| Photo : Hugo Payen
Chaque année à la même période, nos oreilles passionnées et nos cœurs de mélomanes endurci·es sont en émoi : les Nuits Botanique lancent officiellement la saison des festivals. Retour sur ces dix jours de fête marqués par une éruption d’émotions, de riffs en tous genres et de chaleurs humaines.
Comme à leur habitude, les jardins nichés au cœur du quartier se transforment le temps d’un instant en lieu de rassemblement festif. La verrière tremble toujours autant sous les basses en tous genres alors que dehors, les marches se remplissent continuellement d’aficionados venu·es se détendre en ce début de printemps mais surtout, venu·es se déhancher sur leurs artistes préféré·es. Aussi attendues que palpitantes et éclectiques, les Nuits Botanique frappent fort et tiennent leurs promesses. Pour vous (et un peu pour nous aussi, on l’avoue), votre rédaction préférée a décidé une fois de plus d’y établir son campement.
17/05 : Michelle Gurevich – Tim Bernardes – Jay-Jay Johanson & many more
Chanceu·ses d’échapper aux quelques averses moroses s’annonçant les jours suivants – quoi qu’un tantinet triste de rater les festivités battant joliment leur plein dans les rues de la capitale en ce jour des fiertés -, c’est le cœur en ébullition et le corps nappé de crème solaire que l’on débarque se dandiner sur tout ce que cette journée a à nous proposer.
Jacob Alon
Quelle ouverture de festival. À peine arrivé·e, il ne lui suffisait que de quelques accords pour déjà nous submerger. Nouvelle star de la scène folk anglo-saxonne, Jacob Alon fait sensation tant sur le fond que sur la forme de ses morceaux. Avec la sortie ce 30 mai de son premier album, In Limerence, l’auteur·e-compositeur·ice écossais·e va sans aucun doute marquer les esprits cette année. Vous vous en doutez, on ne voulait rater son passage pour rien au monde. Alors que le Musée ressemble plus à un bookclub qu’à une salle de concert sur le moment tant la foule se fait encore attendre, on en profite. De quoi découvrir ces nouvelles histoires aussi simples que complexes dans une atmosphère que l’on aurait jamais imaginé être aussi intime qu’elle ne l’est aujourd’hui. Une première claque musicale qui nous promet une journée bien chargée. En sortant du Musée, une seule chose nous semble encore être tangible : son titre de “nouvelle star de la folk anglo-saxonne”.
| Photo : Hugo Payen
Will Paquin
La journée file, le soleil brille et les belles surprises s’enchaînent déjà de manière effrénée. Les trente minutes passées en compagnie de Dressed Like Boys en sont d’ailleurs le parfait exemple. Sans perdre une minute – ou alors juste le temps d’aller prendre un coup de fraîcheur entre les murs de la Galerie à l’étage -, direction l’Orangerie pour découvrir l’indie en perpétuelles expérimentations de Will Paquin. Des gros riffs de guitare et des lignes de basses solides dans la figure dès les premières secondes : on peut dire que le groupe sait comment capter l’attention.
| Photo : Hugo Payen
Pourtant, la douceur demeure et les morceaux s’enchaînent en rythme avec le dandinement des quelques têtes envoûtées présentes. Venu avec sa bande nous présenter son dernier EP en date du titre éponyme, la plongée dans le monde de Paquin se fait sans trop de difficulté. Véritable coup de cœur inattendu, l’auteur-compositeur californien jongle entre une pop-punk des années 2000 à la Fall Out Boy, comme sur son dernier Hahaha, et quelques balades plus acoustiques venues ravir notre âme de quartz rose du jour. Headbanging modérés et émotions à profusions : Will Paquin vient de véritablement marquer le coup.
| Photos : Hugo Payen
Few Bites
C’était l’un des concerts que l’on attendait le plus aujourd’hui. Après un hiatus de six ans sans nouvelle musique de Few Bites à se glisser dans le casque, les bribes d’un retour triomphant s’amoncelait de plus en plus avec les sorties de Brick Houses en septembre dernier ou de son languissant Strongest Girl plus récemment. Toujours plus de riffs rêveurs et de productions hypnotiques : Few Bites nous replonge dans les sonorités planantes de son premier album éponyme. Est-ce qu’on adore ? Évidemment.
| Photo : Hugo Payen
Un univers dans lequel l’auteure-compositrice belge y dépose d’ailleurs toujours autant de mots forts dans l’océan de velours que sont ses productions. De quoi nous obliger à ne surtout pas manquer ses quelques minutes sur la grande scène de l’Orangerie. C’était (trop) court, ensorcelant et magnétique. Conclusion : oui, les six ans d’attente valaient le coup. On a d’ailleurs encore plus hâte qu’avant de pouvoir écouter le reste de ce nouvel opus qui, on l’espère, ne mettre plus autant de temps à nous parvenir.
| Photo : Hugo Payen
Benni
Sans grande surprise – vous commencez à nous connaître maintenant -, évidemment qu’on ne voulait pas rater le passage de Benni aujourd’hui. De retour vers le Musée d’un pas décidé, l’idée de (re)découvrir les nombreux chefs-d’oeuvre nostalgiques dont est composé son premier EP, Bleeding Colors, sous les arrangements du groupe l’accompagnant pour l’occasion, nous ravit. Et si à force de la voir enflammer avec succès les différentes scènes qu’elle frôle, on ne pensait plus être surpris·e : il n’aura suffit que de quelques minutes pour nous faire changer d’avis.
| Photo : Hugo Payen
Alors que nos petits cœurs de mélancoliques savent pertinemment qu’ils vont devoir se contenter de prestations écourtées, festival oblige, ils en auraient une nouvelle fois bien repris un peu plus. Les morceaux s’enchaînent et les frissons qui vont avec n’en perdent pas une miette. De l’ancien et du neuf, Benni aura réussi son pari du jour : chambouler les émotions de la centaine de personnes présentent cet après-midi. Les nôtres comprises. On a d’ailleurs bien fait de venir car si nous étions déjà comblé·es par les quelques morceaux de ce premier EP, l’auteure-compositrice en a profité pour nous dévoiler quelques inédits. Et ce qu’on peut vous dire, c’est que Benni n’a pas fini de faire parler d’elle. Quelle chance.
| Photo : Hugo Payen
Tyler Ballgame
Notre dernier coup de cœur débarque de la côte Ouest des États-Unis et nous met indéniablement la dernière claque de la journée. Avec un univers puisant dans les sonorités ensoleillées de l’Amérique des années 60 – 70′, l’escapade hollywoodienne est inévitable. Entre le storytelling d’Elvis et la puissance scénique de certains monuments comme Aretha Franklin ou Dusty Springfield, l’auteur-compositeur nous déverse ses émotions et ses notes animées avec des morceaux entêtants comme Help Me Out.
| Photo : Hugo Payen
Quand on discute avec lui sous les dernières lueurs de printemps de la journée, le nom de Sam Cooke ne traîne pas à sortir de sa bouche quand on aborde l’éternel question de ses inspirations. Et on peut difficilement lui donner tort. La journée touche doucement à sa fin et on ne va pas vous mentir : le sourire qu’on arbore en sortant du Musée à ce moment-là, il n’est jamais bien loin lorsqu’on décide de se remettre un peu de Tyler Ballgame dans les oreilles lors de nos longues balades dans les rues bondées de la capitale.
| Photo : Hugo Payen
18/05 : The Jesus Lizard – Mclusky – Soccer Mommy (sans soccer mommy snif) & many more
Hello Mary
On arrive dans la plus petite salle des Nuits du Botanique, le Musée qui est plongé dans une ambiance un peu mystique. Le son qui nous entoure est post-punk, un peu sombre, grisant. C’est celui du trio de new-yorkaises Hello Mary. Illuminées de rose barbie, les musiciennes ont un look assez goth qui clashe : grosses bottes et jupes en cuir, toutes de noir vêtues. Elles sont féminines, glam, elles viennent de Brooklyn et ça se voit.
| Photos : Chloé Merckx
La chanteuse est à la guitare, elle débite avec nonchalance sur des chouettes arpèges dont la mélodie nous transporte en tempête introspective alors que la batteuse pousse des cris dissidents. Trois meufs qui font du rock alternatif à l’arrière-goût psychédélique, ça fait penser à nos faves Goat Girl et c’est pile le genre de groupes qu’on aime découvrir lors de journées comme celles-ci.
| Photos : Chloé Merckx
Mhaôl
En franchissant les portes du Musée, on attrape un bout de conversation entre deux potes déjà dans la salle : « iels sont sûrement scandinaves pour s’appeler Mhaôl comme ça … ». Il faut dire que le prochain groupe est assez intrigant : on ne sait quasiment rien de Mhaôl, groupe de rock irlandais (et non pas scandinave, déso) à part que leur single Pursuit nous fait l’effet d’un shot de gingembre hyper énergisant. On découvre donc le groupe lors de leur premier concert à Bruxelles, ce dimanche 18 mai. La configuration est un peu atypique : deux bassistes, la chanteuse aussi batteuse et un guitariste qui restera le dos tourné au public pendant toute la prestation du groupe, sans doute timide. Le groupe annonce que leur nouvel album, Something Soft, est sorti le vendredi 16 mai, deux jours avant ce concert. Seulement trois copies de leur CD sont disponibles à la table de merchandising, il faudra donc se battre. Nous, on a réussi à se ruer sur le dernier tote bag, sur lequel est inscrit en rose “Ghost a post-punk boy today“, iconique.
| Photo : Chloé Merckx
Pendant 40 minutes, on plane sur les riffs de guitare et de la double basse. C’est envoûtant, le chant de Constance Keane est assez monotone, presque parlé et nous fait penser à Dry Cleaning. Elle galère à nous expliquer ce qu’est le IBS (syndrôme du colon irritable, en Français) avant d’entamer un titre hyper rythmé. La lumière donne une atmosphère très lourde au concert mais le groupe l’allège à toutes les interludes. Leurs interactions sont drôles, iels s’essayent au Français (sans grand succès) et parlent directement à la foule. « Qu’est-ce que c’est ces tags qui disent Fuck Arizona qu’on voit partout ? On s’est demandé ce que vous aviez contre cette boisson (le thé glacé) ».
| Photo : Chloé Merckx
On apprend que leur inspiration principale pour la composition, c’est la mort de leurs chiens : trois chansons du set y sont dédiées. Leurs titres sont très courts mais percutants, la plupart sont féministes d’ailleurs : Laundries raconte l’histoire de féminicides en Irlande et Pursuit la peur de se faire suivre en rentrant chez soi, empreinte de rage féminine, que le groupe finit en criant. Mhaôl est d’une authenticité et d’une puissance rare, à nous donner la chair de poule.
| Photos : Chloé Merckx
Armlock
Après une pause bien méritée dans la galerie, au milieu des magnifiques photographies de l’exposition qui s’y trouve, il était temps de reprendre le chemin des derniers concerts de ce jour. Celui qui avait lieu à l’Orangerie avait déjà commencé – depuis quelques minutes à peine – alors que nous arrivions à nouveau dans le cœur même des Nuits. Quelques notes, un regard entre nous et un pourquoi pas intrigué.
| Photo : Chloé Merckx
Il faut dire qu’Armlock a tout d’une accalmie dans le torrent de bruits lourds, énervés et distordus promis et attendus pour cette journée haute en rock. Un instant de douceur à tendance indie-rock, des rythmes tout en retenue où pointeraient presque une sorte de mélancolie qui ne demande qu’à être explorée. La voix feutrée attire les curieux·euses dans notre genre, les invite à se perdre sur des nuages de rêverie pour penser aux amours parfois difficiles – presque impossible ? – mais sans amertume, alliant parfois un semblant infime de spiritualité.
| Photo : Chloé Merckx
On en ressort le cœur un peu plus tendre, peut-être un peu moins triste de la non-venue de Soccer Mommy. Presque un peu apaisée·e finalement, après avoir passé des heures à taper férocement du pied. Le duo australien a réussi l’exploit de se démarquer dans ce tumulte et de marquer les cœurs présents.
21/05 : Adèle Castillon – Vendredi sur Mer – Yoa & many more
Mercredi, c’était l’occasion pour les meufs de la nouvelle scène pop francophone de confirmer leur domination du genre, de Yoa à Miki. De quoi s’écrier “moi et mes copines, moi et mes copines anh anh” toute la soirée.
Yoa
Le premier concert de la soirée démarre à 17h45. On arrive pile à l’heure et la scène de la Fountain Stage est déjà drapée de blanc, prête à accueillir Yoa. Accompagnée de deux danseuses, l’harmonie est immédiate : mouvements fluides, complicité évidente, un vrai tableau vivant qui plante le décor. Elles interprètent plusieurs morceaux de La Favorite, son dernier album récemment sorti. Son objectif est clair dès le début : “danser, pleurer et se faire kiffer ensemble”.
Quand les danseuses quittent la scène, Yoa s’installe au piano et l’atmosphère change. Plus intime, plus vibrante, elle reprend ses morceaux plus mélancoliques comme Le Collectionneur. Un premier oubli de paroles, qu’elle explique avec humour : “c’est parce que j’ai bu deux cafés ce matin et pas de matcha”, avant de se relancer dans le morceau toutes émotions confondues.
Elle enchaîne ensuite avec les titres de ses premiers albums, comme Chansons tristes, qui nous ont toustes fait craquer pour elle et sa folie depuis un certain temps maintenant.
Le concert se conclut sur un dernier moment dansant, un dernier souffle d’énergie partagée où chacun·e peut se lâcher encore un peu avec Yoa avant qu’elle ne quitte la scène. Une performance qui mêle avec justesse légèreté et gravité. Un démarrage réussi pour cette septième soirée des Nuits Botanique.
Vendredi sur Mer
Vendredi sur Mer pourrait catapulter son public en été même si elle jouait au milieu de l’Antarctique. L’artiste suisse ouvre le bal avec Encore, titre issu de son premier album. Le décor est posé ; gimmick aérien et paroles sensuelles, Vendredi sur Mer nous ramène à l’été 2019 où on se trémoussait sous un soleil de plomb en écoutant Premiers émois, l’opus qui l’a révélée. Ce mercredi soir au Bota, le temps n’a rien à envier à ces soirées d’été et le sable au sol de la Fountain Stage passerait presque pour une plage.
| Photo : Chloé Merckx
Charline Mignot, de son vrai nom, présente aussi les morceaux de son dernier album, Malabar Princess, sorti il y a à peine plus d’un mois. Tout résonne, J’irai en enfer, Malabar Princess,… Vendredi sur Mer version 2025 aime toujours les lyrics langoureux et les sonorités spatiales. Sur scène, l’artiste souffle un vent de gaieté et de puissance, et le public est pendu à ses lèvres. Ce dernier s’emballe quand résonnent les paroles espiègles de ses premiers morceaux comme Écoute Chérie ou Larme à gauche, titre qui voit la foule entière se réjouir des déboires des garçons. Gnark ! L’artiste fait un crochet par son second opus, Métamorphose, avec le titre Comment tu vas finir, plus sombre et urgent. Elle clôture ensuite ce set radieux avec Les filles désirs, morceaux étincelant, scandé d’un souffle et toujours fini trop tôt (un problème de garçon encore).
| Photos : Chloé Merckx
Adèle Castillon
Screaming, crying, throwing up : c’est l’heure d’Adèle Castillon. Youtubeuse, passée leadeuse de Vidéoclub, passée maîtresse de son destin et de sa carrière solo. Dieu sait qu’on l’attendait, elle et sa trajectoire improbable – on est fan depuis Les Pâtes. L’artiste entame Sensations, second morceau de Plaisir Risque Dépendance, son premier album sorti en 2023. Adèle Castillon habite la Fountain Stage, qu’elle parcourt de long en large pour chanter Alabama, titre phare de ce même opus, qui sent bon l’insouciance et donne envie de courir main dans la main dans un champ au soleil couchant. L’ambiance est électrique tant qu’elle fait péter les plombs du Botanique un instant.
La panne passée, Adèle Castillon se jette dans les morceaux de son album sorti en février, Crèvecoeur (mention spéciale pour sa photo de cover, qui érige la française en reine de la culture internet). “Donne-moi ton cœur et des frissons“, scande l’artiste sur une prod plus électro, qui sillonne Crèvecoeur et le distingue de ses sons précédents. Un virage plus assumé encore sur lèche_vitrine_demo1.wav (ouais tout ça), qui fait décoller la foule et propulse le set sur une nouvelle fréquence encore. Et Adèle n’oublie pas son public de la première heure. D’Euphories – le formidablement 80’s et seul album de Vidéoclub -, elle joue Roi et SMS. Sur cette dernière, on se dit que l’artiste cultive déjà depuis longtemps une certaine noirceur. Du haut de ses 23 ans, elle a “tout vécu déjà“, comme elle le chante sur Comic sans MS, feat avec le duo bruxellois Caballero & JeanJass, passé faire un tour sur la scène du Bota pour l’occasion.
| Photo : Chloé Merckx
Changement d’ambiance. Quand on a 23 ans en francophonie en 2025 et qu’on le veuille ou non, on appartient à une catégorie terrible de jeunes adultes : la génération LOL. Adèle Castillon ne fait pas exception, et interprète donc sans crier gare un petit Somewhere only we know de Keane. Peur de rien. Le public – sans doute lui aussi victime des skinny jeans et des mèches en travers de la face des années 2010 – chante le refrain comme si sa vie en dépendait. Sans surprise, la réaction est sensiblement la même lorsque la jeune femme entame Amour Plastique, tube absolu de l’époque Vidéoclub. Mais c’est quand une bande de relous dans la foule se met à scander le refrain d’Impala, l’un des premiers singles solo d’Adèle, que le terme brailler prend vraiment tout son sens. Le titre et ses paroles – “envoyer balader, danser tout l’été” – donnent l’impression que tout est possible, font sauter et hurler tout le public et clôturent donc un set ultra jouissif.
P.S. : les relous, c’était nous.
| Photos : Chloé Merckx
Miki
Après avoir joué des coudes pour rentrer tant bien que mal dans l’Orangerie, dernière escale dans cette salle ce soir-là, on se faufile alors au plus près de la scène. Une petite place trouvée juste à temps pour profiter à fond de ce concert qu’on attendait avec impatience. L’ambiance est déjà électrique, un peu moite, beaucoup trop joyeuse pour penser à repartir. Miki débarque avec scorpion ascendant scorpion, et sur scène, un ballon géant en forme de scorpion donne tout de suite le ton. Derrière ses platines, elle jongle entre ses sons et ses histoires, toujours sur le fil, toujours là où ça fait dingdong.
| Photo : Chloé Merckx
T-shirt Slipknot trop large, cheveux messy : elle a cette allure qui parle avant même qu’elle ne chante. Elle vit chaque chanson et nous embarque dans sa folie douce. Quand arrivent les premières notes de miki cowboy, elle s’empare alors du chapeau de cowboy qu’on lui tend depuis le premier rang. Shérif d’un monde où les poneys font des allers-retours et les beats électro s’échappent de leurs enclos, elle lance, avec toute la spontanéité qui la caractérise : « la prochaine fois, venez tous déguisés, ok ? ».
Elle finit par rendre ce fameux chapeau avant de se lancer dans un morceau inédit, rien que pour nos oreilles. Une balade électro qu’on a hâte d’écouter en boucle, et dont on attend la sortie avec impatience.
| Photos : Chloé Merckx
Un dernier round avec échec et mat, puis un faux départ. Elle revient pour récupérer son téléphone, joue un ultime son pour la route, et cette fois le concert se termine. Et notre soirée aussi. Pour toustes celleux qui auraient manqué ça, elle sera de retour le 10 décembre, dans cette même salle.
22/05 : Theodora – Dali – HJEUNECRACK & many more
Theodora
La boss lady, on l’attendait. Depuis la sortie de son projet BAD BOY LOVESTORY, les titres de Theodora tournent en boucle dans la tête. Et il nous tardait d’entendre de nos propres oreilles les prouesses vocales dont elle est capable, en témoigne ses performances virales notamment celle de ILS ME RIENT TOUS AU NEZ, en acoustique avec Chilly Gonzales. 30 minutes avant, la fosse est déjà comble. Des jeunes et très jeunes se bousculent pour la meilleure place. Le public est assez alternatif et féminin : on n’avait jamais vu autant de tailles basses et de disco puff regroupées au même endroit.
| Photo : Chloé Merckx
Une fois que le public a fini de l’invoquer en criant en cœur “boss lady, boss lady”, la voilà dans un corset en cuir, un wig cap sur sa perruque et une danseuse à chaque bras sur FNG. Elle siège sur son trône orné de mitraillettes et des rideaux de plumes rose en guise de fond de scène. Elle est iconique, elle prend la pose, danse et mime ses paroles. Malgré la foule qui crie par cœur absolument chaque mot, sa voix résonne au creux de nos entrailles, comme on s’y attendait. Mention spéciale à MON CASQUE, sur laquelle elle belt le refrain avec intensité (ce qui n’est pas le cas en version studio), ainsi qu’à PAY! et l’énorme pogo prenant la moitié de la fosse sur DO YOU WANNA?, titre dévoilé à la cérémonie des Flammes dont Theodora est repartie avec le trophée de révélation féminine de l’année. Nous, on a trop hâte de la revoir à Dour et avant ça, d’entendre MEGABBL, sorti le 30 mai.
| Photos : Chloé Merckx
H JeuneCrack
Après un concert enflammé de la Boss Lady, direction l’Orangerie pour la suite de la soirée. Changement d’ambiance : quelques lumières rouges tamisées, un grand drap qui cache la scène, un halo de mystère qui pique la curiosité.
On sent que quelque chose se prépare. Le son démarre … H JeuneCrack débute en hauteur, hors champ, avec les premières phrases de Freestyle 1er Mouvement. Une entrée en matière bien pensée, à l’image du tournant que représente ce morceau dans sa carrière : une affirmation de style, de cap, de crew. La salle se remplit doucement, le public lève les yeux, le cherche … Et il finit par apparaître, comme s’il prenait le temps de faire monter la tension avant de prendre place. Les premières notes de Sade prennent le relais. La prod est ultra soignée : cordes vibrantes, basses bien rondes, une richesse instrumentale. Ce deuxième morceau, issu de sa trilogie sortie en février 2025, continue de baliser l’évolution du rappeur, entre textures soignées et storytelling personnel.
| Photo : Melissa Fauve
Et puis, le décor bascule avec Kaboul Kitchen. Le drap tombe littéralement, et laisse apparaître une salle des machines. Ça clignote, ça brille, ça pulse. Platines, boutons, lumière dans tous les sens : on est clairement dans la tête de H JeuneCrack, version centrale nucléaire. Ou plutôt, dans sa cuisine. Car c’est bien de ça qu’il s’agit : une “kitchen” mentale, où il bricole ses sons, mijote ses phrases, infuse ses obsessions. Le morceau commence par un “jeune crack, enchanté” qui prend tout son sens dans ce décor.
La machine “Opale” s’active, clin d’œil à Opale Système et au label éponyme. Les beats s’enchaînent. La scéno est folle, mais la performance suit : le set alterne nouveautés et classiques, comme 10 balles ou 3 Meufs, tout en testant l’endurance du public, qui répond présent, bras levés, sourire aux lèvres, bref ambiance maîtrisée. Une performance qui confirme ce qu’on pressentait déjà : H JeuneCrack maîtrise son art, avec sincérité et précision. Et l’histoire continue : la tournée reprend à l’automne, avec de nouvelles dates annoncées. Autant dire que la machine est loin d’être à l’arrêt.
| Photo : Melissa Fauve
ADÉS THE PLANET
Dès qu’Adés the Planet débarque sur scène, on sent que ça va chauffer. Seule au micro, dans un halo de lumière blanche un peu voilée, elle impose direct son aura. Sweat oversize, dreadlocks en place, regard concentré : elle est prête à livrer ses textes, brut, sans détour. Elle ouvre avec Violent (extrait de son EP Un Très Bel Enterrement), un démarrage tout en tension contenue, qui serre un peu la gorge. La lumière vire au rouge, le brouillard bleu s’invite et la suite arrive : elle enchaîne avec Marginal, plus frontal, plus rageux, la voix qui claque, les tripes à vif.
| Photo : Chloé Merckx
Puis elle ralentit, tombe le pull, tatouages à l’air, lance un « est-ce qu’il y a des BI dans la salle ? » et balance BI, moment cri du cœur, confession publique. La salle écoute, respire avec elle.
Adès the Planet parle vrai, célèbre les marges, donne de la force à celles et ceux qu’on entend trop peu. Et ça se sent : le public est à fond, pas juste réceptif, mais connecté.
| Photo : Chloé Merckx
Et là, on switch. Vers 22h30, elle tease un son pas encore sorti. 24 Carras déboule en exclu sous des spots blancs qui fendent la scène comme des éclairs. Le public écoute attentivement, Adès the Planet est en contrôle. Le morceau atterrit sur les plateformes une heure et demie plus tard, timing parfait, tension maximale.
Pas le temps de redescendre : elle envoie le fameux morceau Millions version mi-acoustique mi-dansante, une cadence entre deux mondes, à la fois planant et entraînant. Puis elle calme le feu avec Écho, mais en version acoustique issu du projet Triade sorti en décembre 2024. Posée, fragile, toujours accompagnée de son guitariste qui tient la vibe depuis le début.
On approche de la fin, et la température baisse un peu … mais pour mieux frapper après. Jtm débarque, amour à nu, lumière rouge, ambiance moite, presque sensuelle. Et puis, ultime coup au cœur : Adès the Planet parle de sa sobriété récente, des mois sans flancher, avant de replonger dans ses souvenirs plus sombres avec R.A.F.. Un dernier morceau comme un uppercut et elle s’éclipse. Le public reste là, un peu sonné, un peu amoureux. Pour certain·es, c’est une claque inattendue. Pour d’autres, juste la preuve qu’Adès the Planet en live, ça tape encore plus fort. Une claque bien sentie pour finir la soirée comme il faut.
| Photo : Chloé Merckx
24/05 : Greentea Peng – Yukimi – Miso Extra & many more
Le temps était de mauvaise augure … Pour la première fois, la scène extérieure du Botanique (Fountain Stage) était en proie à des problèmes techniques. La pluie était si persistante que certain·es artistes qu’ils nous tardaient d’entendre ont été annulé·es, c’est le cas de Yukimi. Mais bon, on a ravalé notre seum et on a continué notre chasse aux pépites lors de ce samedi pluvieux.
ROZA
Une voix résonne dans l’Orangerie, plongée dans le noir. C’est celle de Roza, artiste bruxelloise multi-instrumentaliste. À la harpe et au chant, elle hypnotise. Roza n’est pas seule sur scène, plusieurs musicien·nes l’accompagnent : un violoncelle, une batterie, un piano, un clavier et une contrebasse. En plus, des énormes spots parsèment la scène et viennent sporadiquement éclairer des visages ébahis dans la foule. Derrière elleux, ce sont des voiles blancs translucides qui ornent le fond de la salle. Plus tard, Roza se faufilera derrière et dansera en chantant, sa silhouette en ombre chinoise sur les draps. On entend un râle d’émotion de la personne à côté de nous avant que la foule éclate en cris et applaudissements, saluant la performance de l’artiste.
| Photo : Melissa Fauve
Il faut dire qu’un concert de Roza, c’est autant de pureté, de poésie que de romantisme et des larmes … les nôtres. La salle de l’Orangerie est plongée dans le noir, Roza est illuminée du dessus dans un faisceau de lumière. Le tableau est onirique, le temps s’arrête, la foule est en admiration. Roza danse aussi, sur une instru très cinématique, avec les jeux de lumières possibles grâce aux spots sur scène. On a l’impression de voyager dans le temps. Elle suit la musique de façon si fluide et souple, on dirait qu’elle est faite d’eau, qu’elle ne fait qu’une avec les ondes sonores. C’est hypnotisant.
Elle termine son concert à la guitare acoustique, en interprétant sa toute première chanson “celle qui a tout commencé, elle parle d’une déception amoureuse”, Rappelle moi la beauté. On sort de l’Orangerie avec le coin de l’œil humide, et beaucoup d’attentes pour cette journée de concerts qui a commencé sur une magnifique note.
| Photo : Melissa Fauve
Nsangu
Nsangu au Musée, c’était comme faire le plein de vitamines, la lumière qui perce les nuages opaques de ce dimanche très pluvieux. On voyage sur des rythmes qui font bouger les hanches et lever les mains au dessus de la tête. Nsangu a charmé le public du Musée à coup d’anecdotes drôles entre ses chansons soul et mielleuses. Elle était accompagnée de son ami Clem, au clavier et lui a dédié une chanson sur l’amitié.
| Photos : Louise Duquesne
“J’y ai mis tout mon cœur, toute mon énergie pour toi” livre-t-elle plus tard au public, authentique et vulnérable sous des lumières jaunes. C’est tout doux, comme s’envelopper d’un drap de velours, réconfortant et chaud.
Elle chante ensuite 00:43, titre parfait pour recharger ses batteries et mettre un peu de soleil dans nos cœurs. Ensuite, elle enchaîne sur une chanson sur sa meilleure amie, tellement proche qu’elle l’appelle sa sœur (Nego en lingala). Sur Erotomane, elle monte en puissance sur une instru électro qui va en crescendo. On est content·e de découvrir cette chanson mais aussi d’apprendre un nouveau mot. Est érotomane quelqu’un·e qui est obsédé·e par l’idée d’être aimé·e. Nsangu termine son concert sur Emmanuelle. On garde un écho de flamenco et les paroles “tu es une criminelle” qui résonnent dans notre tête toute la fin d’aprem.
| Photos : Louise Duquesne
Miso Extra
On avait dit qu’on trouverait les pépites même sous la pluie, et ce n’était pas un mensonge. Bon là, techniquement, on était bien au chaud dans le Musée, mais on a bravé les éléments par la suite pour atteindre le container à frites, promis. C’est que la succulente synth-pop de Miso Extra ouvre l’appétit. Mix de japonais et d’anglais (the british kind s’il-vous-plaît), les textes de l’artiste née à Hong Kong roulent avec nonchalance sur ses productions léchées, influencées notamment par Daft Punk ou Kelis. C’est le cas sur Good Kisses, excellent morceau sorti initialement en single featuring rien de moins que le groupe – british lui aussi – Metronomy, avant d’atterrir sur le premier album de Miso Extra, earcandy, disponible depuis le 16 mai dernier.
| Photo : Louise Duquesne
Le ton est donc donné : la musique de Miso Extra coule dans les oreilles comme du miel et laisse un subtil sugar rush dans les veines avant de disparaître. Sur scène, l’artiste n’est accompagnée que d’un bassiste, dont l’instrument tapisse avec intensité les compositions électro décousues d’earcandy. Sur Playboi, la voix gracieuse de Miso Extra transperce les sonorités en forme de gouttes d’eau, tandis qu’elle prend des airs narquois sur Done., titre lui aussi issu de ce premier album débordant de bangers pop-électro.
Mais la londonienne joue aussi ses sons précédents. On attendait particulièrement 1013, sorti en 2021, dont la rythmique portée par un gimmick hip-hop à la Clint Eastwood de Gorillaz voit l’artiste rapper en japonais puis en anglais. Un mélange renversant qui sied à Miso Extra, créatrice aux airs de pop star demure qui ose tantôt les injures d’East London, tantôt les tournures japonaises sirupeuses. Le genre de paradoxe dont on raffole.
Greentea Peng
Faites place, la reine de la soirée est arrivée. Ce ne serait pas exagérer que de dire que la majorité du public ce soir n’a enfilé son k-way que pour elle. Histoire de build up un peu plus l’anticipation, la pluie ne s’était pas arrêtée de tomber de tout l’après-midi. C’est dans cet état d’esprit à la limite du délire – style gamin·es trop longtemps resté·es enfermé·es pour éviter la gadoue – que le public a accueilli Aria Wells, dite Greentea Peng, sur la Fountain Stage du Bota. Sorcière capable de faire disparaître l’averse, la londonienne ne dispose pas de moins de magie quand il s’agit de capter une foule.
| Photo : Louise Duquesne
Dotée d’une prestance naturelle, d’un band fourni et d’une voix rauque Amy Winehouse-esque, Greentea Peng déverse son R’nB’ psychédélique sur un public en transe, galvanisé par la promesse tenue d’un set sans l’ombre d’une goutte. “I thought it was gonna be cancelled for a second“, annonce d’ailleurs l’artiste – on était pas les seul·es à redouter le pire. La chanteuse soul est venue jouer les titres de son dernier album, Tell Dem It’s Sunny, sorti en mars dernier. On découvre ainsi en live les morceaux Green – et son “yeah yeah yeah yeah yeah yeah yeah” entêtant – ou Glory, hymne à l’espoir d’un monde apaisé que Greentea peng dédie à “ses frères et sœurs de Palestine“.
Le percussionniste au fond de la scène sort un violoncelle, tandis que l’artiste poursuit l’étalage des qualités instrumentales de ce second album. Aria Wells entame Raw, ou encore Stone Throws, titres qui contribuent encore à transformer la foule en une vague géante, oscillant de gauche à droite. Greentea peng, elle, s’érige en prêtresse de ce mouvement, singulière et inébranlable face à la houle.
| Photo : Louise Duquesne
25/05 : Stereolab – Wu Lyf – Poison Girl Friend & Many more
Clara Kimera
Si son nom vous dit quelque chose, ce n’est pas pour rien. Avant d’évoluer sous le pseudonyme de Clara Kimera, l’artiste formait l’autre moitié d’Agar Agar, dont des titres comme I’m that guy ont tourné sur nos playlists avec leur délicieuse influence plus électro. Mais ici, dans une Orangerie impatiente, c’est son projet solo, dont l’EP Dial 8 est sorti fin janvier 2025, qu’elle vient nous présenter.
| Photo : Chloé Merckx
Il faudra peu de temps pour que l’on se retrouve subjugué·es, attiré·es dans un univers peut-être plus sombre mais assurément plus personnel, plus intime. Le premier mot qui vient presque immédiatement à l’esprit pour la qualifier est “magicienne”. Car il y a certainement de cela, un peu de magie dans les arrangeants et dans sa voix pour nous transporter aussi vite où elle le souhaite. Où exactement ? A la confluence de différents styles musicaux qui se mélangent et se complètent avec un soin sans égal. Un style plus folk par moment. Le retour à des sonorités plus proches de son autre projet.
| Photo : Chloé Merckx
Inspirations, stimulations diverses qui nous entraînent dans un onirisme hypnotique où l’on ne voit pas le temps passer. Les tempos changent d’un morceau à l’autre, nous entraînant avec chacun d’eux. C’est captif·ves (mais de notre plein gré, avec joie, disons-le) que Clara nous retient d’un morceau dansant où l’on exulte à des morceaux plus torturés, où l’on s’arrête dans nos mouvements pour en apprécier toute la profondeur. C’est un ensemble réfléchi et mature que l’on ressent, auquel on adhère et qu’on a envie d’écouter encore et encore, jusqu’à en saisir toutes les subtilités qui auraient pu nous échapper dans ce set enchanteur et presque trop court.
Wu Lyf
« Nous sommes Wu Lyf et nous sommes de Manchester ». Derrière cette introduction simple et efficace se cache en réalité tout un pan de mystère. Un album en 2011, quelques singles et puis une pause. Une très longue pause, d’un peu plus d’une dizaine d’années. Et puis, du jour au lendemain, l’annonce d’un retour, un premier single en avril 2025 et quelques dates en Europe, dont celles-ci.
C’est une aura secrète qu’ils cultivent avec soin depuis leur début, entretenue pour attirer les curieux·ses qui se mêlent alors à celleux qui ont connu l’apogée de Go Tell Fire to the Mountain et dont les rêves de réunification ont été exaucés. La fosse et les gradins se remplissent rapidement, l’attente est fébrile. Que nous joueront-ils ?
| Photo : Chloé Merckx
Malgré les années passées, il y a des titres qui n’ont pas pris une ride. Ils s’inscrivent parfaitement dans le paysage rock actuel avec la touche suffisante pour les rendre reconnaissable mais avec une patte parfois plus pop assumée. Des introductions instrumentales qui auraient pu paraître un peu longuettes si elles ne rendaient pas aussi bien justice au mood souhaité.
A New Life is Coming en milieu de setlist, pour rappeler quand même le renouveau, le début du chapitre pour lequel les informations manquent encore. Le secret comme philosophie, comme véritable choix artistique. Mais surtout, une imbrication parfaite avec le travail réalisé précédemment, une continuité qui prouve la maturation et le bien être que procure de prendre du temps pour soi, pour digérer ce qui peut paraître énorme à certains stades de nos vies.
Ce qui marque surtout, c’est le bonheur qu’ils exultent à retrouver la scène. Même de loin, les sourires se voient, se communiquent à l’ensemble de la foule. Les interactions donnent l’impression de retrouver de vieux amis avec qui on avait un peu perdu contact mais sans que cela ait de l’importance. La paternité de l’un, la chanson dédiée à une personne en précisant qu’ils l’aiment. C’est ces petits moments attendrissants qui les rendent proches, qu’on les connaissait déjà ou non.
| Photo : Chloé Merckx
Moin
Arrivée tardive pour ne pas rater la dernière chanson du concert précédent, dont on tient à profiter de chaque instant. C’est donc dans le fond du Musée que l’on se retrouve alors, la visibilité plus que réduite sur ce qui se passe sur scène pour cause de public plus grand que nous et aucun espace pour se rapprocher décemment. Et même si on râle un petit peu au début de ne voir qu’un océan de crânes inconnus, très rapidement, on se rend compte que voir, ce n’est clairement pas le plus important pour ce concert. Qu’une symbiose expérimentale se créera tout de même avec facilité, au cœur de cette marée humaine.
| Photo : Chloé Merckx
Moin, c’est une expérience. C’est un voyage vers des contrées, des univers qui nous paraissent singuliers et inexplorés. C’est une plongée hors des terres familières des sonorités post-rock auxquelles on les rattache aisément pour conserver un point d’accroche rassurant. Mais rapidement, les rythmes changent, aidés visuellement par des jeux de lumières tantôt aveuglantes, tantôt chatoyantes. Il y a ce vert omniprésent qui donne vie à ce qui semble presque irréel par moment.
Si la performance est principalement instrumentale, la voix fait tout de même son apparition à certains moments. Hantée, hantante, elle augure généralement des descentes plus sombres. Pré-enregistrée, apposée dans l’ensemble où la percussion asymétrique lui donne un corps un peu plus décharné encore. On en a le cœur qui frémit, la cage thoracique qui tremble. Mais ces passages permettent d’apprécier encore plus les suites sans réelles pauses, plus dansantes, presque optimistes. Voyage déconcertant, surprenant mais dans lequel on se glisse facilement, les corps se meuvent sans que l’esprit ait à dicter quoi que ce soit, juste par la force du trio décidé à nous emmener loin, hors du temps et des repères connus.
| Photo : Chloé Merckx
On en ressort un peu hagard, désorienté·es : est-on encore au Botanique ou plus loin, ailleurs, dans un autre-espace qu’on a pris plaisir à découvrir ? La lumière du jour et la pause sur les marches sont un excellent moyen de décanter l’expérience, de digérer ce à quoi on était pas totalement préparé·es, en allant vers l’inconnu par curiosité.
C’est comme les Power Rangers, parfois on unit nos pouvoirs pour faire de plus grandes choses.