genre de soutien aide à se sentir bien. Là, il y avait également plein de gens qui découvraient, et c’était super.
LVP : Ça t’est arrivé, en envoyant une maquette à un·e proche, que son retour te pousse à avancer sur une chanson sur laquelle tu avais des doutes ?
GN : Grave ! Mes compos viennent comme ça, naturellement, et je n’ai pas de recul. Souvent, ça va passer par un retour commun. Mettons que je fais trois morceaux, que je les envoie par-ci par-là ou les joue à mes potes, si tout le monde pointe le même, alors je me dis que, peut-être, je tiens un truc qui parle aux gens. Globalement, dans mon écriture, plus ça me vient vite, moins j’ai l’impression que ça m’appartient, et c’est bien comme ça. En live également, quand je vois qu’un morceau fait effet, ça me donne une grosse confiance. Avant de le mettre sur l’album, j’ai pu ressentir l’engouement pour les humains au fur et à mesure des concerts, comme pour Champs de Blés. À force de se faire matraquer que ça plaît aux copain·ines, on finit par l’intégrer (rires). À l’inverse, si personne ne me parle d’un morceau, je me dis que peut-être, il lui faut plus de temps. Mine de rien, j’ai été encouragé sur les onze titres de cet album.
LVP : Au tout début, on t’a connu avec une chanson ultra-expérimentale en concert, ou avec une cassette de confinement psychédélique, avant de te concentrer sur un projet aux accents folk et rock, plus conventionnel. En parallèle, tu continues tes expérimentations ?
GN : Oui, j’en fait toujours ! La question est surtout : qu’est-ce que je souhaite mettre en avant ? Qu’est-ce que je souhaite sortir ? J’ai déjà les chansons de mon deuxième album prêtes, et maintenant que je sais comment cela fonctionne, je pense que ça va aller un peu plus vite. Les trucs expérimentaux, je les fais donc, mais ce n’est pas le moment de les sortir. On parlait des retours des proches, je n’ai eu aucun retour sur la cassette. C’était effectivement bizarre, quand je l’ai fait écouter à mes parents ou d’autres gens qui n’ont pas ces références… Je sais que c’est plus niche, et ça ne me pose aucun problème. Je vais moins avoir tendance à le sortir, parce que je me dis que l’on va s’en foutre. Qui sait, ça trouvera peut-être son public, éventuellement. Ce qui est drôle, c’est que j’ai eu zéro retour au moment de sa sortie pendant le confinement (et je me dis qu’un jour, dans quarante ans, un label japonais fera un disque de ça). Vraiment, j’essaye de ne pas trop avoir d’attentes sur les sorties, car j’écoute que des disques des années 70 qui ont eu zéro succès au départ (rires). Puis, un gars trouve le truc dans un vide-grenier, le réédite, et parfois ça repart. C’est pour moi un process normal. Et pour le coup, sur cette cassette de confinement, ce n’est pas grand-chose mais la track Le Blues de Paris est à 1000 vues alors que les autres sont à 200. Comment ça se fait ? Parfois, dans une mégalomanie folle, je tape mon nom sur YouTube (rires), et il y avait plein de trucs de blogueuses. Tiens, mais qu’est-ce que c’est ? Je clique, et le Blues de Paris est en bande-son dans des vidéos à 300,000 vues.
LVP : Et comment ça se fait ?
GN : Aucune idée ! Peut-être que Soundcloud permet encore de découvrir des trucs. Peut-être que ces blogueuses américaines ont tapé les mots clés “blues”, “Paris”, etc. Et que comme une l’a utilisée, les autres se sont mises à le faire. Tout ça pour dire que les chansons font leur vie. Et tu me parlais des retours, mais tu vois, celle-ci était celle que j’aimais le plus de la cassette, la plus pop, hyper lo-fi. Peut-être qu’elles se disent que c’est un truc des années 40. Je me suis dit que j’allais en faire un 45 tours, la mettre sur Spotify.
LVP : Pour finir, toi qui étais déjà venu, il y a des artistes que tu as coché sur ton agenda pour cette édition de Pete the Monkey ?
GN : Polycool, évidemment ! Et Flavien Berger. Surtout, j’ai envie de me balader : je n’ai volontairement pas trop étudié la programmation, pour découvrir.
Petit, je pensais que Daniel Balavoine était une femme. C’était d’ailleurs ma chanteuse préférée.