Jeudi 14 juillet. Jour de fête pour un départ direction Saint-Aubin-sur-Mer et notre rendez-vous préféré de l’année : Pete the Monkey et sa folie communicative au cœur de la Normandie. Pour faire honneur à sa dixième édition (sa première depuis trois ans), le festival aura su cette année charmer ses habitué·es tout autant que les plus novices par son climat chaleureux, sa générosité et ses expériences inédites. Récit de trois jours au paradis.
Un cadre paradisiaque | “Je vais me baigner, on se voit à Diogo Strausz ?”
Si Pete the Monkey n’a rien à envier à ses pairs, c’est d’abord pour le cadre qu’il offre. Petit havre de paix délicatement déposé au bord de l’eau entre deux falaises couleur craie, Saint-Aubin-sur-Mer réserve de tendres attentions aux festivaliers qui s’aventurent au-delà du camping. Il nous aura d’ailleurs fallu moins d’une journée pour nous dire que nos jeux de cartes et mots croisés empaquetés dans nos sacs à dos ne verraient pas beaucoup la couleur de nos toiles de tentes. Impossible de ne pas être charmé·es par l’idée de réveils matinaux, quand ceux-ci nous portent en cinq minutes de marche tout droit dans la Manche, sous un décor de petites cabanes de plage colorées, pour un tournoi de foot, une balade sur les falaises ou une trempette. Que rêver de mieux pour un week-end d’été que de passer ses journées entre mer et forêt ? Le site du festival, quant à lui étrenné cette année, serpente entre les arbres autour d’un château qui caresse du regard deux scènes et de doux couchers de soleil roses, entouré de champs clairsemés de troupeaux de vaches aux cloches guillerettes.
Si le décor se suffit sans peine à lui-même, c’est ici que se joue la carte spéciale du festival : sa scénographie. Véritable carnaval de guirlandes et sculptures en tous genres soulignant une identité visuelle déjà radieuse, c’est bouche bée que nous déambulons sous des parterres d’abat-jour éclairés à la nuit tombée, ou encore des bustes et valises accrochés aux arbres au-dessus de nos têtes. De jour comme de nuit, une douce électricité dans l’air nous chuchote que le lieu semble avoir quelque chose de magique, et l’on se sent prêt·es à le croire. Loin du greenwashing des festivals habituels, on ressent une réelle prise de conscience de la part de Pete the Monkey où rien n’est laissé au hasard, jusque dans les assiettes compostables des foodtrucks et la distribution de cendriers portables. Et ça marche : même en fin de soirée, le site reste propre, témoignant que le cadre rejaillit sur ses occupants, qui se mettent au diapason. Un sentiment partagé par les artistes que nous croisons. Oracle Sisters, Kids Return, Annie Burnell, Amadou & Mariam, tous·tes saluent l’ambiance apaisée et bienveillante qui se dégage.
@Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle
Trois jours à vivre et créer ensemble | “Ne m’enlace pas, je viens de me faire tatouer”
Car au-delà d’être un festival de musique, Pete the Monkey est une expérience à part entière. À se faufiler entre les activités manuelles au plus chaud de l’après-midi, on se dit que nous serions bien resté·es là une semaine entière pour avoir le temps de broder un tee-shirt et peindre une toile en plus d’enfiler des perles sur des bijoux de lunettes. Un petit tour sur des tapis en atelier d’initiation à la lecture d’oracle, et nous nous retrouvons dans une tente improvisée en cinéma diffusant un documentaire sur l’occupation du théâtre de l’Odéon. Si l’on cherchait de quoi chatouiller notre créativité, nous sommes au bon endroit : l’art est multiple et partout à Pete the Monkey. Sans compter le sauna, installé dans une zone naturiste au beau milieu du site pour l’occasion. On aura rarement vu meilleur cadre pour respirer. Côté expériences musicales inédites, on alterne allègrement entre une parenthèse de violoncelle du génial Gaspar Claus en plein champ à des concerts nocturnes au casque, en passant par une scène cachée aux allures de cabaret où se succèdent reprises de chanson française, DJ sets techno et performances de drag queens.
Sans oublier que c’est aussi son public qui fait un festival. À Saint-Aubin, nous croisons tous les âges, jusqu’aux plus jeunes d’entre eux assis sur les crash barrières l’après-midi, à vivre leurs premiers concerts le casque anti-bruit vissé sur les oreilles et les yeux grand ouverts, dans un événement non seulement familial, mais surtout joyeux et solidaire, où ont lieu des concours officieux du plus grand nombre d’inconnu·es serré·es dans les bras ; et l’on se rêve à des rencontres improbables. Ici, public et artistes se mêlent pendant trois jours : si l’un monte sur scène le temps d’une heure dans le week-end, ils partagent ensemble l’atmosphère enchanteresse le reste du temps. C’est ainsi que nous aurons non seulement dansé avec les Walter Astral à la nuit tombée, mais aussi souri de voir les membres de Please dodeliner de la tête au premier rang devant Kids Return ou le batteur de Thomas Guerlet entamer un solo avec les dents sur la guitare de David Numwami au milieu de la foule.
@Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle
Une programmation à nulle autre pareille | “J’aimerais que ce moment ne s’arrête jamais”
Vous l’aurez compris, Pete the Monkey est notre festival chouchou, car son cadre génère une ambiance unique. Pour autant, la programmation est loin d’être en retrait. Pensé comme un festival sans têtes d’affiches, il regroupe tous les projets les plus chauds de la scène émergente francophone (surtout) et internationale (un peu). Avoir une loge commune pour tous·tes et une absence de hiérarchie permet surtout de placer chaque artiste à l’horaire et la scène qui le ou la met le plus en valeur. Bien sûr, des projets comme Ichon, Fishbach, Benjamin Epps ou Amadou & Mariam sur la scène du Château suscitent plus d’anticipation que d’autres, mais on aura très peu vu de public stationner aux crash barrières une heure avant le début d’un concert, preuve que le pari de faire circuler les festivalier·es et découvrir des artistes fut gagnant.
Un voyage musical qui se partage entre cinq scènes : Château pour les concerts fédérateurs, Camion Bazar pour remuer ses fesses sur du boom boom, Amphi pour des conférences, moments musicaux doux ou silent disco, Jibou pour des allures de rock en journée et d’électro la nuit, et enfin La Folie de Pete, scène cachée à l’ambiance de cabaret LGBTQ+.
Un jeudi pour prendre connaissance
Une escapade, surtout, qui commence fort dès le jeudi. À peine le temps de déambuler au soleil que le nectar de la pop émergente nous assaille déjà de tous bords : Quasi Qui par ci, Please par là, l’électro solaire de Diogo Strausz, puis la folie communicative de Faux Real au coucher du soleil – ce genre d’instant qui paraît presque trop beau pour être vrai, où l’humeur, la musique et le paysage ne semblent plus faire qu’un. Légère escale devant Ko Shin Moon avant un détour par le camping – plus long que prévu, le temps d’échanger des embrassades avec nos voisins et voisines – pour se parer de nos plus belles vestes (les nuits sont fraîches sur la côte normande), et nous voici déjà de retour pour onduler sur les magnétiques Yolande Bashing et Fishbach. Intrigué·es, nous nous laissons tenter par le silent disco où toute la musique passe par les casques posés sur les têtes des festivaliers, où l’on s’amuse à retirer nos casques pour entendre juste une batterie et un public chantant plus ou moins juste sur des refrains entraînants, et l’on file découvrir l’intrigante scène cachée. Show en collaboration avec le cabaret de Madame Arthur, drag queen sur scène, chansons de Barbara et techno, le combo est tout à fait parfait. On rentre alors se coucher, pour préserver nos vieux os – il s’agit d’être tout aussi en forme pour les deux jours restants.
@Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle
Un vendredi de colonie de vacances
L’avantage d’un festival dont la jauge ne dépasse guère les 4000 festivaliers par jour, c’est que tout ressemble à une grande colonie de vacances. La fin de matinée à la plage est ainsi l’occasion de retrouvailles avec les visages rencontrés la veille ou il y a quelques années. Tout comme les conférences sur la scène Amphi, mettant en scène des personnages innovants dans l’économie solidaire ou l’écologie. Le temps de visiter quelques ateliers, et Gaspar Claus nous accueille entre les arbres pour une sieste au son ambiant et expérimental de son violoncelle. De quoi faire le plein de forces avant un sacré enchaînement de rock doux et psychédélique : David Numwami – Kids Return – Oracle Sisters (!). Comme si rien ne pouvait mal se passer, même les obstacles se transforment en opportunités. Lorsque la guitare électrique des Kids Return se refuse à sonner, qu’à cela ne tienne, nous avons droit à des versions à l’accent folk, qui font honneur au bord de mer.
Le temps d’aller discuter avec Oracle Sisters et Kids Return, nous voilà de retour pour le concert d’Eloi, dont la reprise de Wejdene semble avoir un effet extraordinaire sur Etienne, notre voisin de camping. De l’autre côté du site, la scène du Château se transforme en fête au village avec une initiation au hula hoop par des femmes-animaux pendant Star Feminine Band. Quel plaisir, d’ailleurs, que de danser sur les rythmes afrobeat de ces jeunes béninoises âgées de 13 à 19 ans ! Entre rencontres improbables et nuit tombée, on se laisse happer par Pete the Monkey au point que l’on confond Mézigue et Mezerg, et, alors que la fête bat son plein, qu’on lance un cercle de danse improvisé sur la scène du Château avec Mathilde, 55 ans. On se réjouit que ce deuxième soir ne soit que vendredi : demain, on aura droit à une journée – et soirée – entière de rab !
@Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle
Un samedi pour finir en beauté
Puisque cette journée est la dernière au paradis, nous avons bien l’intention d’en profiter au maximum. Après la traditionnelle trempette au réveil, direction donc le Bingo Disco pour balancer ses plus beaux moves tout en espérant gagner un cadeau. Avec en moyenne un stylo pour une demi-douzaine de grilles de bingo, c’est l’occasion parfaite de faire de nouvelles rencontres. Sur du Chic, un gagnant tourne une roue de la fortune pour connaître son butin. “Le popo, le popo” scande la foule. Et c’est gagné, l’heureux élu brandit son poppers tel une coupe du monde. Sans transition aucune, nous enchaînons avec le crooner Thomas Guerlet, dont le songwriting teinté de jazz et la voix suave nous transportent avec délicatesse, tout comme Annie Burnell quelques instants plus tard. Pendant ce temps, Fishbach improvise un show à la Folie de Pete. Ce samedi est également placé sous le signe de la fête et du dépaysement. L’Éclair, Walter Astral ou encore Biensûre dégainent leurs meilleurs riffs psychédéliques pour téléporter Saint-Aubin-sur-Mer en Anatolie. On suit alors la traditionnelle parade dans tout le site jusqu’à la scène du Château pour le concert d’Ichon, rappeur aux allures de rockstar dont l’intensité met tout le monde d’accord. Surtout, ici et là, les murmures augmentent d’excitation depuis le début de la journée. Tout le monde semble attendre Amadou & Mariam. Après tout, il est assez dingue de se dire que le duo, qui jouait le jour même devant 80 000 personnes à Lollapalooza Paris, est avec nous à Saint-Aubin-sur-Mer. Si le groupe nous confie préférer un petit public chaud plutôt qu’une énorme masse indifférente, il est servi : de l’ingénieur lumière à l’inconnu jeté en l’air au milieu du public, aucun ne boude son plaisir. Ça danse, ça sourit, ça s’enlace… Un véritable moment de partage traverse la foule.
Alors, plus rien ne nous retient et c’est parti pour la fête jusqu’à l’aube. Dombrance, Kabylie Minogue, un détour par la Folie de Pete, les occasions de danser sont multiples. Par euphorie, on lance la rumeur que Laurent Voulzy prépare un DJ set au sauna. Toute la foule se rassemble ensuite comme un seul homme à la scène Jibou, transformée en open air pour le closing de Manol, avec l’équipe du festival sur scène. Alors que résonnent les accords de Aline par Christophe, on entend “j’aimerais que ce moment ne s’arrête jamais”.
@Clémence Trebosc pour La Vague Parallèle
Cela tombe bien, si le festival est officiellement terminé, une rave party impromptue s’organise au camping, réunissant les plus vaillant·es jusque tard dans la matinée. Les rumeurs vont bon train sur le DJ masqué : est-ce Mézigue cette fois-ci ? Peu importe, “laisse-moi y croire”, nous confie un fêtard. Avec plaisir. Une partie de foot s’amorce avec la sécurité. Ici et là, des couples se forment et se dispersent vers les tentes. Peu à peu, un drôle de chassé-croisé se déroule entre les lève-tôt qui se réveillent, prennent leur douche et rangent leurs tentes, et les couche-tard qui s’y terrent pour quelques heures de repos avant un départ qu’on aurait souhaité ne jamais voir arriver.
Pete the Monkey, tu as désormais dix ans, soit l’âge de raison. Prends soin de toi et repose-toi, il nous tarde déjà de te revoir l’année prochaine <3
Article co-écrit avec Joséphine Petit.
Petit, je pensais que Daniel Balavoine était une femme. C’était d’ailleurs ma chanteuse préférée.