On s’est assis·es dans l’herbe au soleil pour discuter avec Vonfelt à Pete the Monkey
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Auteur·ice : Joséphine Petit
12/10/2023

On s’est assis·es dans l’herbe au soleil pour discuter avec Vonfelt à Pete the Monkey

Découvert par hasard en première partie des Walter Astral à la Maroquinerie au printemps dernier, Vonfelt faisait partie de ces artistes que nous n’aurions manqué pour rien au monde dans le cadre idyllique de Saint-Aubin-sur-Mer. En plein mois de juillet, alors qu’on le retrouve pour discuter en sortie de scène à Pete the Monkey, on échange rapidement quelques regrets que notre interview soit prévue pendant le set de Polycool (le second projet de Tino, moitié des Walter Astral). Il ne suffira que d’une minute pour nous décider lorsqu’Arthur, aka Vonfelt, nous confie qu’il reste parmi nous les trois jours de festival. Ni une, ni deux, on file voir Polycool sous un soleil doré, et on prend rendez-vous pour se retrouver le lendemain après-midi, assis dans l’herbe entre deux concerts. L’occasion pour nous de lui parler de la manière dont il aborde son premier projet à lui, musicien de toujours et la sortie de son EP à venir, Je Pars.

La Vague Parallèle : On se retrouve le lendemain ton concert à Pete the Monkey, comment ça va aujourd’hui ? 

Vonfelt : Ça va, un peu fatigué, mais fatigué heureux.

LVP : Tu as fait la fête hier soir ?

Vonfelt : Ouais, on a bu des coups et on a fini devant Acid Arab à deux heures et demie, puis on est rentré·es.

LVP : C’est la première fois que tu viens à Pete the Monkey ? 

Vonfelt : C’est la première fois que je viens jouer mes morceaux à Pete the Monkey, mais je suis déjà venu en 2019 jouer la batterie pour un ami à moi qui s’appelait Petit Prince et qui s’appelle MaMaMa maintenant.

LVP : C’est vrai que tu as accompagné plusieurs artistes depuis quelques années, notamment Jacques aussi. 

Vonfelt : Avant de faire mes morceaux, c’est ce que je faisais principalement. J’ai fait la tournée de Jacques et j’ai enregistré aussi la batterie et d’autres instruments sur son album. Elliot [aka MaMaMa] et Jacques, ce sont des amis d’enfance avec qui j’ai commencé la musique à Strasbourg, quand on était adolescents. Je ne suis pas non plus un mercenaire de la musique qui va accompagner des gens, je le fais surtout parce que ce sont des amis dont je suis proche.

© Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle

LVP : C’est aussi la première fois qu’on se rencontre en interview pour La Vague Parallèle. Tu peux nous présenter ton projet pour celles et ceux qui ne le connaissent pas encore ?

Vonfelt : C’est un projet dans lequel je joue tous les instruments, je compose la musique et j’écris aussi les textes. C’est en français. C’est un croisement entre de l’électro et du rock psychédélique, aux influences Tame Impala ou même François de Roubaix dans les synthés, et pour la voix Gainsbourg, Etienne Daho, ou aussi Pierre Vassiliu que j’aime beaucoup. Actuellement j’aime aussi beaucoup Flavien Berger, Bertrand Belin et Malik Djoudi. Ce sont mes influences, mais je viens aussi du jazz. J’aime bien improviser et que les choses ne soient jamais vraiment fixes et qu’il reste des zones de liberté sur scène.

LVP : Tout a donc commencé avec la batterie d’abord, puis tu as développé d’autres instruments : basse, guitare, synthétiseurs Aujourd’hui, on peut dire que tu es multi-instrumentiste.

Vonfelt : En fait, à côté de tout ça, je suis aussi compositeur pour des films et pour de la danse contemporaine. Donc j’ai un studio chez moi. On va dire que j’ai une vraie expertise à la batterie car j’ai fait des études de jazz à la batterie, mais je peux aussi jouer des claviers, de la guitare, de la basse… Je ne suis pas non plus virtuose, mais je peux composer et écrire de la musique pour moi.

LVP : Ça fait quoi de pouvoir parfois se dire que tout ce qui compose ton morceau vient entièrement de toi ?

Vonfelt : Ça force une “patte”, parce que je ne suis pas expert dans tous les instruments, donc il y a forcément des choix qui se font peut-être par dépit, mais qui donnent une couleur. Après, c’est pas toujours facile. Parfois, c’est bien d’être en groupe pour pouvoir confronter les opinions et avoir du recul. Mais à la fois c’est hyper cool de ne devoir faire aucune concession. C’est plutôt paradoxal, mais j’aime bien.

LVP : De la même manière, tu as la capacité de pouvoir présenter ton projet seul sur scène, c’est quelque chose qui te plaît ou tu aimerais pouvoir t’entourer ?

Vonfelt : À l’avenir, j’aimerais bien jouer avec des musicien·nes sur scène. C’est la réalité économique d’un projet en développement, mais pas seulement. Étant moi-même musicien, je sais que les musicien·nes sont très pris·es et très booké·es et quand on commence un projet comme le mien, il faut pouvoir réagir rapidement à des occasions qui se présentent. Là, le seul emploi du temps duquel je suis tributaire, c’est le mien. Si on me propose d’aller faire une date demain, je peux dire oui, charger le matos dans ma voiture et y aller. C’est pour cela que je fonctionne comme ça pour le moment. Mais dans un deuxième temps j’aimerais bien m’entourer de musiciens et de musiciennes. 

LVP : Après avoir participé à de nombreux projets, voici donc Vonfelt, le tien et dans lequel c’est donc toi qui chantes désormais. Encore un nouvel instrument ! À partir de quand as-tu commencé à te sentir chanteur ?

Vonfelt : La voix, ça a été un sujet. J’ai écrit les morceaux pendant le covid, pendant que je ne pouvais plus accompagner d’autres artistes et que je me suis retrouvé chez moi avec mes instruments et du temps pour commencer à faire ça. Je me suis dit que j’allais essayer de chanter et j’ai réalisé que c’était un instrument à part entière, qu’il fallait le bosser. Ça fait maintenant trois ans que je prends des cours de chant et plus je travaille, plus je comprends qu’il y a du boulot. C’est un instrument passionnant. Je pense que je suis en train de devenir un chanteur, je suis peut-être même déjà un chanteur. (rires)

LVP : Ta voix est d’ailleurs plutôt grave. Cette identité vocale du projet est venue naturellement ?

Vonfelt : C’est un truc de famille : mon père a la voix grave, mon grand-père avait la voix grave. C’est vrai qu’avant, on me disait déjà “écoute ta voix : tu devrais chanter !”. C’est pas impossible que ça ait pu planter des petites graines… On me disait que je devrais faire de la radio, du doublage, ce genre de choses. C’est ma voix naturelle.

LVP : Ta voix et ta manière de chanter se rapproche même parfois du spoken word. C’est quelque chose qui t’inspire ?

Vonfelt : Oui, comme je le disais je suis très influencé par Serge Gainsbourg et son album Histoire de Melody Nelson, que j’adore. Je trouve que parfois, dire les mots sans les chanter fait plus encore ressortir leur sens. J’écoute aussi beaucoup de musique anglophone. Parfois, la mélodie se suffit à elle-même et je découvre le sens des paroles des années plus tard. En français, le fait de ne pas mettre de hauteur de son et de simplement parler peut permettre de se concentrer plus sur la signification des mots. Je dis ça en l’analysant un peu, mais c’est pas vraiment un choix conscient. Ça vient plutôt naturellement. Mais ça me tient à cœur de chanter, j’aime les mélodies. Le danger du parler c’est qu’avec une voix, on se rapproche très vite de Gainsbourg par exemple et je n’ai pas envie de me limiter à ça. C’est une couleur que je choisis à ce moment-là, mais j’ai envie de pouvoir chanter des mélodies.

LVP : Tu cites des influences françaises comme Gainsbourg, Daho, on entend aussi parfois Bashung… Cet héritage français était évident pour toi à la création du projet ?

Vonfelt : Ce sont plutôt mes parents qui écoutaient ça. Moi j’écoutais beaucoup de musique anglophone. J’ai été d’abord passionné de toute la période Jimmy Hendrix, Led Zeppelin, les Doors, etc, puis ça a été le jazz. Mais au moment où je me suis dit que je voulais chanter, je ne me sentais pas de chanter en anglais, parce que ce n’est pas ma langue. Je ne pense pas en anglais, même si je le comprends bien. Je ne pense pas avoir un accent impeccable et je voulais être dans une démarche sincère. J’avais l’impression que ça n’aurait pas été sincère pour moi d’écrire en anglais, même si c’est parfois plus dur de trouver les mots qui sonnent bien en français.

LVP : Oui, la langue française n’a pas la même musicalité.

Vonfelt : Non, mais à la fois elle est aussi super riche et quand on trouve les bons mots, ça chante de fou ! Ça peut être percussif, glissant…

LVP : D’ailleurs, en parlant de mots, tu as parfois recourt à l’écriture automatique pour tes textes. Comment as-tu apprivoisé cette technique ?

Vonfelt : Je ne sais pas si c’est de l’écriture automatique dans les règles de l’art. Il me semble que l’écriture automatique c’est plutôt écrire sans s’arrêter et sans réfléchir, puis ensuite relire sans avoir aucun jugement. On va dire que c’est plutôt à mi-chemin vers ça. Je me pose quand même entre les phrases et les mots s’assemblent un peu, mais ça m’arrive de trouver le sens de ce que j’écris un peu après parfois.

LVP : Justement, l’imaginaire et le rêve semblent avoir une place de choix dans tes morceaux. On y côtoie parfois même l’absurde. C’est un thème vers lequel tu essaies de tendre ou bien c’est plutôt cette manière d’écrire qui t’y emmène ?

Vonfelt : C’est plus cette écriture improvisée où le sens narratif a autant de poids que la consonnance et la sonorité que les mots ont entre eux. Ça forme parfois des histoires, juste par une suite de syllabes qui me donnent l’impression de bien marcher entre elles. 

LVP : On a parfois des images tout droit sorties de rêves qui nous viennent à l’esprit quand on écoute tes textes. Je pense à Dragon par exemple, qui donne l’impression de sortir du réel.

Vonfelt : C’est marrant parce que j’avais composé la musique de ce morceau, puis j’ai regardé par la fenêtre et il y avait là un nuage qui ressemblait à un dragon, tout simplement. Je me suis fait un délire, en me disant que ce serait cool que ce soit un peu comme dans Peter Pan, qu’il existe un autre monde là-bas et que pour y aller, le dragon doive nous manger. Là, pour le coup, je me suis construit une histoire et j’ai voulu la raconter sans être trop premier degré. J’avais cette trame dans la tête et je savais que je voulais broder autour de ça. C’est clairement de l’imaginaire. Les rêves, c’est quelque chose qui me passionne. On passe quand même la moitié de notre vie dans notre tête. Il y a un vrai monde qui existe là-dedans. Je trouve les rêves lucides fascinants, lorsqu’on est conscient qu’on est en train de rêver. On se retrouve explorateur·ice de son propre psyché, ça me donne le vertige.

LVP : Tu t’inspires de ce genre d’expériences si ça t’arrive d’en vivre ?

Vonfelt : Complètement. J’ai fait beaucoup de rêves lucides lorsque j’étais enfant. C’est plus dur aujourd’hui car c’est quelque chose qui se pratique. Il faut s’y intéresser. C’est assez poétique, car pour y arriver, il faut questionner la réalité en permanence. Il faut se dire par exemple que tous les jours, je vais regarder ma main, compter cinq doigts et me dire que je suis dans la réalité. En prenant ce réflexe, un jour tu dormiras, tu penseras que c’est la réalité, tu vas regarder ta main et il y aura un sixième doigt. C’est une technique, comme celle de regarder l’heure, ou se dire quel jour on est. D’un coup, il y a quelque chose qui cloche et on réalise qu’on est en train de rêver. Je trouve ça poétique de pouvoir se demander si l’on est vraiment là ou pas.

LVP : Entre les multiples projets auxquels tu as déjà pris part, tu as également composé de la musique pour des ballets de danse contemporaine. Le rapport entre la musique et le corps, c’est quelque chose qui t’intéresse aussi ?

Vonfelt : Carrément, c’est passionnant ! C’est ultra grisant de voir des danseur·ses danser sur sa musique et de créer la musique en voyant les danseur·ses danser.

LVP : Quand tu fais ça, la création de la musique vient avant le ballet ou bien après ?

Vonfelt : Ça dépend, j’ai fait les deux. La première pièce, je l’ai écrite avant que les danseur·ses ne se mettent dessus. Il n’y a pas eu d’aller-retour, c’était la contrainte que le chorégraphe avait choisie. J’étais parfois un peu frustré parce qu’en voyant le ballet, je pouvais me dire que si j’avais su telle chose, j’aurais peut-être fait ça différemment. Mais là, je suis sur une nouvelle création avec ce chorégraphe, sur laquelle ils avancent seul·es et moi j’écrirai ensuite la musique par-dessus. On fait ça complètement dans l’autre sens. Ça m’inspire beaucoup. On vit tous·tes la musique avec nos corps sans s’en rendre compte. Ce n’est pas une recherche consciente, mais souvent on danse, on bouge la tête. Il y a quelque chose d’inexplicable aussi dans le rythme, quelque chose de mystérieux qu’on appelle le groove, lorsqu’on sent qu’un rythme entraîne et donne envie de bouger. On est les seuls animaux à danser. Ce n’est pas quelque chose de naturel, c’est étrange. Bon, il y a quand même les oiseaux, on va dire qu’on est les seuls mammifères. Eux font des danses nuptiales, des spectacles entiers et hauts en couleurs.

© Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle

LVP : Tu as sorti deux super titres pour le moment, Je ne sais où et Soleil. C’est quoi la prochaine étape ?

Vonfelt : Il y a un single qui va arriver au début de l’automne, suivi de près de la sortie d’un EP. De mon côté, je travaille déjà sur la sortie d’un album en ce moment. 

LVP : Pour finir, tu nous as dit que tu restais les trois jours de Pete the Monkey, est-ce tu peux nous confier ton coup de cœur dans la programmation du festival ? 

Vonfelt : Oui, il y a surtout des choses que j’ai envie d’aller voir parce qu’on m’en a beaucoup parlé. J’aime bien découvrir les artistes en live. Il y a notamment Zaho de Sagazan. J’en ai beaucoup entendu parler, mais je me suis retenu d’écouter l’album et je suis content d’aller la voir sur scène aujourd’hui. 

LVP : Tu fais bien, c’est très incarné sur scène !

Vonfelt : C’est vrai que c’est quelque chose qui me tient à cœur. On le retrouve dans le jazz, dans la danse et dans tous les arts : pour les gens qui prennent des risques et sont vraiment présents, on développe une sorte d’empathie ou de télépathie. S’il n’y a pas de danger, les gens le sentent. C’est comme s’il n’y avait plus de suspense. Avec les gens qui s’investissent vraiment sur scène, on se sent impliqué en tant que public, et donc potentiellement touché·es. J’ai l’impression que c’est ce qu’il se passe chez Zaho.

LVP : Tu viens de la décrire parfaitement avant de la voir.

Vonfelt : C’est ce que je recherche chez les artistes, c’est ce qui me touche. Et c’est aussi ce que j’essaie de redonner derrière dans ce que je fais. J’essaie d’être présent, généreux et de le faire à fond. Et sinon il y a aussi Flavien Berger dont je n’ai pas encore vu le nouveau live, Miel de Montagne qui est toujours cool en live, et Gaétan Nonchalant que j’ai bien envie de voir aussi. Astral Bakers était très cool aussi hier ! 

LVP : Ça fait déjà une belle liste, et il est d’ailleurs l’heure d’aller voir Gaétan Nonchalant qui joue dans cinq minutes !

Quelques mois plus tard, VONFELT est désormais disponible et l’on vous conseille chaleureusement d’aller y prêter une oreille. On vous prévient, il y a de grandes chances pour que ce disque vous suive dans les prochaines semaines.

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