Avant que le printemps laisse place à l’été, nous avons décidé de remonter le temps et de réanimer les souvenirs du festival le plus incontournable de la saison : Le Printemps de Bourges Crédit Mutuel. Chaque année, à l’heure où les bourgeons font leur apparition, on s’éclipse sur les rives de l’Auron pour (re)découvrir une pléthore d’artistes confirmé·es, affirmé·es ou en passe de le devenir. Une fois encore, ce rendez-vous annuel aura tenu promesse en nous offrant autant de moments de ravissements que de grandes espérances. Jeanne Added, Disiz, Flavien Berger mais aussi Sofie Royer, Aghiad ou NOUS ÉTIONS UNE ARMÉE, les choix étaient cornéliens pour élire les concerts auxquels assister. Y étant parvenu·es, il est désormais temps de vous les partager. Souvenirs d’un Printemps qui a amorcé l’embellie des festivals d’été.
Comment commencer la saison estivale des festivals sans passer par celui-là ? Chaque année, le Printemps de Bourges Crédit Mutuel donne le la. Réunissant les artistes que l’on retrouvera plus tard sur la route des festivals, il est aussi et surtout l’occasion idéale pour assister à des créations inédites et découvrir de nombreux·ses artistes pépites, notamment à travers son dispositif iNOUïS. Nous avons donc décidé de profiter de cette édition pleine de promesses pour les découvrir.
Mercredi : Au commencement, étaient les iNOUïS
Plusieurs profils de festivalier·ères existent. Les fans qui viennent pour un·e artiste et qui multiplient les stratégies pour s’assurer la meilleure place. Les tatillons de l’organisation, qui sans toujours être fans, veulent maximiser leur expérience et planifient tout à l’avance. Celles et ceux qui y vont entre ami·es et se laissent guider par la ferveur du groupe. D’autres encore, qui suivant leur instinct s’offrent à l’instant. De tous ces profils, nous étions et sans doute est-ce l’une des meilleures façons de vivre le Printemps. Un mélange de convivialité, de découvertes, de concerts incontournables et d’impondérables, c’est un peu ça l’essence de ce festival qu’on aime tant.
Pour commencer cette journée inaugurale, on file au 22 Est & Ouest pour tenter de voir, malgré l’heure avancée, les iNOUïS de la journée. Finalement, nous arrivons pour le dernier set. L’air est déjà lourd et l’ambiance électrisée, faisant naître chez nous le regret des concerts passés. Sur scène, ils sont cinq : une voix lead, deux guitares électriques, une basse et une batterie. Une formation somme toute classique mais qui rend possible la surprise, et qui cette fois la confirme. Alors que PALES fait son entrée, on est très vite frappé par des envolées vocales qui tutoient une voix plus sépulcrale, donnant ainsi corps et récit à un univers sonore à la croisée du rock et de la dark-pop. Ce premier concert orchestre à merveille notre plongée dans le festival et nous donne l’énergie nécessaire pour l’entamer comme il se doit. Après ce concert initial, on flâne, on se croise, on discute, on rit, on regarde les stands et surtout, on profite sous le soleil du Berry.
Mais déjà, le jour décline. Tandis qu’on retourne dans cette double-salle qui deviendra notre QG pour le festival, le premier concert démarre à gros coups de kicks. Pas de doute, Fishtalk fouaille et attrape l’auditoire, quand les lumières elles tranchent l’obscurité. N’hésitant pas à laisser les guitares prendre toute la place, le groupe livre un concert aux accents noise, parfois synthétiques ou plus dark. De ce live, on retiendra une impression claire-obscure et une furieuse envie de bouger la tête.
De l’Est, on passe à l’Ouest. Changement de salle mais surtout d’ambiance. Bercé·es par le son d’une trompette, c’est sans attendre que l’on s’immerge dans un nouvel univers. Un monde instrumental où guitare, basse, batterie, claviers et trompette se mêlent dans des morceaux qui défient les étiquettes et les standards temporels. SESAM dresse ainsi des paysages sonores dans lesquels on dérive.
Après les talents collectifs, place désormais aux iNOUïS qui voguent en solo. Demain Rapides qui emportera à la fin de la semaine le Prix du Jury, puis Follo qui fait basculer la soirée vers l’électro. Seul derrière ses machines, l’artiste initialement fébrile convoque dans nos esprits les heures heureuses de Rone, French79 ou Thylacine. Sous la chaleur ardente des projecteurs qui le fixent, il partage une techno mélodique et si puissante que les murs tremblent autant que nos cœurs éblouis et nos corps épris.
Profitant de l’effervescence du moment, nous continuons dans notre élan en nous rendant au concert suivant. Dans la salle attenante, Alexi Shell campe sa position derrière les platines et introduit sa performance par une introduction progressive. Les boucles répétitives évoluent et s’agrémentent d’éléments électroniques et de vocalises pour nous immerger dans une galaxie empreinte de figures et de mythologies. L’identité sonore, scénographique et esthétique de cette musicienne-sirène nous appelle et nous séduit. C’est sur cette note sibylline, aquatique et électronique que notre première journée se termine.
Jeudi : Le Printemps dans la ville
Un festival, c’est comme un marathon. Nul ne sert nécessairement de courir vite et de vivre une expérience continuellement intense. Ce qui importe c’est d’être endurant·e pour se laisser la chance du ravissement. Pour ce deuxième jour, et en prévision de ceux qui arriveront, nous décidons donc d’opter pour un rythme de croisière. Il s’agira surtout de profiter du Printemps et de ce qu’il propose au-delà de l’expérience musicale. Car Bourges, c’est aussi ça : des stands qui remontent jusqu’à la place Séraucourt, des exposant·es avec lesquel·les on discute, et une foule d’anonymes que l’on croise et avec qui on échange un sourire.
Mais avant de se laisser aller à quelques flâneries et achats compulsifs, on profite de la première session des iNOUïS. Si le soleil siège au zénith, c’est vers l’obscurité du 22 Est & Ouest qu’on se dirige. Se retrouver ainsi dans la pénombre à écouter de la musique alors qu’il n’est que midi nous désoriente quelque peu. Peut-être, est-ce pour mieux se laisser happer par l’univers d’Aghiad que nous nous pressions de redécouvrir. Encore une fois, nous nous laissons envoûter par ces mélodies orientales, cette alliance entre musique organique et électronique que vient savamment sublimer un chant parfaitement maîtrisé. Ils ne sont que trois sur scène et pourtant ils s’emparent de l’espace et parviennent à cristalliser le moment que nous sommes en train de vivre. De cet instant pop irrésistible, on retient l’émotion fébrile, celle que fait naître le chant de l’exil, d’un hymne traditionnel jadis partagé avec une figure paternelle, des souvenirs d’une terre dont on cultive le souvenir éternel. On se sent ému·e d’accéder à cette intimité, à cette vérité qu’on effleure seulement dans l’instant. Sans aucun doute, il s’agit pour nous de l’un des concerts les plus marquants. Il est donc peu étonnant d’apprendre qu’Aghiad obtiendra le Prix du Public Riffx – iNOUïS 2023 à la fin du Printemps.
De la même manière, nous nous souviendrons du concert magistral de Liv Oddman qui suivra un peu plus tard. Avec un parler-chanter désarmant, l’artiste dégaine ses phrases et nous happe par sa présence scénique. D’un bout à l’autre de la scène, il court et défie les lois de l’équilibre. Il y a quelque chose de très esthétique et élégant dans sa proposition ce qui nous laisse prédire sans trop de risques une envolée rapide.
Désorienté·es et charmé·es par ce qu’on vient de voir, on reprend notre pèlerinage. On retrouve la rue principale puis on s’arrête au Carré d’Auron pour voir l’exposition des Olympiades hyper-soniques et e-sportives qui attire notre attention. À l’intérieur, on découvre des installations en bois abracadabrentesques, des curiosités « méga-soniques », interactives et sportives comme le Ping-gong ou le Hockey Computer dont on salue la référence. Cet espace de médiation numérique et de kermesse sonique, proposé par les collectifs BrutPop et 3615 Senor, nous permet de faire une pause ludique. On remonte ensuite la rampe Marceau pour accéder à la Place Séraucourt sur laquelle se pressent des stands. On en profite pour discuter avec les courageux·ses qui les tiennent et se donnent pour mission de nourrir et de donner le sourire aux festivalier·ères comme les tenanciers habitués de Chez Pépé. Sur cette place centrale du festival, la scène RIFFX mène la programmation musicale. Au programme Evy Joy, Miss Tagada, Anne Kale, Mystery Kid ou Green Ka. La richesse du festival tient aussi à ces artistes qui se produisent un peu partout dans la ville. Peu importe où l’on navigue, Bourges est embaumé de musique. Après cette halte, on continue notre périple. On emprunte la rue Moyenne, longe l’impressionnante cathédrale pour finir face au Palais Jacques Coeur, un sublime hôtel particulier de style gothique qui a traversé le temps et accueille pour quelques jours la création du chanteur et saxophoniste Thomas de Pourquery. Partout, c’est Le Printemps dans la Ville. Les bars font le pari de la musique avec des scènes de fortune, des artistes se produisent au gré de leurs envies. Le hasard est au rendez-vous. Se faisant, il nous guide vers quelques surprises, insuffle un air de fête de la musique, pour le meilleur et pour le pire. Après ce tour en ville, on redescend vers le site. Sur la route, nous sommes agréablement surpris·es de découvrir des émissions de radio se dérouler en direct et en public. Ce soir, le Mouv’ accueille Eesah Yasuke. On se délecte de la pluralité des expériences possibles.
Mais rappelons que si nous sommes ici, c’est avant tout pour la musique. Ce soir-là, nous sommes impressionné·es par la multiplicité des concerts proposés. Certain·es iront voir la création orchestrée par Silly Boy Blue autour de l’album Transformer de Lou Reed, ou celle construite autour du livre Sorcières de Mona Chollet. D’autres iront danser au W en chantant à tue-tête les refrains efficacement pop d’Izïa et Juliette Armanet, pour peut-être finir par toutes et tous se perdre dans le live narratif et électronique d’Agar Agar. La suite à l’aube.
Vendredi : L’épiphanie
Retour au 22 Est & Ouest, c’est un poncif. Le vendredi aura sans doute été pour nous l’apogée de cette édition, tant nous avons enchaîné de concerts aussi géniaux les uns que les autres.
Arrivé·es un peu après le début des premiers sets, on commence par le live de PAR.SEK. Immédiatement, on est intrigué·es par la scénographie déployée. Un énorme ballon en tissu suspendu au-dessus des musiciens donne vie à des projections : un personnage minimaliste qui danse au rythme de la musique, des images psychédéliques, des captures vidéos du live qui est en train de se produire. La diversité des images projetées résonne avec celle de la musique jouée. Entre pop, notes électroniques, punk et accents glam, PAR.SEK s’affranchit des styles prédéfinis pour construire son propre univers musical et narratif. D’une émotion à une autre, le groupe nous emporte avec un show électro, punk et légèrement bordélique, bien que tout cela reste dans la maîtrise. Ici ou là, on entend des compliments fuser dans le public. On passe de moments pop et décomplexés à des instants explosifs, allant même jusqu’à frôler les questionnements philosophiques lorsque le chanteur nous lance l’interrogation fatidique : “Et vous comment faites-vous pour être vous ?”. On tutoie les abysses, on joue avec la dimension cathartique pour mieux s’affranchir de nos frustrations et de nos limites. Ce concert aura été d’utilité publique. Mais pas plus de blabla, “PAR.SEK c’est des textes de qualité, sur une musique de qualité, pour un public de qualité” et c’est sur scène que ça se passe.
De l’autre côté, c’est désormais au tour d’Angie de jouer. Derrière les platines, une musicienne pose l’ambiance avant que la chanteuse arrive. Dès son entrée, Angie habite la scène. N’hésitant pas à faire de l’humour ou à improviser entre les chansons avec aisance, elle rayonne d’un charisme désarmant. Au centre de tous les regards, elle ne se laisse pas impressionner et va même jusqu’à les chercher. Sur une prod synthétique, Angie partage ses love songs avec une maîtrise technique qui enjolive son chant et sa musique entre rap et r’n’b.
On reste dans un univers proche avec BRIQUE ARGENT. Assurément, nous ne nous attendions pas à une si belle surprise. Si nous entendions depuis quelques temps son nom lancé comme une promesse, le concert du Stéphanois aura été une agréable découverte. Notre enthousiasme sera d’ailleurs partagé puisqu’il sera honoré du Prix du Printemps de Bourges Crédit Mutuel – iNOUïS 2023. Mais avant ça, c’est à une VIE SOUS-MARINE qu’il nous convie. Sur des prods électroniques, le chanteur s’ouvre à l’intime. Après un premier morceau qui nous donne goût à des envolées vocales magnifiées par un vocodeur, BRIQUE ARGENT twiste l’ambiance, partageant ainsi ses contrastes et ses endroits de névroses. Ce n’est pas à une performance douce et naïve que nous assistons. Alors que la basse nous saisit, les jeux de lumières nous sonnent. Stroboscopes, led et spots déchirent l’obscurité pour accompagner ce titre qui cogne. Au summum de l’intensité, le chanteur termine le morceau agenouillé. Retour ensuite à une impression sous-marine. Tout est bleu, la voix cristalline s’unit au piano. On se retrouve plongé·es dans les pensées du parolier. Dans la continuité de l’instant, la transition est parfaitement opérée. Le moment se trouble davantage. Sur scène comme dans la salle l’émotion est palpable. BRIQUE ARGENT et son musicien se prennent dans les bras. On arrive au terme du concert, “de retour sur la plage, loin de la vie sous-marine”.
Une poignée d’heures plus tard, c’est Ada Oda qui ouvre la soirée, toujours dans notre QG. Avec le morceau initial, le ton est donné : le concert s’annonce survolté. La chanteuse Victoria va même jusqu’à rejoindre la foule pour danser. Le groupe italo-belge dégaine ses titres avec aisance. On a le temps de reconnaître Un Amore Debole qui égaye nos playlists depuis sa sortie. Alors que nous aimerions rester chanter les refrains avec notre pseudo italien, il est déjà l’heure de filer à la MJC Gabriel Monnet pour voir la tant attendue Sofie Royer.
Depuis sa sortie en septembre 2022, nous ne nous lassons pas de son deuxième album Harlequin et de son audacieuse pop baroque. Impossible donc de rater la musicienne austro-américaine sur scène. Contrairement à ce que nous aurions pu attendre au vu de sa pochette, pas de maquillage de Pierrot lunaire. Ce soir, Sofie Royer fait tomber les artifices pour se concentrer sur l’essentiel. Pas de scénographie particulière donc et une formation épurée : un batteur, un bassiste et elle pour le chant, le piano et l’alto. Les lumières s’assoupissent et dans la pénombre une attention baignée de bienveillance s’empare du public. Seule, la chanteuse-musicienne entre sur scène, salue le public d’un timide et attendrissant “good evening, hi” et introduit magnifiquement son show au piano. Immédiatement, nous sommes saisi·es par la justesse de son chant et la sincérité de son interprétation. Lorsqu’elle entonne le refrain de son synthpop Schweden Espresso, “please don’t go making a mess” sonne comme une prière, tandis qu’elle s’agenouille ensuite sur Love Park. Entre deux morceaux, elle regarde son portable dissimulé dans la caisse de son alto et partage la bonne nouvelle : il reste encore le temps de quelques chansons, un soupçon de sincérité qui n’aura eu de cesse de nous charmer.
À quelques encablures de là vient de commencer une soirée post-punk placée sous les meilleurs augures. Si nous pouvons choisir de rester tranquillement installé·es pour profiter des concerts de Jeanne Added et Flavien Berger, on décide de retourner danser au 22 Est & Ouest. Choses Sauvages que nous avions vus au MaMA nous accueille de façon magistrale. Le groupe électrise la salle avec ses riffs de guitare funky, ses sons électroniques et ses nappes synthétiques. L’envie de danser est frénétique et le quintette nous y invite à plusieurs reprises, notamment avec son morceau quasi-instrumental La Musique dont les paroles se résument principalement à l’injonction suivante : “Laissez-vous simplement aller à la musique”. Conseil suivi, on se réjouit d’entendre certains titres comme La Valse des trottoirs, Homme-Machine ou le nouvellement sorti Mort de peur. Avec son set, Choses Sauvages allume un feu qui va prospérer tout le long de la soirée.
Très vite, la nuit s’assombrit. Place désormais à Joe & The Shit Boys et leur “shitpunk” énervée. Dès l’intro, la tonalité est indiquée : guitares saturées, mélodies élémentaires mais efficaces, le concert sera abrasif. C’est l’occasion de danser, d’expulser toute notre rage et de sauter quitte à y laisser un genou. Paradoxalement, leur musique invite au collectif et c’est avec une scène remplie que leur live se termine.
Après ça, pas question de perdre notre énergie, on change à nouveau de salle pour celle d’à côté, direction le concert du sextet anglais DEADLETTER. Fort d’une post-punk égayée ça et là par le saxophone inattendu de Poppy Richler, le groupe sème la surprise. Nous pourrions nous dire que venant du Royaume-Uni, la formation n’a rien de plus que celles de la prolifique tradition du pays. Seulement, au-delà des riffs quelque peu classiques et de la section rythmique basse/batterie, on décèle une vraie richesse mélodique. Leur concert aussi nous éblouit. Débordants d’énergie, ils ne lésinent pas sur leur implication et leur générosité, même si à 6, il est plus compliqué de bouger. Le chanteur qui fait penser à Ian Curtis n’hésite pas à se joindre au public. Pour coller à leur image et à la tradition punk à laquelle le groupe appartient, les musiciens partent en ayant laissé le larsen des guitares branchées. Classique mais parfait. On ne peut alors s’empêcher de regretter ces affiches qu’ils ont partagées aux côtés de Yard Act ou de Tropical Fuck Storm et que nous avons ratées. Si certain·es en doutent, le post-punk revival semble avoir encore de beaux jours à vivre.
Après le Royaume-Uni, direction l’Irlande avec Enola Gay. Pas le temps de rêvasser, le premier morceau nous prend au collet. Dans la lignée du précédent, le groupe tout droit venu de Belfast nous balance son énergique punk tapageur paré de noirceur. Ici, pas de saxophone mais une formation punk rudimentaire : batterie, guitare électrique, basse et voix. Pourtant, mélangeant post-punk, noise, hip-hop et shoegaze, leur musique nous surprend agréablement. Le concert est survolté et on ne peut s’empêcher d’headbanger. À l’image de la connotation historique de leur nom, la musique d’Enola Gay est lourde et oppressante. Quelque chose hurle, suffoque.
À peine fini, on change une énième fois de salle, direction celle de gauche (car nous revenons toujours vers cette direction) pour le dernier concert de la soirée et pas des moindres : The Psychotic Monks. Des guitares saturées, des basses lourdes qui nous font vibrer, on est rassuré : la relève post-punk est assurée. Cette fois, les voix sont réparties entre chacun des membres du quatuor dénotant ainsi une certaine liberté qu’on ne peut qu’apprécier. Au milieu de ce brouhaha rock psyché, une place est laissée au chant des machines ou à la trompette. Le groupe s’empare de la scène et déploie un show au cours duquel même le réglage des guitares est un spectacle. L’heure défile sans que l’on s’en rende compte. Mais on sent la fin venir. Alors que l’air commence à peser, un long passage instrumental et calme se déploie. On attend la libération avec supplication, on attend que ça explose. Nos prières sont entendues puisque progressivement, ils font monter l’intensité. La trompette hurle de longues notes tenues, comme une sirène. La fin est proche, le morceau s’étire. On est perdu·es. On ne sait pas dans quelle direction on va. Le terme “punk” prend alors tout son sens. Le concert se termine sur un message limpide adressé à la ministre de la Culture : “Macron démission, ce serait cool”. Espérons qu’ils soient entendus. Pour démultiplier la portée du message, 49.3 de Dalle Béton est passée pendant que le matériel est démonté.
Après cette soirée épiphanique, les plus motivé·es fileront au W pour les concerts de Meute et Bob Sinclar, tandis que les autres rentreront des souvenirs plein la tête, comme autant de boucliers face à la torpeur qui, la nuit, s’éveille.
Samedi : L’apothéose
Dernier jour sur les rives de l’Auron. Si le soleil se veut moins complaisant et que la fatigue commence à être harassante, on est heureux·se de retrouver le Printemps.
Une dernière fois, nous nous rendons juste après midi au 22 Est & Ouest pour voir jouer NOUS ÉTIONS UNE ARMÉE. Ce n’est pas la première fois que nous voyons leurs visages puisque nous les avons aperçus toute la semaine apporter un soutien indéfectible aux autres iNOUïS depuis le premier rang. Il n’est que 13H30 et pourtant le duo réussit à remplir la salle. Leur musique est singulière. Leurs arrangements post-rock minimalistes défient un parler-chanter poétique sans pour autant l’écraser. Entre le chant et la déclamation, on attrape ces mots comme s’ils nous étaient directement adressés. Le public est conquis par cette proposition poétique. Pour eux comme pour nous, « c’était une évidence ». Le show se termine sur des guitares et une voix saturée. Avant de partir, à la hauteur de leur gentillesse et de leur reconnaissance, ils remercient le dispositif qui leur a permis d’être ici et avouent l’angoisse de jouer devant les autres iNOUïS. Sous la clameur, Léo part en faisant tomber son micro. Une maladresse des plus touchantes.
De cet après-midi, nous gardons aussi en mémoire le concert d’AnNie .Adaa qui aura complètement conquis le public. Très à l’aise sur scène, il engage dès le début une conversation avec le public. « Toutes les bonnes choses ont une fin » mais il peut être rassuré de son effet. Alors que dans un de ses morceaux, il émet le vœu suivant : « Qu’aujourd’hui ne meure jamais, je commence à vivre », on peut au moins le rassurer sur son avenir.
Enfin, pour clore les concerts des iNOUïS, on retrouve sur scène les irrésistibles Social Dance que nous avions interviewés à l’occasion de la sortie de leur premier EP Rumeurs. Fidèles aux souvenirs laissés par leur passage festival Ici Demain ou sur KEXP, ils déploient sur scène une synergie qui vient parfaire un set délicieusement pop.
Pour clôturer cette édition et cette soirée, les soirées et les ambiances sont multipliées : Bertrand Belin, Poppy Fusée, B.B Jacques, Marina Trench, Roland Cristal, Contrefaçon, Acid Arab… Les chemins sont pluriels mais la fin singulière. Armée d’une setlist savamment composée, Irène Drésel conclut magnifiquement le Printemps avec un set techno sensuel et percussif. Ravi·es, nous plongeons dans la nuit en se faisant la promesse de revenir.
Le cœur grenadine et la déclaration facile, je passe mes journées les yeux rivés sur ma platine.