Save It For Later, quand BLUAI glorifie le passé et nous invite au déhanché
"
Auteur·ice : Hugo Payen
25/03/2024

Save It For Later, quand BLUAI glorifie le passé et nous invite au déhanché

| Photos : Anneke D’Hollander

Près de deux ans après la sortie remarquée d’un premier EP prometteur dans lequel le groupe tentait de trouver sa direction, BLUAI frappe fort avec Save It For Later. Un premier album haut en couleur et fort de sens qui nous emmène en plein coeur des grands espaces américains sur fond d’accords de banjos et de guitares en tous genres. L’occasion d’en savoir plus sur la création de ce premier album remarquable. Rencontre. 

Alors que nous vous en parlions comme du « nouveau phénomène rock prometteur » de la scène belge, on doit vous avouer quelque chose. Bon, sur le nouveau phénomène prometteur, on ne vous a pas menti. Voire même, il nous semble encore plus véridique aujourd’hui qu’il y a deux ans.

Par contre, loin du rock et de la pop par lesquels Catherine Smet a débuté l’aventure musicale de BLUAI entre les quatre murs de sa chambre d’adolescente, c’est dans une authentique plongée dans les grands espaces américains et les sonorités brutes de l’Americana que le trio nous invite pour son brillant premier album : Save It For Later.

« J’ai écrit Lady toute seule dans ma chambre sur mon petit ordinateur avec ma toute première guitare. Je l’ai d’abord mise sur Soundcloud sans aucun but de percer ou quoi que ce soit. Puis d’un coup je réalise que quelqu’un la fait passer en radio (rires). Je ne comprenais pas trop le pourquoi pour le coup (rires). Puis j’ai vite réalisé que ce genre de morceau un peu plus pop n’était pas réellement le genre de musique que je voulais continuer à faire. »

Notre mea culpa étant fait, il est temps de se (re)plonger dans l’univers réconfortant et émotif qu’a réussi à construire en quelques années la formation formée par les talentueuses Catherine Smet, Caitlin Talbut à la basse et Mo Govaerts à la batterie.

Une entrée fracassante

Alors que les trois artistes nous en disent un peu plus sur la création du groupe à l’été 2021, quelque chose nous frappe : la rapidité avec laquelle tout s’est très vite enchainé pour le trio. Pourtant, quel pari – qui plus est réussi. Plus que la rapidité, c’est la connexion instantanée tant amicale que musicale que les trois artistes veulent souligner : « c’est déjà tellement rare de trouver des personnes avec un tel degré de compatibilité. Imagine quand tu peux faire de la musique avec ces mêmes personnes ! Que ce soit sur scène, en studio ou dans nos vies personnelles, il y a tellement d’amour et de bienveillance » nous explique Mo.

Un an et demi plus tard, c’est Junkyard qui voit le jour. Un premier EP bien ficelé qui ne promet que de jolies choses pour le quatuor de l’époque. Leurs trois récompenses musicales qui en découlent parlent d’ailleurs d’elles-mêmes. Entre Humo’s Rock Rally, Sound Track et De Nieuwe Lichting, BLUAI se retrouve instantanément sous le feu des projecteurs.

Pourtant, c’est un démarrage en trombe qui ne laisse que peu de place à la réflexion artistique. Caitlin raconte : « de la pression, on en a eu dès le début du groupe en réalité. On a enchainé les lives assez rapidement cet été-là sans jamais avoir le temps de se poser. C’est là qu’on a réalisé que ça ne servait à rien de se presser inutilement, qu’il fallait qu’on prenne notre temps pour faire les choses comme on avait envie de les faire. Et c’est ce qu’on a voulu faire sur Save It For Later ».

« Toutes ces sonorités folk, plus americana se sont vu grandir de manière assez organique. On a écrit les morceaux en ayant une idée de ce qu’on voulait écouter, entendre. Les artistes qu’on écoute nous influencent de manière presque instantanée. À force d’entendre des banjos dans certains albums, tu n’as qu’une envie : ramener des banjos sur tes morceaux (rires). Toutes nos références musicales ont eu un gros impact sur la manière dont Save It For Later sonne. Puis toute l’imagerie qui en découle aussi. La photographe qui a fait toutes nos photos pour cet album a plusieurs séries de photos aux Texas. Quand on les a vues, on a tout de suite craqué. On voulait retrouver cette imagerie-là sur l’album. Au final, c’est ce qu’on retrouve : on fait de l’americana, mais les histoires qu’on raconte, elles, sont bel et bien en Belgique.»

La décision est prise : il est temps de se poser et réfléchir aux couleurs et à la direction artistique qu’elles veulent revêtir avec BLUAI. Inspirées par la plume d’Adrianne Lenker, le phrasé de Joni Mitchell ou les rythmes effrénés de Pinegrove, les trois amies se cherchent, explorent et apprennent (enfin) à se connaitre. Le résultat ? Une alchimie indétrônable, une amitié à toute épreuve et un œil porté vers tout ce que les grands espaces américains peuvent nous apporter de bien.

Faire résonner les guitares et les banjos

On doit bien l’avouer : si l’on écoute Save It For Later les yeux fermés, allongé•es au coin d’un feu crépitant, on s’y croirait presque, dans ces grands espaces. Mission accomplie. Entre les quelques accords de banjos et les percussions retentissantes, ce sont toutes les histoires d’enfance de Catherine qui prennent vie de manière réconfortante à travers ces dix morceaux tant intimes qu’éclatants.

Qu’il s’agisse des fracassants My Kind of Woman, In Over My Head et Sad Boy, Angry Boy ou des émouvants Worms, Not The One et Ceiling Stars, c’est notre petit cœur que Catherine arrive à faire fondre sur Save It For Later. « J’avais quelques souvenirs d’enfance dont je ressentais le besoin de mettre dans ces petites boîtes, d’archiver. En tous cas c’est comme ça que je le ressens. Surtout avec des morceaux comme Worms, qui remonte directement à mon enfance. C’est un morceau très littéral, mais un des plus durs. J’avais peur de l’écrire » nous explique Catherine avant de terminer « se mettre à nu émotionnellement comme ça fait peur ».

Une mise à nu débutée des années plus tôt mais qui, par la force de l’amitié et d’un entourage plus qu’ingénieux lors de l’enregistrement, permet à Save It For Later de revêtir ses plus belles couleurs. L’auteure-compositrice rajoute : « l’écriture de l’album m’a souvent semblé à la fois magique et stressante d’une certaine manière. La première partie de l’écriture où je me retrouve seule à devoir parler de certaines choses très personnelles, très honnêtes, ça ce n’était vraiment pas facile. Puis, quand on a commencé à écrire ensemble, au studio, là c’était un autre monde ».

Accompagné tout du long par la créativité de Willem Ardui, c’est de manière naturelle et organique que Save It For Later prend vie. Caitlin raconte : « Willem nous a redonné une certaine confiance en nous, nous a poussé à explorer pas mal de choses. Des morceaux comme My Kind Of Woman ou Not The One ont été écrits tellement rapidement, je ne réalise toujours pas. C’est aussi grâce à lui, on doit bien le lui rendre (rires). Quand on est arrivées au studio avec quatre versions différentes de Sad Boy, Angry Boy il nous a fait repartir de zéro. Je pense qu’on l’a tous détesté à ce moment-là (rires). On a repris les paroles pour recréer quelque chose et finalement, je dois avouer que c’est mon morceau préféré ». Les têtes à côté acquiescent de manière unanime, les sourires qui s’ensuivent veulent tout dire.

Une aventure musicale qui s’étend ainsi plus loin encore que durant ces dix histoires, venues propulser BLUAI dans un tout nouveau chapitre rempli de ces sonorités colorées dignes des contrées musicales du Tennessee.

Save It For Later se veut ainsi glorifier la nostalgie, garder une trace du passé pour peut-être mieux l’apprécier, ou du moins l’appréhender. C’est toute la mission que s’étaient données le trio belge lors de la réalisation de ce premier album et plus aucun doute n’existe quant à sa réussite.

Alors que Mo nous représente l’album comme l’équivalent d’un tiroir à archives, Catherine rajoute : « J’aime beaucoup le titre qu’on a donné à l’album pour ça justement. C’est une collection de toutes ces choses, ces émotions qu’on préférerait garder pour plus tard. Il n’y a pas de meilleure format que la musique pour les faire exister. C’est vraiment ce qu’on a voulu rendre sur l’album. Je suis hyper nulle pour garder un journal intime, heureusement que je peux écrire des morceaux (rires) ».

Save It For Later se gorge alors d’histoires aussi personnelles et brutes que d’arrangements rares au sein de notre jolie et toujours plus impressionnante scène belge qui nous invite incontestablement dans un voyage plus que mémorable.

Des histoires à retrouver prochainement entre les murs de notre légendaire Ancienne Belgique ce 29 mars prochain. Faites-vous une petite faveur et foncez vous immerger dans cet univers qui n’a pas fini de nous faire chavirer.


  • 29 mars, Ancienne Belgique (Bruxelles)
  • 02 mai, Het Depot (Leuven)
  • 08 mai, De Roma (Anvers)

 

Spécialement sélectionné pour toi :

Découvre d’autres articles :

@ET-DC@eyJkeW5hbWljIjp0cnVlLCJjb250ZW50IjoiY3VzdG9tX21ldGFfY2hvaXNpcl9sYV9jb3VsZXVyX2RlX3NvdWxpZ25lbWVudCIsInNldHRpbmdzIjp7ImJlZm9yZSI6IiIsImFmdGVyIjoiIiwiZW5hYmxlX2h0bWwiOiJvZmYifX0=@