| Photo : Young Trikar
Troisième fois en autant de mois qu’une notification rouge apparait sur notre Youtube pour nous inviter à cliquer sur le profil d’okis. Ce n’est pas un bug. Le rappeur lyonnais a simplement décidé d’utiliser cet été 2023 comme une rampe de lancement pour Rêve d’un rouilleur, son premier album, en collaboration avec le producteur Mani Deïz, à paraitre en novembre prochain. C’est en tout cas ce qu’on apprend à la fin du clip de J’arrive, dense leçon inaugurale d’un gone aux flows bruts que ponctue non sans frisson l’ouverture des précommandes de ce 17 titres.
Pas de trace d’un refrain, un beat qui n’arrive qu’au bout de 3 minutes 40 et jusque-là, un rythme qui n’arrive pas à s’affaisser, la faute au flow discontinu et incisif d’okis. J’arrive prévient-il, tandis que la boucle mélodique de Mani Deïz semble autant pleurer la mélancolie des vieux souvenirs que chanter l’espérance des prochains. Une leçon d’efficacité dont la démonstration finale est produite avec ce clip, Colors sans couleur où okis interprète son texte avec la voix et les mains, sans que jamais l’ennui ne s’accommode de cette unité de lieu orchestrée par Maxime Boudehane. Une leçon, simplement.
La cohérence de l’ensemble tient dans l’apparente simplicité, sans doute à l’image du rappeur qui préfère arriver en crocks plutôt qu’en Porsche. Simple, le plan n’en est pas moins rodé. En un peu plus d’un an, okis s’est montré au monde avec ses deux premiers EP, OK et Rappeur de Lyon, puis a eu le temps d’enregistrer un album de 17 titres dans le studio de Mani Deïz. Pas trop mal pour un rouilleur.
D’autant plus si on ajoute que Roi des banaveurs et Textile, les deux autres extraits déjà dehors de Rêve d’un rouilleur ont été clippés. Un travail de l’image pris au sérieux et supervisé par Sandra Gomes, qui a le chic pour apposer un filtre qui rend aux lieux quotidiens de la vie des villes et ses alentours qu’okis raconte à chaque ligne, les caractères rassurants et inexplicablement beaux qu’ils revêtent pour ses familiers.
Car c’est de son quotidien dont cause okis derrière ses flows et rimes complexes. On y trouve pour décor le porche du Vival, des bancs à masquer, une Opel Astra et pas mal de foot – moins celui des chiffres que celui des protège-tibias qui puent la sueur. Mais il y a surtout le rap, qu’il apprend comme un métier comme le faisait Benzema avec un ballon sur le parking de Bron, afin de devenir, et on le lui souhaite, une légende vivante du 69 comme Juninho.
Et si vous n’avez toujours pas compris qu’il s’inscrit dans la capitale des Gaules, ben on ne peut plus rien pour vous. On n’est certes pas coutumier des Lyonnais de gauche, mais quand même. Entre l’utilisation de l’argot lyonnais et les réfs à l’OL (s/o Ponsot), okis cherche d’abord à rendre fiers les siens.
Moi j’suis fier de mon 6.9 qui sait braquer la Caisse d’Épargne
| Photo : Léonard Grospiron
Certains diraient “à l’aaaaancienne”. Un peu. okis s’est pris Nessbeal mais aussi L’Entourage un peu plus tard, et ça s’entend. Il y a comme un parallèle avec le retour du “rap qui rappe” au début des années 2010 et la proposition d’okis qui, bien qu’unanimement moderne, se veut tout de même brute et traditionnelle, “l’rap du grand frère”, à contrecourant de ce qu’on croirait hype en 2023. Mais on le sait, tout ça est une vaste supercherie en forme d’éternel recommencement. okis s’applique alors à chasser les madeleines de Proust de certains pour devenir celle des autres.
Il n’y a maintenant plus qu’à attendre le 3 novembre prochain pour en découvrir plus d’okis. On enfilera alors notre veste d’automne pour mieux se cacher sous sa capuche où raisonnera Rêve d’un rouilleur, album dont la sincérité influencera, c’est sûr, des milliers d’autres rouilleurs, à Lyon et ailleurs.
C’est du rap, le plus bel art mon frère
